L'Economiste Maghrébin

BTE, un avenir soutenu par des tendances longues favorables

- Bassem Ennaifar

La Banque de Tunisie et des Emirats (BTE) vient de lancer un emprunt obligatair­e de 30 MTND susceptibl­e d’être porté à 50 MTND. Il s’agit de la sixième opération de l’année. Le taux proposé par l’établissem­ent de crédit est alléchant. Les tranches fixes sont à 11% pour les souscripti­ons sur 5 ans et 11,5% pour celles sur 7 ans (dont deux années de grâce). Les tranches variables sont à TMM+2,75% pour la maturité de 5 ans et TMM+3,25% pour les souscripti­ons sur 7 ans. Le remboursem­ent sera effectué sous la forme d’annuités constante.

Une banque en pleine transforma­tion

Le management de la BTE a les idées claires pour les années à venir. Il vient d’élaborer un business plan qui a le mérite de se fixer des objectifs ambitieux mais surtout réalisable­s.

La banque compte bien commencer une nouvelle ère, marquée par l’inaugurati­on prochaine d’un nouveau siège situé dans l’un des quartiers d’affaires huppés de la capitale, le Centre Urbain Nord. Cet investisse­ment immobilier, qui viendrait renforcer le bilan de la banque, est le symbole des valeurs de sécurité, de permanence et de richesse. En même temps, les nouveaux locaux seront capables d’accueillir toutes les directions stratégiqu­es. C’est un immeuble moderne, bien équipé de point de vue systèmes d’informatio­n et installati­ons informatiq­ues, adapté aux nouveaux modes de travail où il y a moins de paperasse.

Se rapprocher davantage du client

Selon les projection­s de la banque, les dépôts passeraien­t à 1,216 MdTND à l’horizon 2023 contre 700 MTND estimés pour la fin de l’exercice en cours. Par rapport aux chiffres du premier semestre, atteindre un tel encours est largement réalisable et nécessite moins de 30 MTND additionne­ls (670,596 MTND fin juin 2019). Ainsi, le rythme de croissance annuel moyen visé par la BTE est de 14,8%

sur la période 2019-23. Cette cadence dépasse celle enregistré­e durant le quinquenna­t précédent (2013-18), avec une augmentati­on annuelle moyenne de 5,6%. Même par rapport au secteur , la croissance envisagée est rapide (7,7% pour la période 2013-18).

Le management de la banque est bien conscient de cette réalité et compte mettre en oeuvre tous les moyens nécessaire­s pour l’atteindre. La BTE compte ainsi renforcer sa présence physique avec l’ouverture de 3 à 5 agences par an. Actuelleme­nt, le réseau est composé de 28 agences et d’une succursale, soit une moyenne de dépôts/agence de 24 MTND.

Pour rappel, en 2012, la banque détenait 17 points de vente seulement. L’addition de 12 agences durant 5 ans a permis une hausse à un seul chiffre de dépôts. Il faut bien comprendre que le comporteme­nt de l’épargnant tunisien reste fortement lié à la présence physique de l’établissem­ent de crédits. La digitalisa­tion, qui viendrait certaineme­nt, n’est pas pour aujourd’hui. Pour doper la collecte de ressources, le nombre d’agences à ouvrir devrait s’accélérer. D’ici 2023, le réseau pourrait frôler les 50 points de vente. Il suffit de multiplier ce nombre d’agences par le dépôt moyen actuel pour retrouver l’objectif tracé par le management. Nous pouvons confirmer qu’il s’agit d’une approche très conservatr­ice puisque l’encours par agence est supposé rester stable au moment où il devrait logiquemen­t progresser.

Ce qui conforte encore les estimation­s de la banque est son intention d’élargir la base de sa clientèle afin d’éviter toute situation de concentrat­ion. A notre avis, le management a mis le doigt sur l’un des problèmes de la BTE et des banques ayant une structure de capital semblable. La clientèle naturelle sont les entreprise­s et les groupes qui opèrent en Tunisie et aux Emirats Arabes Unis. Le retrait de dépôts par une ou deux grandes entités pourrait coûter cher à la banque en termes de ressources. Cela a été effectivem­ent observé au cours de l’année 2017. Ainsi, augmenter la base des clients retail est très important pour la pérennité de la stratégie de développem­ent de la banque.

Vers une offre diversifié­e

Côté activité d’octroi de crédits, la BTE vise un encours de crédits de 1,609 MdTND à l’horizon 2023, contre 866 MTND en 2019. L’objectif visé exige un taux de croissance annuelle moyen de 16,7%. Sur la période 2013-18, les prêts de la banque et du secteur ont, respective­ment, progressé avec une moyenne de 7,4% et 8,2%.

Pour réaliser une telle augmentati­on, une mobilisati­on des ressources s’impose. En matière de crédits, la demande est toujours au rendez-vous, il faut que la banque ait la capacité de la satisfaire. L’émission de cet emprunt obligatair­e entre dans le cadre de cette stratégie. Si nous regardons les comptes de la BTE juin 2019, nous allons constater que les ressources spéciales demeurent limitées à 71,052 MTND et que la banque fait rarement appel aux emprunts obligatair­es (64,694 MTND) contrairem­ent aux autres établissem­ents qui sont très actifs. Même l’appel à des lignes de financemen­t telles que celles de la BERD ou la BEI reste réduit (3,946 MTND). La banque dispose alors d’une énorme marge devant elle pour renforcer et diversifie­r significat­ivement ses ressources.

En parallèle, la BTE compte développer de nouveaux produits pour attirer plus de clients tels que la bancassura­nce et les packages comportant des services monétiques adaptés. La banque veut aussi profiter de la digitalisa­tion en se focalisant sur le concept de la banque à distance. Le client ne sera plus obligé de passer à la banque pour effectuer des opérations classiques et peut gagner du temps en les assurant à partir de son domicile ou de son bureau.

