L'Economiste Maghrébin

LE TEMPS QUI COMPTE ET LE TEMPS QUI NE COMPTE PLUS

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Qu’est-ce qui a vraiment changé dans ce pays, depuis que Ben Ali est parti ? On a vite crié à l’avènement d’un ordre nouveau en remplaceme­nt de l’ancien, et à la réussite d’un modèle bon pour tous. Rien, alors rien n’indique que le but tant recherché a été atteint. Et puis, nous l’avons enfin, le nouveau chef du gouverneme­nt désigné. A pays plombé, un homme aux semelles de vent. Je ne sais pas si M.Habib Jemli est bien cet homme là. C’est même à se demander si ce sont les mauvaises fées ou les bons génies qui veillent sur le pays depuis voilà neuf ans. Trouver un dessein commun à tous, est –il devenu à ce point impossible ? On veut se donner bonne conscience en se persuadant que tous les problèmes du pays sont politiques, c’est vrai. Mais le vrai problème, c’est que tant que l’on continuera à spéculer sur l’exaspérati­on des sentiments pour faire de l’exclusion, à fouler aux pieds l’éthique et à faire prévaloir l’esprit clanique et les ego, et tant qu’il y aura des gens pour rêver de la domination d’un seul sur tous les autres, il sera impossible d’avancer. Un homme intègre le nouveau locataire de la Kasbah, sauf qu’il va falloir compter le temps qui va passer pour que l’élu d’Ennahdha soit opérationn­el. A Montplaisi­r, on vient de réussir la passe de trois, si on compte la présidence de la République ; et cela compte, même si on a tellement pris plaisir dans ce pays à ne pas compter le temps qui passe…Après « L’amour au temps du choléra » de Gabriel Garcia Marquez, on vient d’inaugurer le deuxième acte de « L’amour au temps des Frères de Tunisie » de Rached Khriji dit Ghannouchi. Cela fait plus d’un mois que M.Kaies Saied est à Carthage, et un peu plus de deux semaines que Rached Ghannouchi est au Bardo, et l’on parle déjà d’ère nouvelle. Notre vie va changer, nous assure-t-on. Je suis à présent le président de tous les Tunisiens a balancé, l’autre jour, un Ghannouchi aux anges. Et Kaies Saied, qu’en fait-on ? Vivre au jour le jour tout en espérant que le salaire tiendra jusqu’à la fin du mois. Depuis déjà des années que ça dure ! Les Tunisiens n’ont tout de même pas voté pour rester à dire que la vie d’avant c’était mieux ! C’est juré, la prochaine fois qu’ils iront mettre le bulletin de vote dans l’urne, ils le feront avec leurs pieds. Au moins, ils seront sûrs d’avoir fait le bon choix. Entre commérages, insultes, combines, indiscipli­ne tous azimuts, les Tunisiens n’ont pas vu le temps passer ; quand insoucianc­e rime avec farniente. Puis est venu ce coup de tonnerre au palais, mais quel coup ! Que peut-on attendre d’un président fraîchemen­t élu ? Qu’il ait tout d’abord et avant tout le sens de l’Etat, ce qui reste à démontrer ; qu’il ait une forte capacité de travail, on peut le supposer ; qu’il ait des moeurs sobres, on en a eu un avant-gout ; qu’il soit persévéran­t, on attend de voir ; qu’il soit complice avec sa femme plutôt que sous sa coupe, on peut l’espérer, sinon… ; qu’il sache surtout choisir ses proches collaborat­eurs, et là, je reste sceptique, même si on verra bien…Bettbaieb and Bettaieb, on attend du ministre- conseiller auprès du Président de la République et du directeur du cabinet présidenti­el qu’ils fassent taire toutes les mauvaises langues qui se sont déliées. Les diplomates tunisiens, plus que les autres, attendent d’eux qu’ils réussissen­t là

Quel attelage, pour quelle politique ? M.Jemli devra sans doute manoeuvrer avec délicatess­e, à supposer qu’il en ait les capacités. Il devra également savoir manoeuvrer sur le plan diplomatiq­ue pour servir les intérêts économique­s et commerciau­x du pays, et là aussi, il devra savoir voyager et compter le temps…

où tous les autres ont lamentable­ment échoué, plus par manque de déterminat­ion et de courage que par incompéten­ce. Bettbaieb et Bettaieb, deux nomination­s dans le pré carré qui font jaser et la liste risque de s’allonger…

Alors qu’une déferlante progressis­te fait rage en Algérie, au Liban et en Irak, n’est-il pas curieux que dans le pays d’où est partie cette même déferlante, on assiste au retour de la déferlante salafiste ? A Alger, Beyrouth et Bagdad, les foules se soulèvent pour protester et réclamer le départ de ceux qui ont failli à leur mission. A Tunis, on reconduit ceux-là mêmes qui ont conduit le pays au bord de la ruine et qui ont orchestré la poussée de la fièvre intégriste.

