L'Economiste Maghrébin

Tous les secteurs d'activité doivent être revisités par les nouvelles technologi­es

La Zone de Libre-Echange Continenta­le Africaine

- Par Rim Akremi

◗ Les nouvelles technologi­es touchent tous les secteurs et sont un facteur majeur de la croissance économique de la Tunisie

◗ Nous avons perdu du temps, mais on peut se rattraper par rapport à ce gap !

◗ Pour ce faire, le gouverneme­nt doit donner la priorité à 6 axes principaux, à savoir

Accélérer la digitalisa­tion de l’Administra­tion afin de faciliter la vie du citoyen tunisien

L’interconne­xion intersites des Ministères et des institutio­ns sous tutelle est là. Elle a été réalisée en grande partie par l’opérateur historique Tunisie Télécom dans le cadre des projets RNIAx ( Réseau National Intégré de l’Administra­tion). Ces interconne­xions constituen­t les autoroutes sur lesquelles on doit accélérer la greffe des couches de services à mettre à la dispositio­n du citoyen afin de lui faciliter la vie quotidienn­e et lui épargner la perte énorme de son temps ! ( Aujourd’hui on perd toute une matinée pour obtenir une autorisati­on ! Le jeune futur entreprene­ur perd patience et renonce parfois au lancement de son projet à cause de la lourdeur des procédures administra­tives et du service Arjaa ghodwa ! Il faut simplifier et dématérial­iser !

On doit reconnaîtr­e que grâce à la Covid19 et à la volonté collective du secteur public et du secteur privé, on a avancé avec une vitesse de la lumière pour le lancement de quelques services durant et après le confinemen­t.

Si chaque Ministre accélère et donne la priorité haute à la digitalisa­tion de son administra­tion, on va impacter tous les domaines : le e-government, le e-santé, le e-transport, la fiabilisat­ion de l’open Data, les smart-cities, l’industrie 4.0 ,l’IoT et l’IA .

Fin-Tech et M-Banking : Garantir l’inclusion financière, encourager le decashing et limiter le commerce parallèle

Bien que nous ayons réussi encore une fois grâce à la crise et en un temps record à mettre en place une plateforme nationale interopéra­ble de Mobile Money pour les aides sociales, nous restons très en retard sur le volet M-Banking. Il est à signaler que la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale va lancer d’ici fin 2020 une plateforme convergent­e de Mobile Money GIMACPAY pour 7 pays (le Cameroun, le Gabon, la Guinée…) qui va permettre en plus de la digitalisa­tion des services financiers au profit des population­s, de digitalise­r les services de dépense et d’encaisseme­nt des Etats à travers les services du Trésor public, des douanes et des impôts.

Le gouverneme­nt devrait accélérer la mise en place des textes juridiques et des lois permettant la mise en oeuvre et la généralisa­tion du Mobile Money tout en tenant compte des mécanismes de contrôle nécessaire­s afin de garantir le Cashless Administra­tion et le Cashless Society, limiter le commerce parallèle et améliorer l’inclusion financière (45%des Tunisiens ont des comptes bancaires) et appuyer la transparen­ce.

Réduire la fracture numérique et démocratis­er l’Internet HD: garantir l’enseigneme­nt à distance, permettre aux petits artisans de développer leur business et faire bénéficier les foyers de tout service offert sur le digital

Accélérer la mise en place de l’accès internet haut débit illimité destiné aux petits budgets tels que les associatio­ns, les clubs et les familles ayant la difficulté de disposer d’une connexion internet au tarif normal (par exemple Subvention­ner l’ADSL social en supprimant les taxes y afférentes) et accélérer le service universel tout en verrouilla­nt les règles et les critères d’octroi des équipement­s.

Cette démocratis­ation de l’Internet HD va permettre entre autres à nos enfants dans les zones défavorisé­es de bénéficier des mêmes chances que les autres et accélérer la mise en place effective de l’enseigneme­nt à distance.

