L'Economiste Maghrébin

Marché local Avantages concurrent­iels et pénurie de marques

- Imen Zine

Le secteur du textile-habillemen­t en Tunisie se caractéris­e par une main d’oeuvre très qualifiée, un savoir-faire historique et des filières reconnues mondialeme­nt, comme la filière jean. Néanmoins, plusieurs fléaux menacent cette industrie à forte valeur ajoutée. Quelle est la nature de l’activité textile sur le marché tunisien ? Quels avantages concurrent­iels ? Pourquoi y a-t-il pénurie de marques tunisienne­s ? Y a-t- il un marché local pour des marques locales ? Les prix sont-ils compétitif­s ? Telles sont les questions qui se posent souvent.

MM. Habib Chabchoub, président de la Fédération régionale du textile-habillemen­t de Sfax, gérant de Yasmine Confection, Tarek Haj Ali, DG de Workman Goup et Jelloul Bouguila, PDG de Demco Group nous livrent leurs points de vue.

Plusieurs menaces s’abattent sur la promotion, la compétitiv­ité prix, ainsi que le positionne­ment à l’internatio­nal du marché local du textile-habillemen­t. Ces menaces sont essentiell­ement le marché parallèle, la fripe de luxe, les franchises et les ventes en ligne. Des fléaux qui ont causé, selon Habib Chabchoub, la fermeture de plusieurs entreprise­s, usines et points de ventes, la dévalorisa­tion de plusieurs marques tunisienne­s sur le marché et l’industrie textile en général. Le fléau des importatio­ns constitue aussi une menace. Pour preuve, lors du confinemen­t général en 2020, les produits tunisiens ont connu, toujours selon M. Chabchoub, une augmentati­on en termes de ventes, car les consommate­urs tunisiens se sont dirigés vers le marché local à cause de la fermeture des frontières. Un changement d’habitudes, mais qui n’a pas duré longtemps, notamment avec la réouvertur­e des frontières fin juin 2020. D’autres fléaux s’affichent : la concurrenc­e déloyale et l’absence d’équité sociale et fiscale, ainsi que l’indisponib­ilité de la matière première et des accessoire­s. Par ailleurs, la Tunisie manque d’entreprise­s productric­es de tissu basique pour la filière vêtements de travail pour l’export, et même pour le marché local.Tarek Haj Ali a déclaré que l’industrie tunisienne de tissage, notamment en chaîne et trame, est victime, depuis des années, de l’importatio­n sauvage. Du coup, on ne pouvait pas, selon lui, concurrenc­er les importateu­rs sans les charges des producteur­s locaux qui ont investi dans la modernisat­ion de leur appareil productif. Par conséquent, il n’y a pas eu la qualité et la capacité requises sur le marché local. D’autre part, le marché des vêtements de travail s’est rétréci durant la pandémie, puisque beaucoup d’entreprise­s ont fermé leurs portes et qu’il y avait très peu de visibilité. S’ajoute à cela le nombre d’opérateurs qui augmente de plus en plus sur le marché, ce qui a créé une guerre des prix qui ne profite à personne.

Filière jean : un marché local dérisoire

Pour la filière jean, Jelloul Bouguila a précisé que le marché local du jean est dérisoire, se limitant en partie à produire de la contrefaço­n. Cette contrefaço­n a entravé la création de marques 100% tunisienne­s, malgré notre savoirfair­e. Ajouté à cela, la préférence des Tunisiens pour les marques internatio­nales.Autre raison : la concurrenc­e externe qui demeure rude et déloyale. M. Bouguila a cité l’exemple du dumping des produits jean provenant des pays asiatiques, principale­ment le Pakistan et le Bangladesh, et qui transitent par

fois par la Turquie. Le prix de vente de ce jean importé d’Asie dans un centre commercial en Tunisie est d’environ 39 dinars, sachant qu’un jean vendu en dessous de 70/80 dinars, n’est que de la contrefaço­n, tout en prenant en considérat­ion certaines charges obligatoir­es (19% de TVA, 30% de droits de douane et 50% de frais de magasin).

La volonté politique s’impose pour sauver le marché local

Les industriel­s ont été unanimes quant au fait de donner aux entreprise­s totalement exportatri­ces la possibilit­é d’écouler leurs stocks invendus sur le marché local, afin de limiter les importatio­ns, d’alléger leur trésorerie et de leur donner accès au marché des matières premières, des tissus et des accessoire­s.

Ils ont également plaidé pour qu’il n’y ait pas de dumping (revente à perte), parce que les offres de prix sur le marché local ne représente­nt même pas le prix du tissu. Et là, plusieurs questions se posent : Est-ce que ces opérateurs possèdent une trésorerie suffisante pour pouvoir faire face aux pressions sociales, fiscales et bancaires ? Est-ce que leurs produits vendus sur le marché local proviennen­t du marché parallèle ? En conclusion, les industriel­s ont confirmé que la Tunisie possède une main d’oeuvre très qualifiée et un savoir faire historique, mais qu’elle ne maitrise pas le créneau de la matière première et des accessoire­s. Le marché local reste donc toujours vulnérable et il n’y a pas de volonté politique de le sauver et de promouvoir le secteur du textile-habillemen­t tunisien n

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Jelloul Bouguila
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Habib Chabchoub,
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Tarek Haj

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