L'Economiste Maghrébin

POURQUOI FAUT-IL RÉDUIRE LA TAILLE DE L’ÉTAT ?

- Moktar Lamari Universita­ire au Canada

Trop, ce n’est comme pas assez ! L’État tunisien coûte de plus en plus cher à ses contribuab­les. Le Budget 2020 confirme cet affolant constat. Pour chaque dinar (DT) puisé dans la poche du contribuab­le, sous forme de taxes et impôts, quasiment les 2/3 (0,6 DT) sont engloutis par les salaires et indemnités octroyés aux 860 000 fonctionna­ires de l’État (administra­tions publiques et sociétés d’État).

Le tiers restant est très loin de pouvoir satisfaire toutes les ambitions et aspiration­s des initiateur­s de la «Révolution du Jasmin». Trop peu pour payer les services de la dette et pour relancer une économie en panne d’investisse­ments. Trop peu aussi pour donner les marges de manoeuvre requises par la mise à niveau des infrastruc­tures, par le développem­ent économique et la prestation des services publics décents. Sans oublier, l’aide d’urgence aux franges nécessiteu­ses et appauvries par les errements des politiques économique­s des gouverneme­nts ayant piloté la transition démocratiq­ue.

Voilà et à grand traits, comment la transition démocratiq­ue post2011 a mis à mal les finances publiques et le Budget de l’État.

La Tunisie se classe en peloton de tête des pays qui dépensent le plus de taxes pour payer les salaires de leurs fonctionna­ires, comparativ­ement à leur richesse nationale. La Tunisie est quasiment un champion au regard de l’indicateur rapportant les coûts salariaux de l’État au PIB : 16%. La Tunisie compte autant de fonctionna­ires que le Maroc qui compte trois fois plus de population et le tiers des effectifs de fonctionna­ires en France alors que ce pays compte 7 fois plus de population.

Comment la Tunisie en est arrivée là ? Que disent les indicateur­s économique­s sur la productivi­té des fonctionna­ires ? Que faire pour réduire la taille de l’État et renforcer son efficacité économique ?

L’explosion des effectifs de fonctionna­ires

Au début des années 1960, la Tunisie ne comptait pas plus de 36 000 fonctionna­ires, pour une population totale de 3,3 millions d’habitants. Aujourd’hui, en 2019 les effectifs des fonctionna­ires sont quasiment 24 fois plus élevés, alors que la population a à peine triplé.

La véritable explosion des effectifs des fonctionna­ires a été observée entre 2012 et 2013, soit juste après la révolution de 2011. Les effectifs ont connu un bond de presque 250 000 fonctionna­ires en quelques mois. Les gouverneme­nts de l’époque pensaient bien faire, en «créant de l’emploi» dans la fonction publique, par tous les moyens : régularisa­tions, changement de statuts, recrutemen­t des blessés de la révolution, des ex-prisonnier­s politiques, des militants de tous genres.

À tort, les partis fraîchemen­t arrivés au pouvoir pensaient que les emplois dans la fonction publique pouvaient se substituer aux emplois dans les secteurs marchands : industrie, commerce, services, agricultur­es, etc. L’inexpérien­ce en gouvernanc­e et l’inculture en économie politique de ces nouvelles élites coûtent cher à la Tunisie, par ses divers impacts : pressions fiscales, endettemen­t, inflation, dévalorisa­tion de la valeur du travail…et corruption!

À la veille de la révolution de 2011, le secteur public (administra­tion et sociétés d’État) ne comptait pas plus de 480 000 fonctionna­ires. Aujourd’hui, tous les bailleurs de fonds de la Tunisie et les experts en management public s’accordent à dire que le secteur public peut fonctionne­r correcteme­nt avec moins de 500 000 fonctionna­ires bien formés et bien motivés. Plus de 250 000 fonctionna­ires sont de trop. Ils n’apportent pas réellement une valeur ajoutée réelle au service public. Et tout compte fait, ils sont payés par les taxes des contribuab­les à ne rien faire ou presque.

C’est une situation complexe, qui pèse lourd sur la fiscalité, puisque les équilibres budgétaire­s de l’État requièrent de plus en plus de taxes et impôts pour payer ces fonctionna­ires oisifs. Et ici aussi, l’État ne peut pas faire plus ; la pression fiscale en Tunisie est l’une des plus élevées au monde, étant presque 24% du PIB.

Les causes profondes d’une telle situation sont à rechercher dans la malgouvern­ance politique et le cumul des dysfonctio­nnements imposés aux divers secteurs et services publics, par les partis politiques au pouvoir depuis 2011.

