La BTS Bank, une banque qui sait exploiter les niches rentables
La Banque Tunisienne de Solidarité (BTS Bank), qui a fêté ses vingt ans d’activité l’année dernière, n’est pas une banque comme les autres. Sa mission est d’offrir des moyens de financement à ceux qui n’arrivent pas à réunir les ressources nécessaires à leurs projets ou à offrir les garanties suffisantes. C’est donc un établissement de crédit avec une forte composante sociale, contrairement à ses pairs. Malgré cela, la banque est parvenue à réaliser des chiffres intéressants qui méritent d’être analysés en profondeur.
Un bilan quinquennal positif
Sur la période 2013-18, la performance de la banque est excellente. Les crédits octroyés ont progressé avec une moyenne annuelle de 10% à 1,112 MdTND, contre 8,2% pour le secteur sur la même période. Le Produit Net Bancaire (PNB) a augmenté de 19% à 40,194 MTND (une hausse de 12,3% pour le secteur sur la même période). Ces performances ont été atteintes tout en parvenant à faire baisser le coefficient d’exploitation à 58,6%. Le Résultat d’exploitation a gagné, en moyenne, 19%. Les ratios prudentiels restent confortables avec une solvabilité de 34,6% (un minimum réglementaire de 10%) et une liquidité de 203,9% (minimum requis de 100%). Cela sans oublier que la banque a financé, jusqu’à la fin de 2018, 190 670 microprojets et micro-entreprises pour un volume global de 1,560 MdTND.
Les prémices d’un bon 2019
Selon les chiffres du premier semestre 2019, BTS Bank a réalisé un PNB de 23,174 MTND, soit une progression de 29,4% en rythme annuel. Là, il convient de signaler que la banque n’a pas d’activité d’investissement en portefeuille identique à celle menée par les autres établissements de crédit. Ses participations sont concentrées dans des SICAR et des fonds qui investissement et partagent des risques avec les jeunes entrepreneurs. Elles ne peuvent donc pas offrir un rendement immédiat. Cela explique pourquoi les gains sur portefeuille titres commercial, d’investissement et opérations financières sont nuls. Pour le secteur, et sur la même période, ces revenus ont représenté plus de 26% de leur PNB. Faire progresser son PNB de la sorte est donc, en lui-même, une performance.
Jusqu’à juin 2019, la marge d’intérêt de BTS Bank a augmenté de 35,5% à 20,687 MTND. Cette croissance est nettement supérieure à celle enregistré par le secteur sur la même période (23,8%). L’encours de crédits est de l’ordre de 1,128 MdTND, 4,2% de plus par rapport à 2018.
La banque n’a pas une activité classique de collecte de dépôts. Le financement de ses opérations se base sur les emprunts obtenus d’organismes internationaux (BID et
FADES à titre d’exemple) et les ressources dans le cadre de contrats de gestion pour compte, à l’instar du FONAPRAM et de la dotation de l’Etat et FNE pour le financement du micro-crédit.
Autre point positif : la baisse des charges générales d’exploitation de 5,2% à 3,273 MTND. Avec la hausse des coûts d’exploitation, une gestion rigoureuse s’impose.
Avec une telle structure de ressources et de contraintes dans leur utilisation, la BTS ne peut faire mieux que de se focaliser sur des niches très rentables si elles sont bien exploitées.
Une banque socialement responsable
L’une des principales niches à exploiter est le micro-crédit. Jusqu’au mois de septembre 2019, la banque a financé 8 288 projets pour 117,448 MTND.
L’encours moyen par client est de 14 170 dinars, largement supérieur à l’encoures moyen des institutions de microfinance (Société Anonyme) qui est de 2 230 dinars seulement. La banque est donc en train de prendre des risques importants en matière d’octroi de crédits, synonyme de projets de plus grande taille qui créent plus d’emplois. En fait, le nombre de postes s’élève à 13 450.
