Une citadine capable de se transformer en un 4x4
Alors que le secteur financier en Tunisie, notamment les banques et les compagnies de leasing, devrait composer avec un contexte économico-juridique complexe, les assureurs disposent d’un potentiel de croissance unique encore peu exploité. Nous attendons toujours le nouveau cadre réglementaire qui devrait donner de nouvelles perspectives pour un secteur au coeur de la dynamique de toutes les grandes économies.
Tableau inchangé
Nous disposons de quelques chiffres agrégés du secteur pour l’année 2018. Le chiffre d’affaires total s’est établi 2,228 MD TND, une hausse annuelle de 6,7%. Le taux de pénétration reste faible à 2,1%, encore loin de nos amis marocains qui affichent un taux qui avoisine les 3,7%. Le nombre de contrats souscrits fin 2018 s’élève à 2 556 974 contrats, dont 1 547 157 dans l’assurance Automobiles et 532 973 dans l’assurance Vie.
La progression du chiffre d’affaires provient essentiellement d’un effet prix. Le nombre de contrats a augmenté de 4,1% par rapport à 2017. En même temps, et selon les chiffres de la BCT, l’inflation des services d’assurances s’est établi à 7,3% en 2018 contre 1,8% en 2017. La hausse des prix, qui concerne essentiellement les polices obligatoires, ne favorise pas l’amélioration du nombre de souscripteurs qui deviennent de plus en plus sensibles au coût de l’assurance.
Pour une analyse détaillée, nous allons nous baser sur les chiffres de 18 compagnies qui ont publié leurs chiffres jusqu’à la rédaction de ces lignes. Nous avons exclu le réassureur national Tunis Ré (dont les revenus proviennent de ceux des assureurs), des deux mutuelles MAE et CTAMA (qui n’affichent pas leurs comptes) et AMI Assurances (qui accuse un retard dans la publication de ses chiffres).
La branche Non-Vie domine le business et représente 74,4% des primes émises (1,404 MD TND selon nos chiffres et 1,727 MD TND selon les chiffres agrégés). Ce segment reste largement dominé par les polices Automobiles (53,1%) et Incendie (4,9%). Par opérateur, le marché est très concentré avec les 3 premiers assureurs qui se partagent 51,4% des primes Non-Vie. Le chiffre d’affaires combiné des 7 compagnies qui réalisent les plus petits revenus est inférieur aux primes émises par le leader du secteur, la STAR.
En ce qui concerne l’assurance Vie et Capitalisation, elle pèse 13,5% du marché contre 13% en 2017 (481,497 MTND selon nos chiffres et 500,600 MD TND selon les chiffres agrégés). Il y a donc une amélioration qui provient, à notre avis, de la progression de l’activité d’octroi de crédits plutôt que de la croissance de l’activité capitalisation. Avec le coût de la vie qui ne cesse d’augmenter, la constitution d’une épargne retraite est loin d’être une priorité pour la ajorité des actifs.
Même dans ce segment, le marché est concentré. Les trois premières compagnies représentent ensemble 44,7% du chiffre total. Les revenus combinés des huit plus petits opérateurs ne dépassent pas ceux réalisés par Attijari Assurances. A noter que les deux leaders du secteur appartiennent à deux établissements de crédit : Attijari Assurances et Assurances BIAT, témoignant du rôle décisif de la bancassurance dans cette branche.
Investisseurs de premier plan
La force de frappe financière des compagnies d’assurance est importante. Selon les chiffres disponibles, les placements du secteur s’élèvent à 4,550 MDTND (5,437 MDTND selon les chiffres agrégés). Néanmoins, les placements sont concentrés dans les Bons du Trésor et les emprunts obligataires, et ce, en ligne avec le catalogue imposé par le régulateur. Les investissements en actions et autres titres à revenus variables se chiffrent à 515,594 MD TND. Ces placements dépassent de loin les provisions techniques qui sont de l’ordre de 3,997 MD TND. Le secteur est donc en bonne santé et l’a déjà prouvé lors des émeutes de 2011.