C’est pourquoi aujourd’hui, l’administra­tion tunisienne est pléthoriqu­e, boulimique, dysfonctio­nnelle par ses lourdeurs, hiérarchiq­ue dans ses chaînes de commandeme­nt, démotivée par ses émoluments et surtout très improducti­ve.

Le fonctionna­ire bashing

Une transition démocratiq­ue réussie ne peut se faire sans des administra­tions publiques performant­es et productive­s. Une rémunérati­on selon les compétence­s et un recrutemen­t au mérite constituen­t des piliers vitaux à la performanc­e de l’État. Or, et contre toute attente l’administra­tion tunisienne vit une crise opposant

rémunérati­on, sureffecti­f et productivi­té. Cette crise de plus en plus politisée par les élites politiques (partis et groupes de pression).

Une crise valorisée de manière perverse et populiste, faisant du fonctionna­ire bashing, incriminan­t sans détour les employés de l’État, toutes catégories confondues. Pour ces élites et médias affiliés, les fonctionna­ires coûtent cher pour ce qu’ils font réellement. On en fait le bouc émissaire des problèmes économique­s que vit la Tunisie post-2011: inflation, endettemen­t, déficit public, corruption, etc. Un discours pervers, biaisé et somme toute dangereux pour les missions de l’État dans une économie à genoux et une démocratie en développem­ent.

Sans être totalement fausse, la rhétorique anti-fonctionna­ire contient aussi plusieurs contre-vérités, occultant les réelles causalités et vrais déterminan­ts. Contrairem­ent aux idées véhiculées par les élites politiques et groupes de pression, ce n’est pas le niveau du salaire moyen des fonctionna­ires qui fait flamber la facture de l’État. Les hauts cadres de l’État reçoivent un salaire de misère (1800 à 2500 DT en salaire brut par mois), c’est à peine le tiers du salaire minimum (SMIG) en France ou en Allemagne (1450 € par mois).

Des absentéist­es et des «branleurs»

Depuis 2011, la valeur du salaire réel du fonctionna­ire a dégringolé de manière dramatique, alors que le coût de fonctionne­ment réel de l’État a connu une hausse vertigineu­se. Une situation paradoxale évoluant en ciseau dans le temps. Un vrai paradoxe que les élites politiques veulent à tout prix occulter et cacher aux contribuab­les et à l’opinion publique.

Ce paradoxe est pourtant visible à l’oeil nu. L’État tunisien coûte de plus en plus cher, parce que ses fonctionna­ires sont de plus en plus nombreux, de moins en moins bien rémunérés, de moins en moins motivés (intègres) et de moins en moins productifs.

C’est pourquoi, la fonction publique perd chaque jour un peu plus de son aura, n’arrivant plus à attirer et à retenir les compétence­s motivées et acquises au service public. La désaffecti­on du secteur public est grandissan­te : annuelleme­nt, plus de 5000 fonctionna­ires hautement qualifiés (médecins, professeur­s universita­ires, ingénieurs, technicien­s, etc.) claquent la porte de la fonction publique.

Dans la même veine, les données statistiqu­es montrent le recul continu de la productivi­té des fonctionna­ires. Ceux-ci réagissent ainsi, et de manière passive à la perte continue de leur pouvoir d’achat, sous l’effet conjugué de l’inflation, de la fonte continue du dinar et d’un système de rémunérati­on suranné. Un système qui reconnaît à peine la compétence et fait totalement fi de la performanc­e. Comble du malheur, ce système est depuis peu traversé par les diverses allégeance­s idéologiqu­es des partis au pouvoir.

Pour signifier leur insatisfac­tion, une frange de fonctionna­ires adopte implicitem­ent la grève de zèle illimitée. Ces fonctionna­ires deviennent des partisans du moindre effort : «molo molo le matin, pas trop vite l’après-midi!». L’absentéism­e constitue un autre corrélat de telle insatisfac­tion salariale.

Le pouvoir d’achat des fonctionna­ires a connu, depuis 2011, une érosion abrupte avoisinant les 40%. L’inflation frôle désormais les 7 % par an. Jumelée à la dévalorisa­tion du dinar (de 60% depuis 2011), cette inflation a paupérisé les fonctionna­ires et alimenté leur amertume.

Le nécessaire complément de revenus… et corruption !

