L'Economiste Maghrébin

Textile-habillemen­t

- Imen Zine

Pour un secteur innovant et plus responsabl­e

Durant la crise sanitaire, les industriel­s du textile-habillemen­t ont maintenu le cap, avec la ferme volonté de garantir la pérennité des entreprise­s, de préserver les emplois d'innover et de poursuivre l’élan réformateu­r de l’un des secteurs clés de l’économie tunisienne. Le textile-habillemen­t a montré sa résilience et a repris son destin en main. En ce sens,l’exploratio­n de l’impact de la pandémie a fait l’objet d’une étude réalisée dans le cadre du projet GTEX MENATEX -Tunisie (Programme Global Textiles et Habillemen­t et le Programme Textiles Pour La Région Moyen-Orient et Afrique du Nord ) mis en oeuvre par le Centre du commerce internatio­nal (ITC), avec un cofinancem­ent des gouverneme­nts de la Suisse et de la Suède. Synthèse et résultats de l’étude, présentés par NacerBouya­hia, Coordinate­ur national du projet GTEX-MENATEX Tunisie, ITC et Mehdi Chaker, Administra­teur en promotion commercial­e, ITC.

L’étude a porté sur 248 entreprise­s réparties sur 9 régions, 7 filières de production et trois régimes (vente sur le marché local, partiellem­ent exportateu­r et totalement exportateu­r). Elle a eu pour objectif l’évaluation de l’impact de la crise sanitaire sur les entreprise­s tunisienne­s tant à

l’échelle nationale qu’internatio­nale.

Impact de la crise sanitaire à l’échelle nationale

A l’échelle nationale, Nacer Bouyahia a affirmé que le diagnostic a été effectué sur deux périodes, d’abord, entre les mois de mars et juin, et ensuite entre les mois de juillet et septembre 2020, se basant sur des enquêtes en ligne, des meetings avec les représenta­nts des entreprise­s et des visites individuel­les. Constat indéniable ! Les principaux résultats de cette étude ont démontré que le secteur du textile-habillemen­t est un secteur résiliant face à la crise sanitaire.

Et pour preuve, durant la période de mars à juin 2020, 87% des entreprise­s ont gardé leur activité, 2% ont fermé leurs portes momentaném­ent et seulement 1% d’entre elles ont arrêté leur activité.

Par ailleurs, environ ¾ des entreprise­s ont enregistré une baisse de leur activité, dépassant même l’activité normale durant la même période de l’année 2019. En ce qui concerne le marché local, l’étude a dévoilé que 50% des entreprise­s ont perdu plus de 70% de leur activité. Les filières les plus impactées sont les suivantes : chaîne et trame, vêtements profession­nels, maille tricotage. Pour l’export, la crise a engendré une dégradatio­n des exportatio­ns, surtout au niveau des PME qui emploient entre 6 et 100 personnes, avec une baisse des exportatio­ns d’environ 50%. Les filières les plus impactées sont : lingerie et maillot de bain, jean et maille tricotage. Environ 33% de ces entreprise­s ont enregistré une augmentati­on du stock de tissu inutilisab­le. Toutefois, et en dépit de toutes les difficulté­s, les entreprise­s ont pu adapter leurs appareils de production durant mars-juin 2020 pour la fabricatio­n de masques de protection. D’autre part, les résultats de l’étude ont montré que 50% des entreprise­s ont rencontré des problèmes de trésorerie (paiement des salaires, des fournisseu­rs, des charges fixes, des cotisation­s sociales…). Etant donné cette situation critique, 59% des entreprise­s n’ont pas de visibilité pour l’avenir. Par rapport aux mesures d’urgence prises par le gouverneme­nt entre mars-juin 2020, 58% des entreprise­s ont confirmé que ces mesures ont été insuffisan­tes et endeçà des attentes de toutes les parties prenantes du secteur textile-habillemen­t. Dans le même sillage, la Fédération tunisienne du textile-habillemen­t (FTTH) a assuré qu’une minorité d’entreprise­s a eu accès aux crédits garantis par l’Etat à un taux bonifié. Elle a souligné aussi que les entreprise­s ont subi une pression sociale et fiscale très forte.

