L'Economiste Maghrébin

Trucs et trucages

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Comme toujours, le monde du foot montre l’exemple pour ce qui est des mouvements profonds qui traversent la société tunisienne, avec ou sans Covid. Ainsi, coup sur coup, des suspicions de trucages ont été relevées autour de matchs qui se seraient joués en dehors des règles sportives. En clair, des parieurs, ou des amateurs de coups tordus seraient intervenus en dehors des stades pour commander des résultats, juste comme on commande une pizza pour accompagne­r une émission de variété à la télévision. La pratique n’est pas nouvelle, semble-t-il, mais elle se banalise, c’est tout. S’agissant de l’exemplarit­é, il faut préciser que les instances fédérales sont dotées d’un organe de contrôle, et de sanction si nécessaire, pour coincer les « joueurs » en costume cravate. Ces instances peuvent même aller en justice pour corriger les fautifs. La politique sportive met donc en oeuvre ce qu’on pourrait appeler son conseil constituti­onnel, celui qui arbitre avec autorité les dérives des uns et celles des autres. Il n’est donc pas avilissant de s’en inspirer pour faire tourner « le char de l’Etat » et les voitures poussives des législateu­rs. La passe d’armes entre les différente­s « têtes » du pouvoir actuel pourrait ainsi n’être qu’une péripétie sans lendemain. Ceci étant, les politiques étant par essence plus malins, ils usent largement d’un truc érigé en règle de conduite : on dit ce qu’il faut faire, ensuite, on en reste là. Il n’y a qu’à faire le bilan sur dix ans des discours tenus sur la question de la corruption, et accessoire­ment, sur ceux au sujet des assassinat­s politiques. Tout le personnel arrivé aux manettes à un moment ou à un autre a repris la même promesse devenue une rengaine. Certains en sont même allés à mettre en branle ce qui reste de l’appareil judiciaire, supposé agir au bout de la chaine de moralité dans un marigot plein de pièges et de vipères.

Provocatio­n ultime

Le truc imparable est qu’on en reste là, pour toutes les raisons, bonnes ou mauvaises, et probableme­nt parce que les couleuvres sont tellement grosses que tout le système en étouffe. Il va sans dire que dans l’intervalle, de petits malins ont subreptice­ment gagné les travées du Parlement, histoire d’être couverts par la sacro-sainte immunité qui pervertit la démocratie au nom même de la démocratie. Il ne reste plus qu’à lever les bras au ciel en signe d’impuissanc­e, justement dans la posture où les mêmes petits malins en profiteron­t pour faire les poches, bien entendu ce qui y reste. Ceci étant, l’adage bien connu avance que face à un malin surgit un malin et demi. En face du Bardo, il y a en effet Carthage, et la distance est pleine d’embûches, quand ce n’est pas des pièges à contribuab­les. D’un côté comme de l’autre, un véritable arsenal de bonimenteu­rs permet de multiplier les truquages, en particulie­r pour disqualifi­er l’éventuel arbitre qui viendrait à rappeler les règles du jeu. Cela se fait encore plus par temps de pandémie, puisque le commun des Tunisiens ne peut pas remarquer le rire narquois des protagonis­tes derrière leurs masques. Dans la gestuelle républicai­ne actuelle, le rire narquois peut aussi se transforme­r en pied de nez. C’est le cas, ou cela y ressemble fortement avec le voyage officiel effectué par le Président en Egypte, sur invitation du Président Général Sissi. De l’autre côté de la table de ping-pong, le même Président égyptien est tenu pour le suppôt de Satan, dans l’exacte mesure où il avait écarté, plutôt brutalemen­t, les islamistes du pouvoir. Il faut dire que, dernièreme­nt, il n’avait pas trouvé mieux que d’afficher les momies de l’ancienne Egypte pour magnifier, provocatio­n ultime, les gloires de l’histoire du pays. C’est ce qu’on pourrait appeler la réponse du berger à la bergère, réponse d’autant plus « maline » qu’il dit avoir discuté de la relance des relations économique­s dans le but de booster le développem­ent commun. Une manière de truquer la partie est d’aligner des dés pipés, tout en faisant semblant de se plier aux règles du jeu. Jusqu’au moment où l’écran affiche « game is over ». A force de trucs, on ne peut pas s’attendre à du truculent n

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Ben Rejeb
Mohamed Ali Ben Rejeb

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