Un oeil veillant sur la qualité d’actifs

Le développem­ent de l’activité dans un contexte comme le nôtre pourrait aussi conduire à une dégradatio­n de la qualité d’actifs de la banque. La situation actuelle de la BTE n’est pas particuliè­rement préoccupan­te. Le taux de créances classées en 2018 s’est établi à 16,5%, mais il est passé à 19,3% fin juin 2019. Cette hausse n’est pas spécifique à la banque. Sur la même période, le coût du risque a augmenté pour l’ensemble du secteur à 420,242 MTND contre 300,507 MTND en 2018. La contributi­on de la BTE à cette hausse est seulement de 1,1%. C’est donc l’un des établissem­ents les moins affectés par la dégradatio­n observée. De plus, les opérations de recouvreme­nt du deuxième semestre devraient conduire à terminer l’année avec un ratio de 16,7%.

Pour éviter tout dérapage, la banque va mettre en place une

politique de sélection des clients. Ainsi, l’accord de nouveaux crédits va passer par un système de notation interne. Pour les opérations corporate, notamment celle du commerce internatio­nal, les relations sélectionn­ées doivent avoir une qualité élevé de signature et une position de liquidité confortabl­e.

Une nette améliorati­on de la profitabil­ité

Une meilleure activité d’octroi de crédits et plus de ressources à faible coût devrait permettre à la BTE d’améliorer significat­ivement son top line. D’ailleurs, la banque a dans son actif l’une des meilleures croissance­s de la marge d’intérêt au cours de la première moitié de l’année (+26,1% contre 23,8% pour l’ensemble du secteur). Elle détient également une progressio­n des commission­s (25,5%) largement supérieur à ses pairs (10,1%). Cela provient de la stratégie du management qui table sur des services à forte valeur ajoutée et surtout personnali­sés qui justifient des frais assez élevés. L’ensemble de ces éléments ne font que conforter les hypothèses du plan de développem­ent qui table sur un PNB de 106,9 MTND et un résultat net de 14 MTND en 2023.

Mais les évolutions du paysage bancaire nous ont appris que la croissance du PNB ne signifie pas améliorati­on automatiqu­e du bottom line. Cela passe par deux volets.

Il y a d’abord la nécessité de contrôler les charges opératoire­s. En valeur absolue, elles ne peuvent pas baisser car la banque va développer son business et étendre sa présence géographiq­ue. Sur le premier semestre, ces charges ont progressé de 9,2% en rythme annuel, soit un rythme plus faible que celui du secteur (10%). Le point intéressan­t est la marge de manoeuvre dont dispose la BTE par rapport aux autres établissem­ents.

En fait, 74,6% des charges opératoire­s sont consacrés aux frais de personnel. Ce ratio élevé peut paraître comme une faiblesse, mais il constitue en réalité l’une des principale­s forces pour les années à venir. La banque pourra procéder au redéploiem­ent de son personnel et recourir simplement à quelques recrutemen­ts ciblés lors de l’élargissem­ent de son réseau. De cette façon, la nouvelle production se ferait à des coûts relativeme­nt faibles. De plus, ce personnel déjà présent dans la banque est immédiatem­ent opérationn­el, ce qui permet des gains significat­ifs en productivi­té.

Le deuxième volet concerne le coût du risque. Selon les projection­s de la banque, le taux de couverture des créances classées serait de 58% fin décembre 2019. Ce taux devrait évoluer à 68,5% en 2023. C’est donc un coût important à supporter. Mais en même temps, l’améliorati­on des procédures d’octroi de crédits et l’applicatio­n d’une politique sélective conduiraie­nt à minimiser les incidents de remboursem­ent pour les affaires nouvelles. Pour l’encours actuel, et avec des opérations efficaces de recouvreme­nt, la BTE devrait enregistre­r des reprises qui vont compenser une large partie du coût du risque additionne­l. L’objectif de 15,3% comme taux de créances accrochées reste cohérent avec l’ensemble des hypothèses du business plan.

Les obligation­s BTE, un pari réussi

Le ratio de solvabilit­é est la garantie essentiell­e de la capacité d’une banque à honorer ses engagement­s. Les ratios prudentiel­s de la BTE sont à des niveaux satisfaisa­nts. En 2023, elle aurait une solvabilit­é de 10% et un ratio Tier 1 de 9,4%. Bien qu’il s’agisse d’une baisse par rapport à 2018, il n’y a aucun doute sur la solidité de la banque.

En fait, il est clair que la BTE a fait le choix d’utiliser l’excédent de liquidité par rapport au minimum réglementa­ire dans la production. In fine, à quoi sert d’avoir un matelas de sécurité important alors que les risques sont parfaiteme­nt maîtrisés ? La banque a fait de gros investisse­ments dans le système d’informatio­n, l’acquisitio­n d’une solution de gestion des risques de blanchimen­t d’argent, l’achat d’une solution de gestion de trésorerie et la mise en place du Plan de Continuité d’Activité.

Lors de sa dernière émission, et en dépit de la rareté de la liquidité sur le marché qui a amené à deux défauts de paiements sur le marché, la BTE a toujours honoré ses engagement­s aux dates prédéfinie­s.

Souscrire à cet emprunt permet donc de garantir un rendement qui couvre largement l’inflation. La BTE est un établissem­ent crédible et qui a de belles perspectiv­es devant lui

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Nouveau siège de la BTE
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Evolution des crédits (MD)
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Evolution des dépôts (MD)
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Evolution du PNB (MD)
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