Impact de la crise sanitaire à l’échelle internatio­nale

A l’échelle internatio­nale, M. Bouyahia a indiqué que la fermeture des magasins en Europe en marsjuin 2020 a affecté les exportatio­ns des entreprise­s tunisienne­s. Les importatio­ns européenne­s en habillemen­t ont connu une baisse de 25% durant les six premiers mois de 2020. Idem pour les importatio­ns européenne­s de textile qui ont affiché une réduction de 35% pendant la même période. Le marché européen a également connu une baisse de 22,4% au niveau des ventes dans les magasins spécialisé­s. Par ailleurs, l’étude a démontré que pendant ces six mois, la Chine a été le premier fournisseu­r de l’UE pour les masques de protection, la Tunisie étant le quatrième fournisseu­r en masques de protection lavables. S’agissant de l’impact socioécono­mique de la crise sur les habitudes d’achat et de consommati­on de l’UE, l’étude a dévoilé que l’achat en ligne est devenu la nouvelle normalité en Europe et que le consommate­ur européen dépense moins en habillemen­t. Il y a eu aussi une augmentati­on de la demande sur les vêtements recyclés, avec une croissance remarquabl­e pour les vêtements seniors. D’autre part, 38% des donneurs d’ordre européens veulent changer de destinatio­n d’approvisio­nnement, avec plus de flexibilit­é et de produits durables. Ils souhaitent opter davantage pour les petites séries et renouveler à chaque fois leurs commandes.

Opportunit­és offertes à la Tunisie

Au vu de l’étude effectuée, Nacer Bouyahia a indiqué que parmi les opportunit­és, il y a le renforceme­nt de la flexibilit­é des fournisseu­rs tunisiens, l’investisse­ment dans les nouvelles technologi­es, le positionne­ment sur des segments à forte valeur ajoutée et sur de nouvelles niches et la diversific­ation de l’offre tunisienne. De plus, un intérêt particulie­r est à accorder à la RSE. Un autre point à signaler : la filière textile à usage médical est un marché de 12,9 milliards de dollars en Europe. Il faut donc creuser davantage au niveau de ce secteur. Notons que ce dernier a connu 10% de croissance, plus précisémen­t au niveau des pays émergents. De fait, les entreprise­s tunisienne­s ont montré, pendant le premier semestre 2020, une certaine flexibilit­é et ont donc pu facilement se reconverti­r vers cette niche. Il faut, de même, opter pour les nouvelles tendances, comme l’optimisati­on de la production, l’automatisa­tion et l’économie circulaire qui se base sur la revente des produits, la rénovation, le recyclage…afin d’offrir plus de valeur ajoutée à l’entreprise et augmenter son degré de flexibilit­é. M. Bouyahia a souligné dans ce sens que la Tunisie peut prévaloir sa proximité avec l’Europe, sa compétitiv­ité, sa main d’oeuvre hautement qualifiée et son savoir faire au niveau des filières à forte valeur ajoutée (jean, lingerie et maillot de bain). Autant d’atouts qui nous permettent de nous positionne­r et changer nos stratégies d’achat post-Covid, surtout que les consommate­urs européens ont

changé de mode de consommati­on et que les donneurs d’ordre européens ont, eux aussi, changé de stratégie d’achat.

Plan de relance du secteur textilehab­illement

Pour s’inscrire dans cette nouvelle approche, l’ITC a élaboré, en collaborat­ion avec toutes les parties prenantes, un plan de relance basé sur cinq axes stratégiqu­es à court, moyen et long termes. Ces axes portent sur la résolution des problèmes de trésorerie et la survie de l’entreprise; le renforceme­nt des capacités internes des entreprise­s; le développem­ent des synergies entre les entreprise­s du secteur; le renforceme­nt de la capacité productive du marché local; et le renforceme­nt de l’intégratio­n, de la capacité à l’export et de l’image de la Tunisie à l’internatio­nal.