La répartition sectorielle de ces projets prouve la dimension sociale de la BTS Bank. Les petits métiers ont accaparé 31% des crédits accordés et 7,7% sont attribués à l’artisanat, deux activités qui ne sont pas bancables dans le contexte actuel. De même, la répartition géographique est intéressante. Les gouvernorats de développement régional abritent 45,3% des projets financés.
6060 projets financés ont été initiés par des personnes n’ayant pas un niveau d’enseignement universitaire, soit plus de 73% du nombre total. Elles ont obtenu des financements d’une valeur de 65,346 MTND, soit 55,6% de l’enveloppe globale investie.
Par genre, ce sont les femmes qui ont le plus grand nombre de projets (4 547), 54,8% du nombre total. La banque joue un rôle important dans la lutte contre le chômage de la femme rurale dans les régions intérieures du pays.
Enfin, la banque a un portefeuille équilibré entre nouveaux projets (4 127) et extensions (4 161). Elle offre une aide précieuse à ceux qui sont exclus, de facto, du système financier et leur permet d’entrer dans la vie active. Il y a eu plus de création d’emplois par les nouveaux projets (55,4% des postes), par les femmes (52,4%) et par ceux qui n’ont pas fait d’études universitaires (68,3%).
La deuxième niche est celle des produits bancaires islamiques. La BTS Bank est la seule banque conventionnelle qui a une fenêtre conforme à la finance islamique, un business qui attire plusieurs Tunisiens. Elle a agréé 431 projets via ces produits pour une valeur de 18,123 MTND, répartis entre 168 opérations Mourabaha (5,513 MTND) et 263 opérations Ijara (12,610 MTND). La part de la finance islamique dans les transactions de la banque est passée de 12% en 2018 à 15% en 2019.
Un nouveau souffle pour l’avenir
La banque compte faire peau neuve à travers sa stratégie 2020-24. Elle continuera à miser sur les niches de micro-crédit, de finance islamique et de meso-finance. La BTS Bank va donc se doter d’une gamme complète de produits adaptés aux TPE, PME et aux auto-entrepreneurs qui peinent à trouver des offres de financement qui tiennent compte de la réalité de leurs activités.
Pour cela, la banque va d’abord s’intéresser à la mobilisation de ressources et à l’amélioration de sa politique de recouvrement. La BTS Bank va élaborer des manuels de procédures pour l’octroi de crédits, le recouvrement et le contentieux. Un plan triennal de reconversion des cellules en agences bancaires organisées selon une structure type claire est envisagé.
Afin d’améliorer la rentabilité de ces points de vente, une gestion par objectifs sera mise en place sous la houlette de son entreprenant DG Mohamed Kaâniche, aussi efficace que discret. Il a réussi à faire d’une institution à vocation sociale un véritable établissement bancaire, conciliant ainsi équité sociale, performance managériale et impératif financier. Il a pu enclencher un processus de développement cumulatif, gage de pérennité de la BTS Bank. Le personnel, dont le nombre s’élève à 283, bénéficiera de formations ciblées et de services d’un nouveau centre de développement des compétences propres à la banque. Cap comme qui dirait sur l’avenir.
Le dernier volet du plan quinquennal porte sur la gouvernance. Un code de gouvernance et un autre de déontologie, avec une séparation entre la fonction du président du Conseil d’Administration et celle du Directeur Général. Un comité de contrôle de cohérence interne sera créé et qui aura pour mission la mise en place d’un plan d’actions ainsi que le suivi des recommandations des différentes structures de contrôle et d’audit.
Toute cette démarche sera soutenue par un nouveau système d’information qui va gérer tous les aspects de l’activité de la banque (ressources humaines, consolidation, contentieux, achats, audit, etc.).
La BTS Bank compte alors ouvrir une nouvelle page dans son histoire. Elle mérite à notre avis plus de ressource de la part de l’Etat. A bon entendeur
Pour tout l’article, le secteur est 1 représenté par les douze banques cotées à la Bourse de Tunis.
2Zaghouan, Béja, Jendouba, Le Kef, Siliana, Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid, Gabès, Médenine, Tataouine, Gafsa, Kebili et Tozeur.