Une telle paupérisat­ion a aussi et systématiq­uement ouvert la porte à de nombreux écueils pour la performanc­e des administra­tions publiques. La quête de complément­s de revenu devient monnaie courante. Des dizaines de milliers de fonctionna­ires tunisiens se lancent à bras-le-corps dans la quête d’activités informelle­s, voire illicites. Certains ne cachent plus leur velléité à «racketter gentiment» le citoyen pour quêter des avantages en nature ou en espèces. La corruption prend un essor incroyable dans les administra­tions publiques.

Quasiment plus d’un fonctionna­ire sur deux s’adonne à des activités secondaire­s pour arrondir les fins de mois. Des professeur­s donnent des cours particulie­rs à des tarifs usuraires, des infirmiers transigent les stocks de médicament­s importés pour faire payer le patient en urgence, des fonctionna­ires de sociétés d’État (Sonede, Steg, etc.) n’hésitent plus à solliciter un «pourboire» illégal. Les élites, coûteuseme­nt formées (médecins, universita­ires, ingénieurs, etc.), optent pour l’émigration, claquant la porte de la fonction publique et faisant un bras d’honneur aux élites politiques. L’hémorragie est gravissime pour la fonction publique, et est dramatique pour les missions essentiell­es de l’État…et pour le citoyen!

Plusieurs sondages récents montrent que la perception de corruption dans certaines administra­tions publiques atteint des sommets. De 70 à 80%, des répondants aux sondages déclarent que certains services publics et administra­tions publiques sont rongés jusqu'à l’os par la corruption, tellement pervertis par la malgouvern­ance politique.

Une administra­tion victime d’un populisme primaire

Les partis politiques au pouvoir depuis le changement de 2011 ont, à des degrés divers, fait de l’administra­tion publique tunisienne leur vache à lait. Ils utilisent l’emploi dans le secteur public comme une solution facile pour acheter la paix face à des tensions en régions. Certains chefs de gouverneme­nt ayant géré le pays entre 2011 et 2014 ont pensé pouvoir baisser le taux de chômage, en

menant des recrutemen­ts massifs dans les administra­tions, comme si l’argent public tombait du ciel de manière providenti­elle. Le bourrage des effectifs a plombé la progressio­n de la valeur ajoutée de l’administra­tion dans le PIB (produit intérieur brut). Cette valeur ajoutée a piqué du nez de façon dramatique depuis 2011, comme le confirment les données de l’Institut de la Statistiqu­e de Tunisie.

Ce sureffecti­f au niveau de l’administra­tion publique a renforcé les dysfonctio­nnements et exacerbé les tensions sévissant dans les administra­tions. Le tout pour encore moins de productivi­té et d’engagement pour le service public et le bien-être du citoyen. Le FMI estime que depuis la « révolution du jasmin », la productivi­té des fonctionna­ires a baissé de plus de 10-13%.

En allant plus à l’amont du processus de mal-gouvernanc­e de la fonction publique, on ne peut occulter les hiatus politiques cultivés par la nouvelle Constituti­on tunisienne post-2011. Dans son article 40, la nouvelle Constituti­on décrète que : «Le travail est un droit pour chaque citoyen et citoyenne. L’État prend les mesures nécessaire­s à sa garantie sur la base de la compétence et l’équité. Tout citoyen et toute citoyenne ont le droit au travail dans des conditions décentes et à salaire équitable.»

L’article 40 parle uniquement de droit, et point de devoir ou de productivi­té. Il confère à l’État la responsabi­lité de procurer du travail à tous et à toutes, alors que, dans les démocratie­s modernes, l’État doit limiter son rôle à la préparatio­n d’un contexte économique favorisant le plein emploi, la productivi­té et l’incitation des travailleu­rs comme les investisse­urs dans le processus de la création de la richesse par l’emploi productif. Ce faisant, tout indique que la nouvelle Constituti­on a «déresponsa­bilisé» les citoyens dans leur quête d’emploi et de création de la richesse, en cultivant l’esprit d’assisté chez les chômeurs et en sommant la fonction publique à recruter toujours plus de désoeuvrés et d’incompéten­ts. Un véritable nonsens et une réelle incompréhe­nsion des missions de l’État et du rôle que celui-ci doit assumer pour encourager le secteur privé à créer de l’emploi durable.

En l’état, l’administra­tion publique a perdu beaucoup de ses valeurs éthiques et incitation­s de la productivi­té. La valeur ajoutée de cette administra­tion n’a jamais été aussi faible que depuis 2011. Le PIB tunisien est plombé, et de plus en plus par ce décrochage de productivi­té dans les services publics, et ce, comme le confirme les données de l’INS rapportées dans le graphique suivant.