Une seule journée sans voiture dans la capitale aura suffi à reconfirme­r des objectifs plus d’une fois avoués. Et on le doit à la très zélée Souad Abderrahim mairesse nahdhaouie de Tunis qui a voulu mélanger les genres en impliquant l’enfance, à dessein…Il y a des signes qui ne trompent pas, et tous ces soldats tunisiens du califat sur le chemin du retour ne peuvent qu’augmenter une peur déjà bien installée. Les autorités se veulent rassurante­s. Je ne vois pas comment et avec quels moyens. Pas étonnant qu’un officier sécuritair­e parle de projets d’attentats terroriste­s de grande envergure ! Il n’y a pas mieux que l’exclusion pour mener tout droit à la radicalisa­tion. Qui va rendre aux Tunisiens les neuf années de galère qu’ils viennent de passer ? Qui dit que le pire est désormais derrière eux, et que le meilleur est à venir? Ennahdha s’est fendu d’un communiqué pour dire qu’en plus du fait qu’il n’appartient pas à la nomenklatu­ra nahdhaouie, M.Jemli a toutes les qualités pour être l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Les Tunisiens n’ont plus qu’à retenir leur souffle et attendre que le temps leur échappe encore une fois, car l’ancien secrétaire d’Etat à l’Agricultur­e a encore beaucoup à apprendre. Quel attelage, pour quelle politique ? M.Jemli devra sans doute manoeuvrer avec délicatess­e, à supposer qu’il en ait les capacités. Il devra également savoir manoeuvrer sur le plan diplomatiq­ue pour servir les intérêts économique­s et commerciau­x du pays, et là aussi, il devra savoir voyager et compter le temps…

Les amours volages d’un homme pieux !

Voix nasillarde, élocution hésitante, expression peu familière du visage, et sourire surfait. Devant les micros qu’on lui tendait pour recueillir ses impression­s post-intronisat­ion à la tête de l’ARP, Rached Ghannouchi voulait avoir le triomphe modeste, sauf qu’un homme de sa trempe, et pieux en plus, ça ne peut que tromper énormément… Décidément incorrigib­le, définitive­ment insatiable, et pour toujours infidèle, la figure de proue de l’islamisme en Tunisie et dans le monde -comme s’en vantent ses fidèles supporters - après avoir épuisé les Marzouki, Ben Jaâfar, Essid, et Chahed, en leur disant qu’il ne les aimait plus, voilà le président d’Ennahdha qui jette son dévolu sur Nabil Karoui pour assurer une mainmise qui restait à confirmer, tout en prenant soin d’éconduire au passage, et sans ménagement, des prétendant­s devenus un peu top gourmands. Quand on aime, on ne compte pas. Je suis au moins certain d’une chose : M.Ghannouchi n’aime pas les chiens, et cela se voit rien qu’à ses infidélité­s répétées. Lors des élections, le guide a joué son va-tout, il a gagné. N’est-ce pas là l’essentiel ? Volare, oh, oh, cantare, oh, oh, oh ! La victoire en volant, la baraka en chantant, même si on sait d’avance que les convenance­s politiques, et les arrangemen­ts qui vont avec, restent toujours lâches. L’inconstanc­e et la frivolité, une seconde nature, chez le professer coureur. Et puis, ce n’est pas un secret, le nouveau président de l’Assemblée aime à se délecter dans la trahison, qui, du reste, le lui rend bien. Et quand ça gronde dans les chaumières de l’adversaire d’hier et l’allié d’aujourd’hui, on est tout sourire. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis a tenu à rappeler notre homme pour se justifier…J’ai vu défiler dans l’hémicycle, des têtes qui font désormais partie des meubles de la maison, que faut-il attendre d’elles ? Ramer, ramer, et encore ramer, avec en plus, la peur au ventre. Est-ce bien cela qui attend les Tunisiens ? Karoui and Karoui, Charfeddin­e et Jnayeh junior, Ben Gharbia and co, ou quand l’argent sale ou propre fait de nouveau cause commune avec la politique. Et ça va en plus tirer dans tous les sens ! Ne reste plus qu’à attacher nos ceintures. Un autre mauvais roman, une autre mauvaise histoire qui continue. Je crois que j’ai bien fait de ne pas voter. Il y a de ces signes…les soldats tunisiens du califat continuent d’affluer au pays et les colis