Nous pensons que les assureurs peuvent jouer un rôle plus important dans le financement de l’économie en consacrant plus de ressources aux activités de Private Equity. En particulier, ils peuvent encourager des startups qui développent des produits et services spécifiques aux secteurs. Les Assurtechs dictent aujourd’hui l’avenir de l’assurance à l’échelle mondiale, en
bousculant le mode de fonctionnement traditionnel et en profitant des possibilités offertes par les nouvelles technologies.
Résultats en territoire positif
Côté profitabilité, une seule compagnie ressort déficitaire en 2018. Le résultat net global dégagé par le secteur est de l’ordre de 149,984 MTND. En termes de résultat technique, l’écart entre les bénéfices des activités Vie et Non-Vie est en train de se rétrécir : 64,819 MD TND pour la première et 77,115 MD TND pour la deuxième.
Nous sommes convaincus que l’avenir de l’assurance Vie est prometteur. Tôt ou tard, les régimes de retraite seront réformés vers une moindre générosité, et les assureurs seront appelés à prendre la relève de la gestion de l’épargne. Il y aura donc une accumulation de capital qui ne sera servi que dans une trentaine d’années. Cela donne l’opportunité à ces compagnies de participer activement au financement de l’économie tunisienne, notamment les grands projets d’infrastructure. De plus, les gains resteraient soutenus grâce à un taux de rétention très élevé et une faible sinistralité.
Pour l’assurance Non-Vie, la profitabilité reste très liée aux conditions économiques. Plus le contexte se resserre, plus la sinistralité augmente et les résultats baissent. Avec une croissance économique de 2% pour 2020 et un ralentissement des rendements des placements, nous nous attendons à une évolution modeste des profits en 2019. Le segment qui connaîtrait le plus de croissance serait la micro-assurance grâce à des services de proximité adaptés aux besoins de souscripteurs à faibles revenus des TPE et PME.
Cela sans oublier que l’année prochaine connaîtra l’entrée en vigueur d’un article voté dans la Loi de Finances 2019 portant sur l’application d’une contribution exceptionnelle de 1% sur le chiffre d’affaires des compagnies d’assurance au profit des caisses sociales.
Un nouveau cadre réglementaire
Le projet du nouveau Code des assurances est toujours attendu. Le nouveau texte semble apporter avec lui de bonnes nouvelles capables d’améliorer la gestion du risque. Il y aurait par exemple la possibilité d’appliquer une grille de tarification personnalisée et l’introduction de contrats simplifiés. C’est une expérience répandue en Europe et aux USA, selon laquelle le prix de la police d’assurance Automobiles dépend de l’expérience et de l’historique du conducteur, du nombre d’utilisateurs du véhicule et de ses caractéristiques.
Cela passe nécessairement par la digitalisation. Des terminaux spécifiques seront intégrés dans les véhicules qui remontent l’information jusqu’à l’assureur. En même temps, les nouvelles technologies permettent d’accélérer les procédures de déclaration des sinistres et d’indemnisation. D’ailleurs, et selon le régulateur, une plateforme d’échanges électroniques dédiée à cette fin est en cours de mise en place.
Mais les défis du secteur sont également d’ordre capitalistique. Nos assureurs ont certainement besoin de plus de fonds propres, et ce, afin de passer plus tard vers un cadre réglementaire plus strict et développé. Au Maroc, il y a eu l’intégration d’un cadre légal simplifié de Solvency II, alors que cela semble très difficile à mettre en oeuvre en Tunisie actuellement. L’accès au marché financier, via l’ouverture du capital, faciliterait cela. D’ailleurs, l’assureur Maghrebia compte le faire. Son introduction est l’opération la plus attendue actuellement. Cela donnerait probablement l’envie aux autres opérateurs de passer le cap