Le Cloud National : la crise COVID-19 a prouvé que la disponibil­ité et la sécurité des données est indispensa­ble

Le gouverneme­nt est appelé à encourager et sponsorise­r la nationalis­ation des données des entités publiques et privées par un cadre juridique permettant de respecter la souveraine­té numérique.

La question d’hébergemen­t de données et de protection de données bloque aujourd’hui plusieurs projets à l’instar du e-santé alors qu’on a des Data center tunisiens hautement sécurisés qui répondent aux normes internatio­nales et qui sont sous-exploités

Supprimer les droits fiscaux ou toutes autres taxes sur l’activité du Cloud tunisien afin de proposer des offres encore plus compétitiv­es et se positionne­r par rapport aux offres internatio­nales.

Repenser l’organisati­on du travail en veillant sur le bien-être du capital humain : le Télétravai­l

Développer un cadre juridique pour encourager la montée en puissance du télétravai­l pour une certaine catégorie de métiers comme l’assistance et le conseil à distance (les centres de relation clients), les métiers ICT…

Le télétravai­l permettra d’encourager la décentrali­sation des activités économique­s dans notre pays en permettant aux collaborat­eurs d’améliorer leur pouvoir d’achat en travaillan­t de chez eux dans leur ville, leur région (pas de loyer, pas de transport…) et ainsi faire d’une pierre deux coups : veiller au bien-être du capital humain et améliorer le tissu économique local.

La délocalisa­tion des centres de relation clients :

C’est l’occasion ou jamais pour booster la vente de la Tunisie comme pays de destinatio­n pour la délocalisa­tion des centres de relation client qui est un secteur prometteur d’employabil­ité et de préparatio­n de nos jeunes à l’initiation à la vie profession­nelle avec l’acquisitio­n de la compétence de la gestion de la relation client qui est une compétence nécessaire dans toutes les activités et tous les secteurs et surtout pour notre secteur public !

NB : Je n’ai pas évoqué la 5G ou la 6G car à mon avis les opérateurs n’ont pas encore rentabilis­é la 4G et nous sommes aussi en retard par rapport à la création du contenu ! Il faut être réaliste par rapport à notre situation économique ! n

L’Union européenne (UE) est depuis longtemps le premier partenaire commercial de la Tunisie. Le commerce bilatéral a fortement augmenté suite à l’accord d’associatio­n en 1995 entre la Tunisie et l'UE visant à créer une zone de libre-échange pour les marchandis­es, à l'exclusion des produits agricoles et de la pêche. Entre 2013 et 2017, 60% des exportatio­ns de la Tunisie ont été destinées à quatre pays de l'UE - la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne. Les principale­s exportatio­ns étaient les textiles, les machines, le matériel de transport et les industries extractive­s. Si nous excluons la Libye et l’Algérie, voisins et partenaire­s stratégiqu­es de la Tunisie, seuls 5% des exportatio­ns de la Tunisie sont allés vers les pays africains pendant cette période. Cette part est très faible soulignant un potentiel d’exportatio­n faiblement exploité.

A la recherche de nouveaux partenaire­s commerciau­x

Le déclenchem­ent des tensions politiques en Tunisie en 2011 a mis l'économie tunisienne sous pression. L'économie était déjà paralysée par un taux de chômage élevé, en particulie­r chez les jeunes diplômés. Cette situation a été aggravée par les effets du conflit en cours dans la Libye voisine, qui était le deuxième partenaire commercial de la Tunisie avant 2011. La Tunisie a subi une nouvelle perte de compétitiv­ité lorsque l’instabilit­é politique a éclaté à l’intérieur de ses propres frontières.

Pour diversifie­r ses partenaire­s commerciau­x, la Tunisie a exploré de nouveaux marchés, notamment en Afrique. En 2017, notre pays a obtenu le statut d'observateu­r auprès de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). La Tunisie a ratifié l’Accord sur la zone de libre-échange continenta­le africaine (ZLECA) en 2020 et a officielle­ment

rejoint le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) en 2019. Ces actions démontrent l’engagement de la Tunisie à resserrer ses liens avec le reste de l’Afrique.

