QUI A DIT QU’IL ENGENDRE UNE PERTE DE PRODUCTIVITÉ ?
Avec la survenue de l’épidémie de Covid- 19, le confinement a été imposé à un vaste nombre de travailleurs. S’est ensuivi un changement drastique de leurs habitudes de travail. Partout dans le monde et pour ceux qui en avaient la possibilité, la transition vers le télétravail s’est très rapidement opérée, étant la seule alternative pour assurer la continuité des activités des entreprises et la façon la plus sûre pour garantir la sécurité des employés. Cette transition rapide rendue possible par l’usage courant des technologies numériques a permis d’expérimenter une organisation non conventionnelle du travail et d’en découvrir de nombreux avantages.
Si le télétravail semble constituer une solution, il fait craindre une perte de productivité du fait qu’il ne reproduit pas les mêmes conditions de travail habituelles. De ce fait, la question de la productivité fait l’objet d’un grand intérêt et a été étudiée à de nombreuses reprises.
Parmi les études les plus récentes, une enquête réalisée par le cabinet international Valoir montre un faible impact du travail à distance sur la productivité et une grande adhésion des employés à cette méthode de travail dont ils n’ont pas l’habitude.
En effet, l’enquête réalisée sur des entreprises d’Amérique du Nord a montré que le travail à distance n'a eu qu'un faible impact négatif avec une réduction moyenne de la productivité de 1 %.
Selon un certain nombre de répondants le télétravail a du bon : l’avantage essentiel est le gain de temps généré par la réduction du temps de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, et la diminution des facteurs de distraction qu’ils rencontrent habituellement sur leur lieu de travail (collègues, bruit, agitation extérieure, pauses café).
Le rapport indique en conclusion : « Quelle que soit la durée de la situation actuelle, cela aura un impact significatif sur ce que nous considérons comme une journée de travail normale dans un avenir prévisible. »
Repenser comment et où travailler
Il faut dire que les espaces de travail ont très fortement évolué ces dernières années et pas forcément dans le bon sens. L’organisation des locaux de travail en open space ne semble pas, en effet, faire l’unanimité auprès des employés. Une étude publiée par la Harvard Business Review montrait qu’entre 2008 et 2014, le nombre de salariés américains qui se plaignaient de ne pas pouvoir se concentrer sur leur lieu de travail a augmenté de 18%. Selon cette même étude, 74% des employés se disent plus préoccupés par leur intimité au bureau qu’il y a dix ans. Près de la moitié des interrogés seulement (55%) affirment pouvoir travailler en groupe sans être interrompus.
Selon l’INRS 5 (France), près de 60 % des actifs tous secteurs confondus se disent gênés par le bruit sur leur lieu de travail.
En 2017, l’Organisation Internationale du Travail publiait un rapport intitulé « Travailler en tout temps, en tout lieu: les effets sur le monde du travail ».
Le rapport met en lumière les effets positifs du travail à distance dont une réduction du temps de déplacement, une plus grande autonomie quant au temps de travail permettant davantage de flexibilité en termes d’organisation du temps de travail, un meilleur équilibre global entre la vie professionnelle et la vie privée et une productivité accrue.
Du côté des entreprises, elles y trouvent également des bénéfices : l’amélioration de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée semble entraîner une plus grande motivation, une rotation de personnel moindre et une productivité et une efficacité accrues, et, d’autre part, une réduction de l’espace de bureaux nécessaire et des coûts y afférents.
Par contre, les inconvénients mis en avant par le rapport sont la tendance à induire un allongement de la durée du travail, à créer un chevauchement entre le travail salarié et la vie privée (interférence entre la vie professionnelle et familiale), et à entraîner une intensification du travail.
Le rapport fait la distinction entre différents types de télétravail. En effet, si les télétravailleurs à domicile semblent engendrer un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, les travailleurs «hautement mobiles» sont plus exposés au risque de conséquences négatives sur la santé et le bien-être. Ainsi, les formes partielles et occasionnelles de télétravail semblent présenter un bilan plus positif entre les avantages et les inconvénients.
Dans un environnement professionnel propice aux échanges mais aussi à la dispersion des efforts et de la concentration, il est probablement temps de repenser comment et où travailler. Le travail à distance, qui présente l’avantage majeur de produire où que l’on soit et à tout moment, permet des gains considérables à la fois pour les entreprises mais aussi pour les travailleurs en termes de flexibilité et constitue un atout considérable en termes de qualité de la vie. Cette nouvelle organisation du travail ouvre la voie à de nombreuses opportunités à l’avenir, à condition de s’en donner les moyens et de ne pas rester figé dans un seul et unique modèle.
Le télétravail se généralisera-t-il en Tunisie et saurons-nous assurer cette transition ? La réponse pourrait être oui s’il confirme encore ses avantages dans ce contexte si particulier n