« La Ctama en première ligne »
L’automne 2019 n’inspire pas que la quiétude et la sérénité. Il a aussi de quoi inquiéter les agriculteurs victimes d’orages, d’inondations, de catastrophes agricoles en raison des calamités naturelles récurrentes. Les changements climatiques sont passés par là. Des pluies diluviennes, des incendies, il y en a eu avec leur cortège de dégâts. On voit monter à chaque fois la colère des agriculteurs victimes de ces catastrophes. Ils réclament à chaque fois l’aide de l’Etat. Non sans raison, même si au passage certains de ces sinistres sont assurés par des compagnies d’assurance.
Au nombre de celles-ci la Ctama, assureur historique, est de loin la plus importante. La doyenne des assureurs, dont les origines remontent à plus d’un siècle, a de par son statut l’impérieuse mission d’assurer, de protéger, de prévenir, d’accompagner et de diffuser la culture de l’assurance auprès des agriculteurs. On comprend que quand le ciel se charge de nuages, tous les regards se tournent vers elle.
Pourquoi l’assurance agricole est-elle aussi importante ?
Pour une simple raison. Le secteur agricole est un vecteur, une composante importante du PIB national en Tunisie. En effet, la part de la production agricole dans le PIB est de l’ordre de 10% en 2016. C’est également un substrat crucial dans la création d’emplois avec 520 mille agriculteurs recensés en 2016. La participation du secteur agricole dans les exportations tunisiennes n’est pas en reste : elle est chiffrée à hauteur de 10% au titre de l’année 2017. Et c’est peu dire.
L’historique de l’assurance agricole en Tunisie ?
Dès le début du 20ème siècle, l’assurance agricole a été mise en place afin de protéger les productions contre deux risques : la grêle et la mortalité du bétail. La première compagnie d’assurance agricole a été créée en Tunisie en 1912 pour couvrir les deux risques précités. Le système d’assurance agricole devait être
repris ensuite à travers la création de la Ctama ( la Caisse tunisienne d’assurance mutuelle agricole) qui assure actuellement 50 à 60% des agriculteurs.
En vue de pallier ce faible accès à l’assurance agricole, des actions ont été engagées en 2007. Celles-ci ont été mises en place dans le cadre d’une convention signée entre l’autorité publique concernée et la Ctama. Ainsi, l’exonération de la taxe unique d’assurance a été généralisée pour l’ensemble du secteur des assurances et les primes d’assurance ont été subventionnées jusqu’à concurrence de 100% puis 75 et 50%.
Par ailleurs, la Caisse tunisienne d’assurance mutuelle agricole (Ctama) a opéré une réduction de ses tarifs comme suit : 40% pour les tarifs de la grêle et l’incendie des récoltes, et 30% sur les tarifs de la mortalité du bétail.
Etat des lieux de l’assurance agricole ?
Il faut reconnaître de prime abord qu’en Tunisie l’assurance agricole n’est pas assez développée, et ce, en dépit des efforts déployés par l’Etat, l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap) et la Ctama. Il y a plusieurs raisons à cela : la tendance à assimiler l’agriculteur à une catégorie sociale pauvre et le morcellement de la propriété agricole. Est-il besoin de rappeler que les trois quarts (¾) des 506 mille agriculteurs que compte le pays gèrent des exploitations de moins de dix hectares.
Autre raison évoquée par les agriculteurs : l’assurance agricole serait très coûteuse. Les professionnels estiment au contraire qu’elle ne l’est guère. Et pour cause. Un agriculteur peut se couvrir contre les risques de grêle et d’incendie pour 250 dinars.
Le rapport établi par la Caisse sur le secteur des assurances agricoles fait ressortir un chiffre d’affaires réalisé par la branche en 2016 de l’ordre de 5.6 MD. Un chiffre en baisse en comparaison de celui réalisé en 2010 et qui était de l’ordre de 9.3 MD.
En outre, la part de l’assurance agricole dans l’activité globale du marché des assurances a été de l’ordre de 3% en 2016 contre 5.7% en 2011. Une tendance donc baissière.Toutefois, le chiffre d’affaires global de la branche des assurances a évolué entre 2011 et 2016 en passant de 1290 MD à 1856 MD. L’assurance agricole a de ce fait régressé au profit d’autres assurances qui ont contribué pour leur part à accroître le chiffre d’affaires global. De son côté, la Ctama a réalisé plus de 55% du chiffre d’affaires des assurances agricoles.
