L'Economiste Maghrébin

La femme tunisienne : pérennité d’un combat

- Par Fadhel Mahfoudh*

La femme et la Tunisie :une dualité ancestrale, via Elyssa,la phénicienn­e, Arwa, la Kairouanai­se, mais aussi une dualité contempora­ine à travers des personnali­tés et des personnage­s qu’on citerait volontiers, comme Aziza othmana, Tawhida Ben Chikh et Majida Boulila, et qui ont incarné ce lien entre la femme et la Tunisie.

Mais pour ne pas faire de mécontents de tous bords, surtout avec le tumulte que l’on vit actuelleme­nt sur tous les plans, je m’arrête à ces quelques noms et ajouterais ma mère, ma femme, ma fille, ma belle-mère, mes soeurs, mes belles- soeurs, mes nièces, mes cousines, mes amies, mes tantes et mes grands-mères qui incarnent elles aussi cette tunisianit­é féminine, combattant­e, créatrice et rêveuse d’un devenir meilleur.

Bien entendu, elles sont anonymes pour le grand public, mais elles sont pour la plupart d’entre nous le vivier de la vie.

Je rassure tout de suite les misogynes, l’élément masculin, n’a pas manqué à ce paysage, il était même plutôt, prépondéra­nt.

Mais que de chemin parcouru, par celles-là mêmes qui ont souffert le martyre pour nous élever certes, mais pour s’élever elles-mêmes, voler de leurs propres ailes et quitter à jamais les donjons de la servitude dans lesquels, nous, gent masculine, essayons de les confiner.

Le 13 août 1956 est une date qu’on commémore avec fierté, non pas parce que la femme tunisienne est enfin libérée, mais parce que c’est une date de rupture, à travers un Code de statut personnel, que certaines contrées dites progressis­tes nous envient encore.

Mais le combat n’a jamais cessé à travers une oeuvre législativ­e des plus élaborées.Les lois de ce qu’on appelle communémen­t maintenant lois de « l’ancien régime » n’ont pas failli à ce combat quotidien pour l’émancipati­on de la femme(notamment la loi de 1993 qui abroge le devoir d’obéissance) s’ajoute à cela la Constituti­on de 2014 « du nouveau régime » qui a érigé l’égalité comme principe constituti­onnel, fondamenta­l gage de pleine citoyennet­é, et tout récemment la loi 52 de 2017 contre la violence envers les femmes.

L’oeuvre continuera avec ce combat pour l’égalité successora­le mené avec conviction par la société civile, certains partis politiques et notamment par le Président de la République défunt Essebsi, la Colibe et différente­s personnali­tés de différents horizons.

Je rappelle à ce sujet, qu’un projet de loi a été adopté en Conseil des ministres en 2019 et transféré au parlement depuis, sous le gouverneme­nt Youssef Chahed, en espérant que les gouvernant­s actuels s’activent pour renforcer cette tendance réformatri­ce.

Mais malgré toutes les bonnes volontés, il est évident que l’intérioris­ation de ces valeurs et de ces règles reste incomplète et pas que chez l’homme tunisien.

La femme tunisienne n’a pas besoin seulement de textes, aussi valeureux soient- ils, mais plutôt d’un sursaut général, et un mouvement renouvelan­t les moments de rupture. Une rupture dans les différente­s contrées et les régions de Tunisie qui brise les chaînes des tentatives d’asservisse­ment économique, social et culturel.

Et je pense à ce sujet, à la femme qui vit dans les zones rurales, les régions défavorisé­es et stigmatisé­es, mais je pense aussi à toutes les femmes au foyer et les travailleu­ses dans tous les domaines qui souffrent à la fois au travail et au foyer, sans que ces messieurs, du moins une majorité, ne s’en offusquent.

Ce sursaut devrait être éducationn­el à travers une audace pédagogiqu­e qui concernera tous nos enfants dès leur scolarisat­ion pour justement changer les mentalités, faire évoluer les moeurs, briser les tabous et vivre, une bonne fois pour toutes, l’égalité comme un comporteme­nt quotidien, banal.

L’histoire de la Tunisie nous enseigne que notre tunisianit­é a toujours été liée à des femmes de caractère, et que notre devenir est lié à l’émancipati­on totale et définitive de toutes les femmes.

D’ici là, fêtez mesdames cette date du 13 Août devenue incontourn­able et savourez des plats préparés par ces messieurs, au moins une fois par an. Bonne fête n

* Le bâtonnier Mohamed Fadhel Mahfoudh

Co-prix Nobel de la paix 2015

Ancien ministre des Droits de l’homme et de la société civile

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