Nouvelles orientations des politiques de développement post Covid-19
Le think tank « Solidar Tunisie » a lancé une plateforme pour les nouvelles orientations des politiques de développement post Covid-19, sous forme de recommandations et de réformes à mettre en oeuvre, en partenariat avec le World Mouvement for Democracy et Solidarity Center.
Pour ce faire, Solidar a présenté une étude intitulée «les nouvelles orientations des politiques de développement, vers un nouveau pacte social», réalisée par l’économiste Zouhair El Kadhi.
Un atelier s’est tenu, récemment à Tunis, en présence des représentants de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) et de l’UTICA (Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat), du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement et du bâtonnier des avocats tunisiens, afin de présenter les principales recommandations issues de cette étude.
À cette occasion, Lobna Jeribi, ancienne ministre chargée des Grands projets et présidente de Solidar Tunisie, a annoncé que l’atelier a porté sur le diagnostic des nouvelles politiques de développement et proposé une plateforme de nouvelles recommandations. Il est, de ce fait, primordial que toutes les politiques menées soient des politiques cohérentes qui permettent de répondre aux urgences, de mettre en place les mécanismes nécessaires et de maintenir le cap de la nouvelle vision. Selon Mme Jeribi, l’étude est structurée autour de trois phases. Une phase diagnostic : il s’agit d’une analyse rétrospective des succès et des échecs des différentes stratégies de développement national depuis les années 60; une phase étude d’impact Covid-19 ; et une phase prospective consacrée au postCovid pour élaborer une vision et identifier de nouvelles orientations de développement ainsi qu’un plan de relance basé sur 3R. « Redresser : consiste à corriger les failles et les dysfonctionnements qui ont débouché sur l’impasse du modèle économique en 2011. Renforcer : signale l’accélération du rythme des réformes majeures annoncées au lendemain de la révolution d’une part, et le rétablissement des équilibres macroéconomiques du pays d’autre part. Reprioriser : exprime la nécessité de remettre les pendules à l’heure, au vu des bouleversements qu’a entrainés la crise du coronavirus.
Et Lobna Jeribi d’ajouter : « Cette initiative souhaite également proposer un nouveau pacte social qui capitalise sur les précédents, mais qui traduit surtout les nouveaux défis que rencontre la Tunisie et qui ont été accentués par la crise Covid-19, qui a mis à nu les faiblesses structurelles de l’économie tunisienne et les vulnérabilités sociales ».
Un plan de relance doit être engagé en urgence
De ce fait, un plan de relance doit, selon ses dires, être engagé en urgence pour sortir l’économie de sa dépression et éviter un affaissement économique déstabilisant au plan social et politique. Ce plan ciblé consiste à appuyer les entreprises et les ménages et privilégie les mesures à impact immédiat sur l’activité.
Une réelle lutte contre les rentes et les lobbies afin de réduire la taille de l’économie informelle est une condition d’appui de ce plan de relance. Le remodelage du cadre de développement en ces 3R doit aussi réconcilier la Tunisie et lui donner un avenir meilleur, dans lequel se concrétiseront les objectifs de la révolution.
En effet, le nouveau cadre de développement post Covid-19 ne vise pas la rupture radicale, mais plutôt une restructuration profonde des options en vigueur et une revue des priorités nationales en fonction des nouvelles mutations à l’oeuvre, et ce, dans un cadre intégré, cohérent et pérenne. Cette conception se matérialise par un modèle d’autonomie, d’inclusion et de durabilité. Dans ce modèle, les nouveaux rôles de l’Etat, des entreprises publiques et surtout du secteur privé doivent être déterminés.
Il est également question de développer les impacts institutionnels de programmation, de coordina
tion, de suivi et d’évaluation de la politique publique. Un plan de réforme crédible et concerté se doit d’être engagé en urgence. Il s’agit des réformes nationales : fiscalité, restructuration des entreprises publiques, subventions, masse salariale, administration, cadre réglementaire du PPP (partenariat publicprivé), transferts sociaux et assistance sociale, incitation à l’offre de travail et libéralisation des ressources publiques pour financer les programmes de réduction de la pauvreté, amélioration du classement de la Tunisie dans la transparence et la lutte contre la corruption… Lobna Jeribi a affirmé également qu’un nouveau contrat sociétal s’impose de toute urgence afin de sortir de la crise actuelle et rattraper le retard.
