La finance au chevet du Maghreb
L’UMA a été fondée il y a un peu plus de 30 années. Le 17 février 1989 a été signé le Traité constitutif de l’Union du Maghreb Arabe, à Marrakech ; en grande pompe et avec beaucoup d’espérances en vue, par les cinq chefs d’Etats d’Algérie, du Maroc, de Mauritanie, de Libye et de Tunisie.
Depuis, peu d’avancées impactantes enregistrées, économiquement parlant, en dépit des quelques initiatives qui méritent attention. Parmi les plus récentes il est possible de relever :
• La création en décembre 1990 de l’Union des Banques Maghrébines (UBM) sous l’impulsion des dirigeants des banques des pays de l’UMA en adoptant des activités qui s’intègrent aux objectifs adoptés par l’Union (cf. encadré).
• A la célébration du 18ème anniversaire de la création de l’UMA a été créée l’Union Maghrébine des Employeurs (UME), en février 2007, avec pour mission l’intégration économique du Maghreb, le renforcement de la capacité institutionnelle, la promotion du lobbying du secteur privé maghrébin et le développement des opportunités d’investissements et d’échanges.
• Le lancement, non sans longueur, de la Banque Maghrébine d’Investissement et de Commerce Extérieur (BMICE), annoncé depuis 2006 et devenu effectif en mars 2017, afin de contribuer à l’édification d’une économie maghrébine compétitive et intégrée, à réaliser des projets mixtes, à promouvoir les échanges commerciaux intermaghrébins et à renforcer les investissements et la circulation des biens et des capitaux entre les pays du Maghreb.
• Les gouverneurs des Banques Centrales des pays de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) se sont mis d’accord, lors de la 8ème réunion de leur Conseil, tenu le 17 novembre 2018 à Tunis, sur un plan d’actions décliné en 4 priorités: l’utilisation des nouvelles technologies financières et de la crypto-monnaie, l’inclusion financière, la finance islamique et enfin la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les cinq gouverneurs des banques centrales étaient, alors, unanimes à affirmer que ce plan d’action constitue un point de départ efficace pour l’intégration des autorités monétaires des pays du Maghreb, en vue d’assurer la dynamique et le développement des économies de la région. Ils ont également convenu de mettre en place un Secrétariat général de ces institutions financières, dont la gestion a été confiée à la Tunisie.
Des volontés et des initiatives
De toutes ces initiatives entreprises, depuis, par les différentes institutions, la plus récente est la tenue, le 23 octobre dernier, d’une rencontre de présentation d’un rapport sur les Banques maghrébines comme acteurs du développement économique.
A partir d’un point de vue sur l’état des lieux des systèmes bancaires maghrébins et les défis de l’innovation, le rapport s’est attaché à présenter les avancées des pays du Maghreb touchant l’économie informelle, la corruption, le decashing et le blanchiment…
Par ailleurs, ce rapport met l’accent, entre autres, sur les enjeux et les mesures pour une meilleure inclusion financière au Maghreb, ainsi que les grands défis du numérique et de la responsabilité sociale et environnementale des banques.
Ces différents points ont fait l’essentiel des deux présentations, celle, magistrale, de Ahmed Karm, président de l’UBM et celle, non moins éloquente, de Dhafer Saïdane, professeur à Skema Business School et auteur du rapport développé selon sept thématiques d’intérêt :
• Thème 1 - Etat des lieux des systèmes bancaires maghrébins et les défis del’innovation
• Thème 2 - Les banques maghrébines acteurs de la croissance économique
• Thème 3 - Informel, corruption, decashing et anti blanchiment : les avancés au Maghreb
• Thème 4 - La bancarisation : enjeux, défis et mesures pour une meilleure inclusion financière
• Thème 5 - Les banques acteurs de la dynamique économique au Maghreb et instruments d’intégration
• Thème 6 - Les grands défis du numérique
• Thème 7 - La responsabilité sociale et environnementale des banques. De chacun de ces thèmes il ressort :
• Que la croissance annuelle moyenne du PIB au Maghreb est de l’ordre de 3.8% pour l’année 2018 contre 2.5% une décennie auparavant. Cette croissance est soutenue malgré un contexte international mouvant.
• D’une manière générale, l’intermédiation bancaire progresse au Maghreb grâce à une industrie bancaire dont la taille avoisine les 700 milliards USD d’actifs. En moyenne, le ratio du crédit bancaire destiné au secteur privé en pourcentage du PIB est de plus de 50%.
• Les mesures de lutte contre le financement du terrorisme, le respect des normes internationales de sécurité et le renforcement des fonds propres constituent des priorités permettant une nouvelle gouvernance bancaire et un renforcement de la conformité.
• L’utilisation du téléphone mobile et/ ou d’Internet pour accéder à un compte d’institution financière a également pris racine dans les économies du Maghreb. L’inclusion financière offerte par les services financiers digitaux et les paiements numériques peuvent contribuer au développement économique.