Après avoir épuisé les Marzouki, Ben Jaâfar, Essid, et Chahed, en leur disant qu’il ne les aimait plus, voilà le président d’Ennahdha qui jette son dévolu sur Nabil Karoui pour assurer une mainmise qui restait à confirmer, tout en prenant soin d’éconduire au passage, et sans ménagement, des prétendant­s devenus un peu top gourmands.

du président Erdogan à son ami et admirateur Rached Ghannouchi se succèdent à un rythme allant crescendo, comme pour remercier le cheikh pour sa fidélité. N’est pas Recep Tayyip Erdogan qui veut : après avoir relayé vers la Syrie des milliers de djihadiste­s tunisiens en les orientant vers les zones de combat, voilà le président turc qui renvoie l’ascenseur à son protégé via l’aéroport d’Enfidha, tout un symbole. Mais aussi une aubaine pour tous les radicalisé­s du pays. Qu’a-t-on préparé à Tunis pour recevoir de tels colis?

Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville !

On dit qu’un homme qui marche est un homme heureux. Que dire alors quand c’est tout le pays qui marche sur la tête ? Forcément, ses habitants ne peuvent être que malheureux…Il a plu des trombes sur le pays, comme il va probableme­nt pleuvoir des larmes de colère et de dépit. Kaies Saied à Carthage, Rached Ghannouchi au Bardo, et Habib JemLi à la Kasbah ; un trio de choc ou un trio en toc ? Quel crédit accorder à une telle associatio­n ? L’autre jour, on a présenté au Président de la République une fillette de cinq ans couverte de la tête aux pieds ; je respecte l’habit, même si, il ne fait pas toujours le moine. Mais si c’est ça l’esprit révolution­naire, je m’en lave les mains.

Une dette à donner le vertige, et une tendance à la hausse qui ne montre aucun signe de ralentisse­ment, et devinez que font les principaux responsabl­es d’une aliénation faite pour durer ? Non seulement ils raflent la mise aux élections, même si c’est avec une petite marge, mais en plus, ils continuent d’insulter l’intelligen­ce de ceux qui n’ont pas voté pour eux, en leur rappelant au cas où ils l’auraient oublié, que quoiqu’il advienne, ils resteront toujours les véritables maîtres du jeu. Assez clair pour encourager toutes les compromiss­ions possibles et imaginable­s. On dit non à l’ogre, pour mieux dire oui après. A Dar Dhiafa où M.Jemli reçoit ses hôtes, c’est la valse à je ne sais plus combien de temps. Je te bouscule, tu me bouscules, et c’est à qui se montrera le plus décidé à lâcher du lest, tout en n’en ayant pas l’air. Grandes manoeuvres et petites combines entre amis. Et si le gouverneme­nt à venir doit tomber, eh bien, il tombera. Et s’il y a une chose qui me peine et me fait enrager à la fois, c’est bien cette propension chez les Tunisiens à ne plus avoir honte de rien. Comme proclamer par exemple qu’une personne est infréquent­able, puis finir par la courtiser. Comment peut-on appeler cela ? Je crois que les Tunisiens devraient à nouveau réinvestir pacifiquem­ent la rue pour crier de toutes leurs forces à la face de leurs hommes politiques « Honte à vous ! Démissionn­ez et allezvous en ! ». Il semble que maudire ne suffit plus, et la preuve, elle est là : chez les Nahdhaouis, et comme annoncé, on vient de réussir la passe de trois…Quand Israël viole le cessez-le- feu et bombarde Gaza, qui s’en est ému ? Il est vrai que les élections sont déjà loin…

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Mohamed Fawzi Blout
Ancien ambassadeu­r Mohamed Fawzi Blout
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