Nécessité d’une trêve sociale et d’un moratoire fiscal de trois ans
Dans sa présentation de l'étude, Zouhair El Kadhi a souligné que ce plan de relance économique doit prendre le relais des premières mesures de lutte contre les retombées socioéconomiques de la Covid-19, et ce, pour sortir l’économie tunisienne de sa torpeur et renouer avec la croissance et la soutenabilité du développement. Concernant le coût de financement de ce plan, il a estimé qu’il y a besoin d’une approche de financement hétérodoxe via la monétisation de la dette publique, l’emprunt en devises auprès de la diaspora tunisienne, l’impôt de solidarité et le PPP. Il a rappelé que malgré l’existence du plan de développement quinquennal 2016/2020, l’instabilité politique et l’absence de leadership ont empêché la réalisation des réformes et la transition économique. S’ajoute à cela la Covid-19 qui a davantage compliqué l’état de la Tunisie depuis le mois de mars 2020. D’où une décrue brutale de l’activité économique en 2020, jamais observée depuis l’indépendance.Pour appuyer ce plan, M. El Kadhi a recommandé un assouplissement additionnel de la politique monétaire, une trêve sociale de trois ans, un moratoire fiscal de trois ans, une activation des grandes réformes et de la réglementation de change, une réelle lutte contre les rentes et les lobbies, une réduction de la taille de l’économie informelle…
UGTT : Un plan d’accompagnement social des entreprises publiques est nécessaire
Pour sa part, Nizar Ben Salah, représentant de l’UGTT, a souligné que la centrale syndicale a sa vision des priorités stratégiques pour les prochaines années. Il s’agit de la réforme de l’organisation des pouvoirs publics, des entreprises publiques, du système fiscal et de la compensation. En outre, il a indiqué qu’il est judicieux, adéquat et nécessaire de lancer un débat sur la Constitution et particulièrement sur la question de l’organisation des pouvoirs publics. A cet égard, il a rappelé que l’UGTT a appelé en décembre 2020 à un Dialogue national visant à unir les protagonistes politiques pour introduire les réformes politiques, économiques et sociales nécessaires.
Objectif : sortir le pays de la crise et du marasme qui a duré et qui s’est aggravé pendant les dernières années. Revenant sur l’accord-cadre pour la réforme des entreprises publiques qui a été récemment signé entre le gouvernement et l’UGTT, M. Ben Salah a indiqué que cet accord ouvre les négociations sur la réforme des entreprises publiques, en commençant dans un premier jet avec sept établissements.
Objectif : redresser ces entreprises pour qu’elles puissent jouer leur rôle de locomotive économique. En ce sens, le syndicaliste a estimé qu’un plan d’accompagnement social pourrait être nécessaire pour certaines d’entre elles, afin de conserver le caractère public, assainir les finances et sauvegarder les emplois. Et de confirmer que l’UGTT n’est pas contre la réforme des entreprises publiques, mais contre une privatisation débridée et douteuse.Il a, aussi, rappelé que la réforme du système fiscal et de la compensation fait partie de cet accord.
Objectif : aboutir à une fiscalité équitable et transparente et à un mécanisme de compensation protégeant le pouvoir d’achat des classes sociales les plus vulnérables, fragiles et moyennes. Au final, il a recommandé d’impliquer le conseil du Dialogue national dans tous les dossiers à caractère social.
UTICA : Identifier le rôle économique et social de l’Etat
Khalil Ghariani, représentant de l’UTICA, s’est, quant à lui, focalisé sur les difficultés économiques que connaît la Tunisie et qui revêtent davantage un caractère d’instabilité structurelle. Il a fait savoir que l’identification du rôle économique et social de l’Etat doit précéder la construction du nouveau modèle de développement. En outre, il a préconisé la mise en oeuvre des réformes urgentes, à savoir la réforme des finances publiques, de la fiscalité et de l’administration. La représentante du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement, Raja Boulabiar a, de son côté, évoqué la nécessité d’avoir une vision claire et d’identifier les pré-requis, et ce, pour la mise en place des réformes, étant donné les difficultés d’implémentation des projets dont atteste l’administration après la révolution ...
Le nouveau pacte social est tributaire d’une harmonisation de la transition politique, économique et sociale
Brahim Bouderbala, bâtonnier des avocats tunisiens, a indiqué que la réussite du processus d’élaboration d’un nouveau pacte social est tributaire d’une harmonisation de la transition politique, économique et sociale. Dans ce contexte, il a précisé que le régime politique instauré par la Constitution de 2014 a généré une situation où tous les partis veulent gouverner, sans pour autant en assumer les responsabilités. Il s’agit, selon ses propos, d’un système qui ne peut pas susciter la confiance entre citoyens et politiques, ce qui est très grave.
Sur le plan économique, il a recommandé d’améliorer la compétitivité du secteur privé et d’identifier les secteurs stratégiques où l’Etat doit intervenir. Selon lui, la classe politique doit prendre conscience de la gravité de la situation et regagner la confiance des citoyens, tout en privilégiant l’intérêt général de la Nation n