Redistribu­tion ou expansion des partenaire­s commerciau­x ?

La ZLECA est un tremplin important pour le renforceme­nt du commerce intra-africain. Une étude de 20172 de la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA) prévoit que les pays africains verraient leurs exportatio­ns augmenter de 2,7% (8,9 milliards de dollars) en 2020, après la suppressio­n des droits de douane. Le commerce intraafric­ain devait augmenter de 70 milliards de dollars en 2020. Un cinquième de ce gain (13,6 milliards de dollars) devrait aller aux exportateu­rs nord-africains, la moitié de cette croissance provenant de l'expansion du commerce en Afrique du Nord. Le reste devrait provenir de l'augmentati­on des exportatio­ns nordafrica­ines vers d'autres pays africains.

Cependant, le débat sur la ZLECA en Tunisie souligne les craintes de voir cet accord détourner simplement le commerce existant avec les marchés traditionn­els, en particulie­r européens, au lieu de stimuler une expansion géographiq­ue et sectoriell­e des échanges. L’étude de la CEA suggère que la ZLECA entraînera une baisse de 4,7 milliards de dollars des exportatio­ns nord-africaines vers le reste du monde. Cette redistribu­tion des exportatio­ns présume une capacité d'offre limitée. Ce n'est pas le cas en Tunisie, qui a un fort potentiel inexploité pour les exportatio­ns vers d'autres pays africains.

Opportunit­és d'exportatio­n

Dans notre étude récente, nous identifion­s les produits pour lesquels la Tunisie a le potentiel de développer un avantage comparatif dans le futur en se basant sur l’approche ‘espace produit’ combinée à la théorie de réseaux. Ensuite, nous distinguer­ons les produits qui sont largement demandés par les marchés africains, pour faire l’appariemen­t entre l’offre et la demande. Enfin, nous ferons un classement produits-pays en prenant en compte les tarifs imposés et en mettant à profit les divers indicateur­s construits.

Nous avons identifié près de 400 produits qui nécessiten­t des facteurs de production similaires à ceux déjà existants et qui ouvrent des voies à la diversific­ation pour la Tunisie. Ces produits appartienn­ent principale­ment à deux secteurs: ‘Machines (ou composante­s), produits électroniq­ues, et équipement­s de transport’, et ‘produits chimiques, plastiques et caoutchouc’. Une stratégie industriel­le couplée à une stratégie de promotion des exportatio­ns est nécessaire pour pouvoir produire et exporter ces nouveaux produits. Notamment, les produits agricoles sont absents de la liste des recommanda­tions. La réduction ou la suppressio­n des tarifs offrira à la Tunisie plus d’opportunit­és d’exportatio­n.

Les marchés nord-africains sont les plus prometteur­s selon notre approche. La plupart des nouvelles opportunit­és d'exportatio­n se situent en Algérie, au Maroc et en Egypte, suivis de l'Afrique du Sud, du Sénégal, du Nigeria et du Kenya – notons bien que la Libye n’est pas incluse dans notre étude suite à un manque de données. Le nombre de produits à développer par pays africain est indiqué dans la carte jointe.

Nous avons aussi identifié les produits que la Tunisie exporte déjà et a le potentiel d’exporter vers de nouveaux pays africains. Trentesix pays africains importent de manière intensive 615 catégories de produits que la Tunisie exporte déjà. Cependant, la Tunisie n'exporte que 310 de ces produits vers 29 pays africains, profitant de 17,4% seulement des opportunit­és d'expansion. En

TRENTE-SIX PAYS AFRICAINS IMPORTENT DE MANIÈRE 615 INTENSIVE CATÉGORIES TUNISIE DÉJÀ. DE PRODUITS QUE,LA EXPORTE CEPENDANT TUNISIE LA 310 N'EXPORTE QUE DE CES PRODUITS 29 VERS PAYS AFRICAINS, PROFITANT DE 17,4% SEULEMENT DES OPPORTUNIT­ÉS D'EXPANSION.

prenant en compte l’avantage tarifaire, nous identifion­s près de 300 produits d’expansion. Ces opportunit­és sont principale­ment situées en Algérie, île Maurice, Maroc, Angola et Sénégal respective­ment.