Dans le détail, la Ctama couvre différentes niches sur le plan des risques agricoles : il s’agit de la flottille de navires de pêche, des chambres frigorifiques, de la mortalité du bétail, de la grêle et incendie des récoltes et notamment du matériel agricole et des multirisques serres.
Pour autant, la part des agriculteurs ayant une couverture assurantielle n’est que de 8% seulement. Ce faible chiffre est justifié par deux facteurs, à savoir le morcellement des terres ainsi que le coût élevé de l’assurance. D’autres raisons viennent s’ajouter à ces deux facteurs tels que la très faible communication sur ce service, les risques importants comme les pluies intenses ne sont pas encore assurés, ainsi que l’existence d’une certaine sensibilité des agriculteurs à l’assurance.
Principal obstacle qui entrave le développement de l’assurance agricole en Tunisie
Aux dires des professionnels du secteur, ce qui manque en Tunisie c’est l’assurance contre les calamités naturelles : inondations, sécheresse par qui les dégâts arrivent. Question : qu’est-ce qu’on assurait du moins jusqu’à 2018 ? Il s’agit, nous précise-t-on, le risque incendie, le risque grêle, le risque encouru par les cultures sous serre, par l’effet de vents forts et celui de la mortalité du bétail.
Les grands risques tels que les inondations et la sécheresse qui touchent plus le pays et particulièrement l’agriculteur ne sont pas couverts. Même l’Etat hésite à les couvrir en raison de leur coût très élevé. Tout ce qu’il a pu faire, c’est aider l’agriculteur en rééchelonnant ses dettes. Cela pour dire que ce problème n’a pas été totalement résolu.
Il faut reconnaître que pour y remédier, l’Etat y a pensé. Dans les années 80, il a créé un fonds mais il n’a jamais été opérationnel. Il a fallu attendre la loi de finances 2018. Cette loi a lancé le Fonds pour l’indemnisation en cas de calamités agricoles. Ce fonds couvre les inondations, la sécheresse, la rosée, les vents forts.
Il est financé par trois sources : une subvention de l’Etat (30 MDT ont été alloués à ce fonds en 2018 et un montant équivalent en 2019), l’institution d’une taxe de 1% sur la production agricole et l’assurance agricole. C’est la Ctama qui gère ce fonds qui dispose actuellement de 90 MDT toutes sources de financement confondues.
Tout le monde s’accorde à dire, les professionnels en tête, qu’avec ce système d’assurance subventionné par l’Etat, ce dernier peut s’en désengager dans cinq à dix ans. C’est une initiative encourageante.
Pour autant, l’Etat peut sortir de ce fonds dans cinq ans. Pour garantir à ce fonds le maximum de chances de réussite, la profession, la Ctama en premier, serait bien inspirée, après l’avoir ainsi amorcé, de communiquer comme il se doit sur ce sujet. L’Utap peut jouer un grand rôle en la matière.
Les champs d’intervention du fonds sont bien évidemment les catastrophes naturelles qui touchent les agriculteurs et les pêcheurs. Il garantit de même un dédommagement des dégâts intervenus suite à des inondations, des tempêtes, le vent, la sécheresse ainsi que le gel. Le fonds en question dispense des indemnisations avec un plafond de 60%. En outre, selon les textes d’application du fonds, l’agriculteur assuré est indemnisé à partir d’un seuil minimum de dégâts fixé à 25%. L’Etat a doté le fonds en 2018 d’un budget de 30 MD. L’agriculteur contribue à hauteur de 2.5% sur le prix de revient ou encore sur la production. S’ajoute à cela une taxe de solidarité entre les agriculteurs, fixée à 1% sur la production ou la collecte, estimée à 30 MD.
A la lumière de cet état des lieux sur les assurances agricoles, la Ctama, au rôle pionnier et de loin le premier assureur, a émis une série de propositions afin d’améliorer cette branche. En effet, l’intervention de l’Etat se manifeste à travers la création de dispositifs de solidarité et de partage des risques par la création du fonds de calamités naturelles. S’ajoute à cela la participation au financement par des primes versées par les agriculteurs.
De son côté, l’assureur est tenu de fournir un effort en mettant en place des contrats d’adhésion auprès des structures d’encadrement publique, privée et syndicale. Par ailleurs, un effort de sensibilisation et de communication devrait être engagé afin de relever le niveau d’adhésion souhaité audit fonds. Ce qui va permettre d’assurer une indemnisation adéquate en cas de sinistre suite à des calamités naturelles que tout le monde redoute et contre lesquelles il nous faut nous protéger