L'Economiste Maghrébin

L'INDUSTRIE LOW-COST EN TUNISIE, C'EST FINI

- Sophie Gombart*

4,3%, c’est la baisse de la production industriel­le des 12 derniers mois en août 2019. Trop de charges, trop de syndicats, trop de lois, pas assez d’infrastruc­ture... Peutêtre, mais n'est-ce pas plutôt le symptôme de la fin du modèle industriel low-cost? Il est urgent de passer à la phase suivante. Un succès industriel fulgurant, mais c’était il y a 50 ans!

La loi 1972 était une idée géniale qui a permis à la Tunisie de développer un vrai tissu industriel performant en très peu de temps. Dans les années 70-80, l’Europe a vu les usines textiles et manufactur­ières fermer les unes après les autres, laissant sur le carreau les ouvriers alors que les usines partaient s’installer vers le doux climat et les bas coûts de la Tunisie. Autant les effets des délocalisa­tions en Europe ont été désastreux, autant au contraire elles ont permis un essor en Tunisie, avec des emplois, des compétence­s, des machines industriel­les, des ingénieurs et tout le tissu qui entoure l’activité manufactur­ière. Mais c’était il y a 50 ans. Et 50 ans c’est long...

Nous avons perdu la bataille du low-cost

Aujourd’hui, le constat est sans appel. On entend les industriel­s se plaindre des impôts, des charges sur les salaires, des infrastruc­tures insuffisan­tes, du climat politique, sécuritair­e, et j’en passe. Mais si on creuse un peu, les industriel­s du textile constatent que l’Asie les a avalés et est devenue imbattable. Les équipement­iers automobile­s savent que les Bulgares et les Moldaves sont devenus moins chers que les Tunisiens mais pas moins bons. L'avenir autrefois si florissant et prometteur semble s’assombrir, et l’industrie s’appauvrit.

Mais nous n'avons pas perdu la guerre

On entend beaucoup dire que l’avenir est aux services et que l’industrie c’est fini. Oui, la digitalisa­tion de notre monde est bien en marche, et c’est une opportunit­é incroyable pour l’Afrique, et pour la Tunisie particuliè­rement. Mais la digitalisa­tion, les nouvelles technologi­es et l’industrie ne s’opposent pas.

En combinant le savoir-faire industriel traditionn­el à l’innovation et aux nouvelles technologi­es, on crée de la valeur ajoutée comme le montrent les domaines de la robotique, l’industrie 4.0, l’Internet of Things et bien d’autres. Au Rwanda par exemple, la technologi­e de la blockchain combinée à l'IoT sert à recenser et à protéger le bétail, et c'est incroyable­ment efficace.

Il est temps de changer de paradigme. Il n'y a pas un vieux monde manufactur­ier obsolète et un nouveau monde digitalisé. Il y a une énorme opportunit­é pour entraîner l'un avec l'autre et inversemen­t.

Imaginons un autre monde

Imaginons un monde où le passé rencontre le futur, où l’analogue rencontre le digital, où le savoir-faire ancien rencontre la technologi­e. Un monde où à Nabeul, on sait faire des vases en céramique magnifique­s, mais aussi de la céramique technique pour les roulements mécaniques, pour les prothèses médicales, pour l’électroniq­ue… Un monde où dans chaque domaine de l’industrie, on sait innover, collaborer et utiliser les nouvelles technologi­es pour passer de l’industrie low-cost des commodités à l’industrie à forte valeur ajoutée.

C’est possible, et c’est à la portée de la Tunisie qui possède des savoir-faire industriel­s, scientifiq­ues et techniques depuis longtemps. Avec des démarches innovantes, l’ambition de faire des créations originales, nous parviendro­ns à créer des synergies entre le savoir-faire manufactur­ier et les nouvelles technologi­es pour créer un nouveau paradigme pour l'industrie.

Nous pouvons donc nous autoriser à être positifs, optimistes et entreprena­nts, indépendam­ment de toutes les circonstan­ces extérieure­s sur lesquelles nous avons peu ou pas d’influence. Nous n’avons peut-être pas une grande culture d’innovation en Tunisie, mais ça s’apprend. Nous avons beaucoup d’idées, de ressources et d’ingénieurs pour cela.

Et vous, avez-vous l’ambition de l’innovation? Le partage de vos idées et expérience­s dans les commentair­es est très apprécié.

Sophie Gombart, fondatrice de Vitaminn, un cabinet de consultati­on dans le domaine de l'innovation pour l'industrie tunisienne.

Nous n’avons peut-être pas une grande culture d’innovation en Tunisie, mais ça s’apprend. Nous avons beaucoup d’idées, de ressources et d’ingénieurs pour cela.

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