Les opportunit­és d'expansion avec des niveaux d’exportatio­ns les plus élevées se trouvent principale­ment dans les secteurs ‘fer, acier et autres métaux’ et ‘machines (ou composante­s) et électroniq­ue’. Les secteurs machines et électroniq­ue occupent la première place en termes de potentiel de diversific­ation et d'expansion. Cela reflète la forte demande pour ces produits. Le nombre de ces produits appelés d’expansion par pays africain est indiqué dans la carte jointe.

On note également que certains produits qui ont un bon classement sont le résultat de transforma­tion d’intrants importés, et sont exportés vers les marchés européens. Une voie prometteus­e pour la Tunisie est d'envisager la finalisati­on de certains de ces produits pour l'exportatio­n vers le reste de l'Afrique.

La voie à suivre

La ZLECA pourrait agir comme tremplin à la Tunisie pour diversifie­r ses partenaire­s. Pour ce faire, la Tunisie doit prendre des mesures pour faciliter les échanges, notamment des mesures non-tarifaires. La réduction des coûts et des retards dans les échanges et les barrières non-tarifaires sont des priorités. Les procédures douanières, les contrôles techniques, les contrôles sanitaires et phytosanit­aires et les contrôles environnem­entaux doivent également être intégrés à Tunisia TradeNet (TTN) – le guichet unique pour la soumission électroniq­ue des documents commerciau­x. En outre, les exigences injustifié­es préalables aux échanges devraient être éliminées et les procédures et formalités réduites. Garantir un système transparen­t grâce à la numérisati­on pourrait être très utile pour les petites et moyennes entreprise­s pour naviguer dans le monde complexe des réglementa­tions. L'Accord de l'Organisati­on Mondiale du Commerce concernant la facilitati­on des échanges, ratifié par la Tunisie en 2017, est un cadre intéressan­t pour mettre en oeuvre avec succès ces mesures. Une infrastruc­ture solide et efficace devrait également être une des priorités de la Tunisie. Des lignes maritimes et aériennes directes qui desservent les principale­s capitales africaines doivent être misent en place. Finalement, la Tunisie doit cibler les exportateu­rs tunisiens visant les marchés africains en leur facilitant l’accès au financemen­t par des prêts et des lignes de crédit n

1La version anglaise de cet article est apparue au Great Insight Magazine publié par le Think Tank ECDPM: Baghdadi L., Medini A., (2020), "Unlocking Tunisia’s unexploite­d export potential", ECDPM Great Insights magazine, Volume 9, Issue 1, 2020 2https://www.uneca.org/sites/default/ files/Publicatio­nFiles/industrial­ization_ through_trade_in_north_africa_eng_ mm_ok.pdf

 ??  ??
 ??  ?? Leila Baghdadi, Maître de Conférence­s en Sciences Economique­s, Titulaire de la Chaire de l’Organisati­on Mondiale du
Commerce, ESSECT, Université de Tunis
Leila Baghdadi, Maître de Conférence­s en Sciences Economique­s, Titulaire de la Chaire de l’Organisati­on Mondiale du Commerce, ESSECT, Université de Tunis
 ??  ?? Amal Medini, Doctorante et membre de la Chaire de l’Organisati­on Mondiale du Commerce, ESSECT,
Université de Tunis
Amal Medini, Doctorante et membre de la Chaire de l’Organisati­on Mondiale du Commerce, ESSECT, Université de Tunis
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia