RÉVEILLEZ-VOUS, ! LES SOMNAMBULES
Il nous arrive souvent d'émettre des critiques sur la politique des gouvernements successifs et de suggérer des solutions. Une contribution citoyenne destinée à attirer l'attention sur ce qui ne tourne pas rond. On pourrait citer l'humoriste Pierre Dac qui décrivait ainsi une thématique similaire : « Quand on prend les virages en ligne droite, c’est que ça ne tourne pas rond dans le carré de l’hypoténuse » ! Il faut dire que nos gouvernants ont excellé dans la mal-gouvernance... Du côté du pouvoir politique, accepter la critique c’est notamment renoncer à ce sentiment de la toute-puissance sur la société et réfléchir à la perception de son action par les gouvernés en vue de modifier, améliorer, rectifier le tir...
Les conditions d’accès et de maintien des personnes au pouvoir sont dès lors soumises à la critique, tout comme l’est leur pratique du pouvoir. Si la critique du pouvoir n’est pas l’apanage des sociétés démocratiques, la démocratisation d'une société implique néanmoins de s’interroger sur le progressif passage de la critique du pouvoir à celle des pouvoirs, ceux composant la trilogie : exécutif, législatif, judiciaire, mais aussi le pouvoir médiatique appelé le « quatrième pouvoir », ou des pouvoirs plus ou moins autonomes vis-à-vis du contrôle de l’État, comme le « pouvoir économique et financier ». Des institutions comme la justice, l’armée et la police sont à analyser en tant que formes de pouvoir plus ou moins omnipotentes. Cette critique est également au fondement même de la production doctrinale des réformateurs sociaux.
Les « partis » politiques produisent, en principe, eux-aussi une critique du pouvoir, qui s’exprime en fonction de l’alternance politique. Il en est de même des syndicats et, au-delà, de formes associatives professionnelles qui s’inscrit dans une dimension politique. Mais cette critique s’étend également aux détenteurs d’un savoir et d’un pouvoir de l'écrit que sont les journalistes, les intellectuels ou les « experts », autoproclamés ou auto-promus par leur médiatisation. En résumé, les critiques sont salutaires car elles nous font progresser. A condition qu'elles ne tombent pas dans les oreilles des sourds !
Depuis l'annonce des résultats des dernières élections présidentielles et législatives, un silence assourdissant, qui en dit long sur l'ampleur de la défaite, émane de ceux qui sont restés au bord de la route. Certains observateurs parlent de la déliquescence de ce qui est convenu d'appeler le camp des « républicains, des modernistes, des progressistes, des démocrates... ». Cette composante du paysage politique tunisien s'évanouit et semble être aujourd’hui en perdition, divisée et sans repères. C’est de l’intérieur que celle-ci a été minée, avant d'être sapée par les manoeuvres obliques de la section locale de la confrérie islamiste.
Il est faux de dire que les dirigeants de ces partis étaient d'une inconscience inouïe, loin de se rendre compte qu’ils approchaient du précipice. Il serait inconcevable qu'ils ne sachent pas que la défaite était à l’horizon, qu'elle était inéluctable à cause de leur ego gonflé à bloc et leur refus obstiné d'unir leurs efforts, mais ils n’ont rien fait pour l’empêcher. N'est-il pas urgent qu'ils cessent de déambuler comme des somnambules, de tirer les leçons de toutes ces années gaspillées et d'agir pour préparer ensemble une alternative crédible ? Il y a actuellement un vide sidéral de ce côté. Qu'ils se réveillent pour entamer leur mutation et faire table rase de leurs divisions passées, au risque de tout simplement disparaître du paysage politique et de condamner ce pays à déchoir pour quelques décennies dans la régression et la déliquescence.
Le sursaut vital, qui n’exonère pas de leurs fautes et manquements, ne se fera pas tant que ces formations dites républicaines, modernistes etc. demeurent prostrées par leur défaite électorale, handicapées par leur pitoyable rendement et par leurs erreurs tactiques et stratégiques. Ce n’est que par l’action politique, donc par un travail volontaire sur le terrain pour reconstruire une base électorale, qu'elles pourraient édifier une alternative crédible. La lutte contre l'islamisme ne doit pas être
Ceux qui doivent se rassembler dans un Front Social du Progrès auraient tout à réinventer, à commencer par l'implantation dans toutes les régions, être en symbiose avec les besoins des citoyens, rénover les discours, impulser et accompagner les changements structurels de la société tunisienne, se méfier des démarches nostalgiques, éviter les meetings carnavalesques tout autant que les utopies du passé largement désacralisées pour ne pas se retrouver orphelin d’un modèle suranné...
son seul ciment et l'unique perspective. Il n'est pas utopique de faire bloc très vite sur un socle commun de réflexion, afin qu'émergent plusieurs thématiques, susceptibles de nourrir les axes majeurs à venir. Assainir le système de santé, réformer l'éducation et l'enseignement, trouver des solutions à l'emploi, booster l'investissement, réaliser l'équilibre régional, renforcer la protection des plus faibles, se faire l’interprète de toutes les souffrances et les colères populaires, garantir la liberté de la presse, se préoccuper en priorité des plus démunis et des plus fragiles .... ne sont pas des préoccupations idéologiques. Il faut plutôt casser le discours idéologique qui empêche de voir la réalité et de bâtir une majorité sociale. Les idéaux ne peuvent mourir tant qu’il se trouvera des hommes et des femmes en Tunisie pour croire en la justice sociale et au progrès pour tous, capables de se dresser contre la froide mainmise du conservatisme bouffi et de l'affairisme débridé. Si une ligne de clivage existait, elle ne pourrait qu'opposer désormais ceux qui défendent une Tunisie élancée vers le progrès et l'avenir, une impulsion politique de transformation du réel vers le meilleur et des forces qui tirent vers le bas et le passé.
Ceux qui doivent se rassembler dans un Front Social du Progrès auraient tout à réinventer, à commencer par l'implantation dans toutes les régions, être en symbiose avec les besoins des citoyens, rénover les discours, impulser et accompagner les changements structurels de la société tunisienne, se méfier des démarches nostalgiques, éviter les meetings carnavalesques tout autant que les utopies du passé largement désacralisées pour ne pas se retrouver orphelin d’un modèle suranné... Et la route sera longue. Il faudra du temps pour inverser à nouveau la tendance.
Réveillez-vous donc les somnambules, les forces obscures gagnent du terrain, la tendance lourde du populisme et du conservatisme confiné saborde notre pays. Soyez pour une fois responsables, faites face à l’immense ressentiment de ceux qui ont le sentiment d’avoir été finalement floués et qui prennent une revanche en vous disqualifiant. Attelez-vous à mettre au jour ce qui unit, transformez les modalités distinctes de cette déroute en un immense élan où les valeurs et les idées de progrès demeureraient prégnantes dans un espace en jachère. Bannissez la radicalité qui a conduit à la marginalisation, abandonnez les postures déconnectées des attentes populaires et surtout, l’incapacité à proposer un sens adapté aux réalités de la société tunisienne, à ses périls et défis. Reconstruisez-vous en vue d’échéances relativement proches où vous pourriez vous présenter avec des idées, des visions, des projets d’avenir, des programmes, un personnel politique neuf et affûté. En souhaitant qu'à un moment donné, comme une catalyse, quelque chose se passe, se transforme, bascule… Et soit l’espoir de remettre l'immémoriale Tunisie en marche