• Les banques au Maghreb tentent de réduire les contraintes à l’intégration économique. Elles valorisent des
mouvements financiers et bancaires cross border notamment en favorisant des conventions intramaghrébines de paiement en monnaie locale. Le système du Clearing House est particulièrement prometteur.
• Les banques maghrébines investissent dans les innovations technologiques. Ces banques offrent aujourd’hui un potentiel formidable pour tester et valider, en grandeur nature, de nouveaux concepts comme le paiement sur mobile qui s’est rapidement imposé.
• Les pays du Maghreb se sont engagés dans une démarche cohérente avec les standards internationaux. Leurs démarches «Responsabilité Sociale et Environnementale» (RSE) s’articulent autour des questions suivantes :
• Droits de l’homme.
• Relations et conditions de travail.
• Environnement.
• Loyauté des pratiques etc.
Le Maghreb a ses atouts
De ce point de vue, les banques maghrébines visent une relation durable et de confiance avec leurs clients. Elles proposent de plus en plus des produits et des services inclusifs, accessibles et adaptés qui protègent les intérêts de leurs clients.
Le rapport souligne enfin que le modèle en éclosion, celui inclusif vers lequel évoluent les banques maghrébine se doit d’être centré autour de l’entreprise, le crédit bancaire étant le moteur de la croissance économique et la banque son générateur. Avec, au final, un développement des échanges entre les pays de l’UMA au service d’une meilleure intégration économique.
Pour ce qui est de ce dernier point, le rapport indique que rares sont les régions et les regroupements de pays dans le monde qui présentent autant d’atouts naturels et de synergies dont dispose la zone économique.
Ainsi, les pays de l’UMA avec 7 millions de km2 et un potentiel humain de consommation de plus de 80 millions d’habitants constituent une entité géographique naturelle partageant la même langue, la même culture et la même histoire.
Au-delà de l’expression louable de toutes les bonnes volontés à construire une zone économique intégrant les 5 pays, il reste que le paysage ne semble pas avoir évolué dans la direction espérée.
En effet, les pays du Nord de l’Afrique demeurent faiblement ouverts au commerce intra régional toujours caractérisé par une forte concentration géographique et une faible diversification de produits. De ce fait, la région constitue un des cas les plus extrêmes de faiblesse du commerce interrégional et de déficit notable d’intégration. Une situation qui ne s’est, certes pas, améliorée au cours des trente dernières années avec une «performance» guère au-dessus de 3% de ses échanges extérieurs marquée par un niveau d’intégration commerciale très en deçà des avancées réalisées par les autres communautés régionales y compris celles du continent africain au sud du Sahara, où le niveau des échanges, notamment entre les 28 pays de l’Europe communautaire ayant des cultures et des langues différentes, affleure les 60%
Il est un fait que l’entrave majeure à cette ambition réside dans la situation politique avec plus de bas que de hauts. Ses conséquences apparaissent dans le résumé analytique de l’étude sur le coût d’un NonMaghreb (https://ftdes.net/rapports/resume. coutdunonmaghreb.pdf). Il est reconnu, notamment par l’Institut européen pour la Méditerranée de Barcelone, que cette situation fait perdre annuellement à chaque pays pas moins de 2 points de croissance. Une perte qui, ramenée aux 30 années écoulées, laisse tout un chacun pour le moins perplexe ! Divers plans d’action sont préconisés. Ils viennent s’ajouter aux efforts et plans adoptés, que ce soit par les Banques centrales UMA, UBM, BMICE et autres institutions animées toutes d’une même bonne volonté, avec pour objectif d’assurer l’intégration et le développement des économies des pays du Maghreb Arabe et les conditions de vie favorables aux citoyens maghrébins. Il reste l’expression d’une ferme volonté politique d’oeuvrer au concret dans cette perspective à même de répondre à ces aspirations
Présentation de l’UBM
L’Union des Banques Maghrébines (UBM) a été créée le 7 décembre 1990 à l’initiative des présidents des Banques des 5 pays du Maghreb : Tunisie, Algérie, Libye, Maroc, et Mauritanie.
Organisme régional, à but non lucratif, jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie financière, l’UBM regroupe aujourd’hui la plupart des banques et établissements financiers du Maghreb.
Ses activités s’insèrent dans les objectifs fixés par l’Union du Maghreb Arabe (UMA). Ainsi ses missions principales visent à renforcer la coopération régionale et l’intégration bancaire et financière à travers :
• L’étude des questions relatives aux activités bancaires et financières et la formulation de recommandations aux autorités de régulation,
• L’harmonisation du cadre légal et organisationnel de l’activité bancaire et financière,
• La promotion et la consolidation des relations professionnelles avec les institutions bancaires et financières régionales et internationales.
Ses actions concrètes visent à :
• Promouvoir et développer l’investissement et la libre circulation des biens et des capitaux dans les pays du Maghreb,
• Développer des services communs aux banques et établissements financiers du Maghreb,
• Développer des actions de formation et de perfectionnement du personnel bancaire maghrébin,
• Normaliser et arabiser les concepts de la technique bancaire