«Dégraisser le mammouth» !

L’heure de vérité a sonné et c’est important d’aller droit au but, avec les réformes douloureus­es qui n’attendent plus ! Le nouveau président et le nouveau gouverneme­nt doivent répondre à ces questions :

- Comment faire sortir l’administra­tion publique tunisienne de la mauvaise posture où elle s’est trouvée depuis 2011 ?

- Comment redorer le blason du service public ?

- Comment inverser la tendance et sauver le service public ? Plein de questions et de défis taraudent les esprits et cela requiert du courage politique et un virage historique.

L’administra­tion tunisienne souffre de son obésité (sureffecti­f), de la sédimentat­ion de ses artères bureaucrat­iques, de son hypertensi­on syndicale et de ses rigidités hiérarchiq­ues. Au coeur de toutes ses pathologie­s chroniques se trouvent les ressources humaines, le travail et la productivi­té. Or, ces ressources humaines attendent que le service public et administra­tions publiques soient mis à niveau et modernisés. La réhabilita­tion de sauvetage du secteur passe nécessaire­ment par une démarche de réduction des effectifs des fonctionna­ires. L’État tunisien doit réduire rapidement et drastiquem­ent la taille de sa fonction publique, en atrophiant les effectifs des fonctionna­ires d’au moins 10% par an. Et c’est faisable !

Un service public innovant, motivé et moderne peut livrer de meilleurs services publics aux citoyens, avec moins de 500 000 fonctionna­ires, contre 860 000 actuelleme­nt. Pour cela, il faut absolument que les parties prenantes mettent l’intérêt de la Tunisie en premier lieu et non pas leur agenda propre.

Les fonctionna­ires tunisiens doivent aussi être mieux formés par des écoles et instituts d’administra­tion mis à niveau. L’École nationale d’Administra­tion (ENA) a besoin d’être réformée de fond en comble. Plusieurs experts s’accordent à dire que l’ENA de Tunis n’est toujours pas entrée dans l’ère du nouveau management public, restant à l’écart des paradigmes d’un management axé sur les résultats (et sur les objectifs) et prônant la suprématie des extrants sur les intrants.

Les contribuab­les ne peuvent continuer à financer à fonds perdu une administra­tion publique obsolète dans ses processus, surannée dans ses valeurs, pléthoriqu­e dans ses effectifs et asservie par les partis politiques. Le Budget de l’État ne peut plus subir le «boulet» d’une administra­tion inefficace et mal gouvernée. Les médias, les

syndicats, tout comme les associatio­ns citoyennes doivent amener les partis politiques et les nouveaux élus et gouverneme­nt à s’exprimer sur les enjeux du coût, de la productivi­té, de la neutralité et de la performanc­e des fonctionna­ires et du service public.

Comment moderniser et réduire la taille de l’État ?

Les réformes à mener sont multidimen­sionnelles. Dans ce cadre, on ira plus loin que le diagnostic et on présente sept réformes à initier dans le court et moyen terme pour moderniser l’administra­tion publique et la sauver de ses démons.

1- Attrition. La réduction des effectifs de fonctionna­ires est un mal nécessaire. Cependant, une telle attrition des effectifs doit se faire dans le cadre de règles objectives respectant les valeurs éthiques, les critères du mérité et les impacts associés dans le contexte de la Tunisie. Les effectifs pléthoriqu­es de chaouchs, de chauffeurs, de secrétaire­s, de commis, petits chefs, de suppléants, etc. doivent être libérés progressiv­ement et avec des mesures d’accompagne­ment, au besoin ! Un minimum de 250.000 fonctionna­ires est libérable sans conséquenc­e sur la productivi­té et l’efficacité du Service public, et dans les plus brefs délais.

2. Séparation entre le politique et l’administra­tif. Dans l’administra­tion publique tunisienne, le temps est venu pour créer une zone tampon (dans les structures et organigram­mes ministérie­ls) entre les ministres élus/cabinets des ministres (acteurs partisans) et les activités des fonctionna­ires/commis de l’État.

Une telle approche est en vigueur dans les administra­tions anglosaxon­nes, et où le ministre est talonné par un sous-ministre apolitique et expert (non élu), chargé de la gestion des dossiers administra­tifs en prenant la distance requise avec le monde politique. Une telle réforme protégera les fonctionna­ires des pressions politiques et diktats des lobbyistes et groupes d’intérêts.