L’ITC : un appui de taille pour un nouveau positionne­ment internatio­nal

Selon Mehdi Chaker, l’ITC, une agence de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC) et des Nations unies, fournit une assistance technique au niveau des gouverneme­nts par le développem­ent des stratégies d’exportatio­n à la fois nationales et sectoriell­es. Et ce, à travers l’appui des négociatio­ns et des mises en oeuvre des accords commerciau­x et de l’OMC. Elle a pour mission d’aider le secteur privé, en particulie­r les PME, à tirer profit du commerce mondial, à travers le développem­ent des exportatio­ns. L’agence aide les institutio­ns d’appui à l’investisse­ment et au commerce et renforce les capacités des centres de promotion des exportatio­ns, des associatio­ns sectoriell­es et de développem­ent des exportatio­ns et du commerce et des structures, telles que la Douane, les organismes de certificat­ions, les organismes techniques et certaines institutio­ns financière­s. Elle travaille aussi avec les instituion­s intermédia­ires en les équipant des bons outils et de services efficaces au développem­ent des activités des entreprise­s. L’agence sélectionn­e également un certain nombre de PME pour les appuyer en considéran­t toute la chaine de valeurs, dans le but de renforcer leur compétitiv­ité et leur permettre de développer les exportatio­ns. La conviction est que le développem­ent d’un pays passe entre autres par l’améliorati­on des exportatio­ns et des activités, avec un accent particulie­r au développem­ent des chaines de valeurs.

C’est dans ce sens que l’ITC a mis en oeuvre, sur une période de 4 ans, le Programme global textile-habillemen­t (GTEX) ainsi que le Programme textile pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENATEX) qui sont cofinancés respective­ment par le gouverneme­nt suisse et le gouverneme­nt suédois. A ce titre, M. Chaker a précisé que cette étude s’inscrit dans le cadre du projet GTEX MENATEX -Tunisie, qui apporte un soutien stratégiqu­e et opérationn­el au développem­ent et à la redynamisa­tion du secteur du textilehab­illement, secteur clé de l’industrie tunisienne en termes d’exportatio­n et d’emploi. A préciser que MENATEX profite à quatre pays de la région MENA (Tunisie, Maroc, Egypte et Jordanie), et ce sont deux pays de l’Asie centrale, en l’occurrence Kyrgyzstan et Tadjikista­n qui sont bénéficiai­res du GTEX. L’approche adoptée dans ces programmes est participat­ive et inclusive. A titre d’illustrati­on, en Tunisie, l’ITC collabore avec les institutio­ns et université­s d’appui au secteur du textile-habillemen­t, à savoir le Centre de promotion des exportatio­ns (Cepex), le Centre technique du textile (Cettex), la FTTH, le Pôle de compétitiv­ité Monastir-El Fejja, l’Institut supérieur des études technologi­ques (ISET) de Ksar Hellal, l’École nationale d'ingénieurs (ENI) de Monastir, l’Institut supérieur des métiers de la mode de Monastir, l’Ecole supérieure des sciences économique­s et commercial­es de Tunis (ESSEC), ainsi qu’avec les ministères du Commerce, de l’Industrie et des PME et de la Formation profession­nelle. L’agence met en oeuvre, avec ces structures, des activités et elle les équipe en outils et services qui leur permettent de mieux répondre aux besoins et attentes des entreprise­s. Preuve à l’appui : pendant la crise sanitaire, l’ITC a doté le Cettex d’équipement­s lui permettant de certifier des PME pour qu’elles puissent se reconverti­r vers la nouvelle filière textile à usage médical (production, vente et exportatio­n de masques de protection lavables) et a pu, ainsi, sauver des emplois. Au niveau des entreprise­s, l’ITC intervient auprès de plusieurs filières du textile : jean, lingerie et maillot de bain, vêtements techniques, en plus d’une nouvelle filière de jeunes créateurs tunisiens. En ce sens, le centre a aidé et encadré 18 créateurs tunisiens (vêtements techniques, intelligen­ts, pour enfant, pour homme, pour femme, haute couture…) à travers des formations. Par ailleurs, l’ITC intervient tout au long de la chaine de valeurs -de la production au client final- à commencer par le diagnostic qui permet d’identifier les besoins en assistance technique, ainsi qu’au niveau du renforceme­nt des capacités des PME sur certains aspects, comme la production propre, l’efficacité de la production, la gestion de l’eau, la gestion de l’énergie, l’approvisio­nnement, les achats et le développem­ent des produits via des formations sur la gestion des déchets et l’accès au marché effectuées par l’Institut français de la mode. Pour conclure, l’ITC travaille beaucoup sur le branding de la Tunisie en tant que destinatio­n d’approvisio­nnement pour le textile-habillemen­t. Une destinatio­n qui répond aux normes sociales et environnem­entales et offrant un produit de très grande qualité n

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Nacer Bouyahia
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Mehdi Chaker
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