Un exercice à marquer d’une pierre noire
Le leasing est la principale victime de la Révolution de 2011. Le secteur, qui était sur un nuage et réalisait une croissance à deux chiffres, s’est retrouvé au bout de quelques années dans une situation totalement différente.
Une question de ressources
Le principe du crédit-bail est simple : mobiliser des ressources pour financer des investissements au profit des entreprises, et ce, en dégageant une marge d’intérêt. Il est donc logique que les compagnies de leasing détestent l’environnement de taux élevés car leurs clients auront des difficultés à rentabiliser un outil de production acquis au prix fort.
L’endettement des compagnies de leasing auprès du marché financier s’est établi, fin juin 2019, à 3,148 Mds TND alors qu’il était de 3,530 MD TND une année auparavant et de 3,440 Mds TND fin décembre 2018. En valeur absolue, la dette a baissé de 292,149 MTND, ce qui signifie que les compagnies de leasing ont privilégié le remboursement de leurs créanciers sans recourir à l’émission de nouveaux emprunts obligataires. Les conditions de levées de fonds sont plus que jamais compliquées. Globalement, la Bourse de Tunis a enregistré l’admission de nouvelles lignes de crédits obligataires d’une valeur de 2,147 Mds TND sur les huit premiers mois de 2019 contre 4,207 Mds TND sur la même période en 2018.
De plus, les loueurs sont tenus à respecter les taux excessifs alors que le coût des ressources n’est pas capé. Le dernier emprunt obligataire émis par une compagnie de leasing (ATL) est assorti d’un taux de 11,60%. Si nous supposons qu’elle l’utilise dans des financements à un taux maximum, sa marge serait inférieure à 300 points de base. Est-ce que cette marge est suffisante pour être rentable ? La réponse est claire et nous comprenons donc la souffrance actuelle des compagnies de leasing.
Les lignes de financement accordées par la BERD sont une vraie bouffée d’oxygène pour le secteur et permettent de réduire significativement le coût de refinancement et réduire les taux effectifs. Malgré cela, le leasing reste la source de financement la plus chère en Tunisie et perd de plus en plus sa compétitivité.
Ce n’est plus évident de trouver de la liquidité et les loueurs sont en train d’alléger leur endettement en attendant des jours meilleurs. Inutile de chercher à financer de nouvelles affaires sauf s’il y a une profitabilité suffisante.
Chute attendue de la production
Etant donné cette stratégie, il est normal d’observer des performances aussi négatives que celles enregistrées depuis le début de l’année. Les mises en force du premier semestre 2019 (S1 19) ont chuté de 38,7% à 718,754 MTND. Il s’agit du 5ème trimestre de baisse consécutive, une série jamais vue.
Cette tendance devrait continuer durant les prochains trimestres puisque le carnet de commandes a été également touché. Les approbations, qui ne sont autres que les mises en force des mois à venir, ont reculé de 37,8% à 909,738 MTND, également une 5ème baisse consécutive. Nous ne prévoyons pas de point d’inflexion avant la deuxième moitié de 2020.
Une qualité d’actif qui se dégrade
Suite à cette tendance, les engagements ont naturellement perdu 7,26% à 4,120 Mds TND. Par rapport à la fin de l’année 2018, l’encours a reculé de 134,673 MTND.
En parallèle, la qualité de l’actif est en train de se dégrader. Les créances classées se sont aggravées de 31,4% au S1 19, passant de 277,819 MTND fin 2018 à 391,811 MTND six mois plus tard. Cela montre à quel point les difficultés économiques et l’incapacité des entreprises à accéder à la liquidité ont pesé. Le taux de créances accrochées est passé à 9,5% contre 6,5% en 2018. Historiquement, ce taux baisse au cours du deuxième semestre, mais il serait difficile de retrouver les chiffres de l’année dernière. Même si les volumes des créances classées s’amélioraient, la baisse du dénominateur (les engagements) devrait limiter la progression positive de ce ratio.
Profitabilité sous pression
Cette dégradation de qualité est synonyme d’un coût de risque important. Au cours du S1 19, le coût du risque constitué par les sociétés de leasing (hors BH Leasing qui n’a pas affiché ces chiffres) est de 25,569 MTND contre 10,539 MTND sur la même période de l’année dernière.
Contrairement aux banques qui peuvent bénéficier d’une diversification, les compagnies de leasing n’ont pas cette flexibilité. Les revenus bruts de leasing se montent à 1,033 Md TND, un record pour un premier semestre. Néanmoins, le Produit Net de Leasing total était seulement de 76,977 MTND, témoignant de l’explosion du coût de refinancement. En même temps, les charges d’exploitation ont augmenté de 1,9% à 40,306 MTND. Les différentes compagnies restent incapables de contrôler leurs charges opérationnelles en dépit de la baisse de l’activité. Ainsi, une baisse du résultat a été observée au cours du S1 19, passant à 12,431 MTND seulement contre 20,431 MTND en 2018.
Malheureusement, les décideurs économiques observent peu ces activités et ne connaissent même pas leurs problèmes. Les sociétés de leasing sont considérées comme riches alors que la réalité est tout autre. L’année s’achèvera, à n’en pas douter, dans la douleur