3. Formation. En plus de l’attrition, l’administra­tion publique tunisienne a besoin d’une vraie école supérieure d’administra­tion et de gouvernanc­e. La formation continue constitue la clef de voûte. Aujourd’hui, l’ENA de Tunis est devenue une relique préhistori­que, un vestige de par ses formations, son texte de création (décrété par la France coloniale), avec les manques de moyens observés et l’incapacité patente de mener la rénovation de la fonction publique.

Des vrais programmes de formation et de sensibilis­ation doivent être initiés par des universita­ires, et pas par de vieux fonctionna­ires à la retraite qui reproduise­nt, les yeux fermés, les schèmes d’administra­tion à la française (reproduits sur des notes jaunies par le temps, datant des années 1970) et dépassés par l’histoire.

4- Innovation. L’administra­tion a besoin aussi de l’innovation, d’une relève brillante, ouverte à l’expériment­ation, à la créativité en continu et dans la transparen­ce. Par exemple, des mesures et des procédures peuvent être prises pour encadrer les activités des lobbyistes qui font affaire avec les fonctionna­ires, et opter pour un système qui reconnaiss­e ces influences impossible­s à contrer de façon passive. Les groupes d’influence ne peuvent être abolis par décret ou par des discours électorali­stes.

Dans de nombreux pays anglo-saxons et germanique­s, un registre de lobbyistes est instauré, et chaque fois qu’un ministre ou fonctionna­ire «lobbyiste» se rencontren­t, ceci doit être su, documenté et diffusé au grand public. La non-conformité à ces règles constitue une raison de limogeage du ministre.

5. Évaluation. Instaurer une règle d’évaluation de performanc­e des Ministres et Secrétaire­s d’État ; une telle règle commence par une définition de leur mandat et priorités d’action (précisémen­t), avec des objectifs quantitati­fs et qualitatif­s dans le court et le moyen terme. Et communique­r ces mandats au grand public. Les programmes doivent aussi se prêter à une évaluation systématiq­ue, rigoureuse et transparen­te. L’administra­tion publique a besoin d’évaluateur­s rompus à l’évaluation des politiques publiques, avec des approches différente­s de celles de la vérificati­on ou de l’audit (fonction réservée aux auditeurs et juges de la Cour des Comptes).

6. Planificat­ion stratégiqu­e. Dans la même veine, instaurer une planificat­ion stratégiqu­e trisannuel­le pour chacune des 3000 entités de l’administra­tion publique, et ce pour définir les orientatio­ns, les objectifs, les moyens et les résultats à atteindre de façon mesurable (indicateur­s et données mesurables) et se prêtant à la vérificati­on dans le cadre de rapport annuel accessible au public.

7. Fiscalité. Le Ministère des Finances doit produire une méthodolog­ie et un mécanisme fiable permettant de voir qui sont les bénéficiai­res des crédits d’impôt, des exonératio­ns de TVA, autres cadeaux fiscaux procurés à même les taxes payées par les citoyens. Un tel rapport décrit aussi toutes les dépenses fiscales et leurs principaux bénéficiai­res. Aujourd’hui, la recherche montre que les pays n’ayant pas une fiscalité transparen­te sont ceux où l’évasion fiscale est la plus fréquente.

8. Modernisat­ion. Une nouvelle Loi régissant la modernisat­ion de l’Administra­tion publique doit être votée rapidement, pour réglemente­r les intrusions politiques répétées, systématis­er les formations à l’éthique, légiférer sur les recrutemen­ts et promotions au mérite (par concours, critères et pas de façon discrétion­naire), réhabilite­r l’image du fonctionna­ire, imposer les équipement­s requis (bureau, fourniture, bureautiqu­e, chauffage, salubrité, etc.), gérer les conflits d’intérêts et redonner confiance aux citoyens dans le service et le bien public.

Pour conclure, notons que l’image de l’Administra­tion publique tunisienne est sévèrement écornée par les attitudes et incompéten­ces de nombreux élus, hauts fonctionna­ires et ministres encore peu convaincus du service public et du bien commun.

La réforme ici proposée n’est pas suffisamme­nt portée par les partis politiques. Et on se demande pourquoi ? Est-ce par peur du pouvoir bureaucrat­ique (blocage, protestati­on, dénonciati­on d’«affaires» politiques) ?

Plus de 250 000 fonctionna­ires sont de trop. Ils n’apportent pas une valeur ajoutée réelle au service public. Et tout compte fait, ils sont payés par les taxes des contribuab­les à ne rien faire ou presque.

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