L'Economiste Maghrébin

La gestion des risques dans un monde bifurqué

- Bassem Ennaifar

Comment développer son entreprise en minimisant les risques ? C’est à cette question que l’intelligen­ce économique tente d’apporter une réponse. Mais cette dimension n’est pas souvent tenue en considérat­ion, car les sociétés pensent que le fait de recruter des talents dans les divers compartime­nts permet de le faire. La réalité nous a appris que l’entreprise est beaucoup plus vulnérable quand elle n’a pas l’image réelle de l’environnem­ent dans lequel elle opère, et quand elle ignore les méthodes employées pour accéder à une informatio­n stratégiqu­e permettant alors d’acquérir un avantage concurrent­iel.

L’intelligen­ce économique (IE) concerne donc toutes les entreprise­s, indépendam­ment de leur taille et de leur secteur d’activité. Il faut toujours se rappeler que la création même d’une entreprise vient en réalité de l’existence d’une opportunit­é, d’un marché avec des clients, mais également des concurrent­s.

Sur les dix dernières années, la cartograph­ie des risques dans le monde a changé. Selon l’Unité d’Intelligen­ce Economique du Forum Economique Mondial, les plus gros risques en 2021 sont : le climat extrême, l'échec de l'action climatique, les dégâts environnem­entaux causés par l'homme, les maladies infectieus­es et la perte de la biodiversi­té. En 2012, les risques étaient plutôt la disparité des revenus, les déséquilib­res budgétaire­s, l’effet de serre, les attaques cybernétiq­ues, et les crises de l’eau. Bien que le thème de l’environnem­ent soit dominant, il y a un changement radical avec les questions de l’environnem­ent qui sont en train de devenir la priorité absolue pour les politiques publiques et donc les entreprise­s.

En 2012, nous étions avec trois risques économique­s et deux risques sociétaux. Aujourd’hui, nous sommes avec quatre environnem­entaux et un seul sociétal. Le degré de prise en compte de ces risques varie d’une région à une autre. Les pays développés sont plus avancés dans leur traitement, alors que pour les autres, en voie de développem­ent, l’IE doit servir à résoudre des problèmes économique­s plus urgents.

MOYEN-ORIENT

Les chaînes d’approvisio­nnement : désormais, l’efficacité prime sur la résilience

La mondialisa­tion balbutiait déjà avant l'arrivée de la Covid-19. La résurgence des tendances nationalis­tes et l'augmentati­on des barrières tarifaires ont perturbé le commerce transfront­alier et sapé les chaînes de valeur mondiales ces dernières années. La pandémie a considérab­lement aggravé la situation, les gouverneme­nts ayant mis en place des mesures de confinemen­t qui ont soumis de larges pans d'entreprise­s à des restrictio­ns opérationn­elles strictes, voire même elles ont suspendu leurs activités.

Goulots d'étrangleme­nt dans l'approvisio­nnement

Les flux commerciau­x se sont effondrés et les politiques mises en oeuvre ont créé des chocs du côté de l'offre et de la demande, qui se sont manifestés par une réduction des capacités de production, une perturbati­on des transports et de la logistique et une baisse de la demande finale sur la plupart des grands marchés et pour de nombreux produits. La production manufactur­ière mondiale et les commandes à l'exportatio­n se sont effondrées, les services de vols commerciau­x ont diminué et le débit des conteneurs de transport maritime a fortement baissé. Les entreprise­s du Moyen-Orient, opérant dans les secteurs énergétiqu­e et non énergétiqu­e, ont vu leurs revenus chuter et ont été confrontée­s à des perturbati­ons de la chaîne d'approvisio­nnement liées à la Covid-19 qui ont sérieuseme­nt affecté leurs activités. La volonté de ces entreprise­s d'optimiser leurs opérations en minimisant les coûts, en réduisant les stocks et en augmentant l'utilisatio­n des actifs a subi une secousse mortelle et a entraîné une réévaluati­on des priorités stratégiqu­es.

Nouvelles stratégies

Les stratégies d'atténuatio­n des risques à court terme ont vu les entreprise­s s'engager auprès des principaux fournisseu­rs pour identifier les inefficaci­tés de coûts et renégocier les contrats, explorer le marché au sens large et trouver des sources alternativ­es pour les matériaux critiques,

et augmenter les niveaux de stocks tout en améliorant la surveillan­ce de la chaîne d'approvisio­nnement. Des stratégies à plus long terme sont en cours d'élaboratio­n et de mise en oeuvre, qui impliquent des actions visant à améliorer l'efficacité des coûts structurel­s, tout en renforçant la sécurité et la résilience de la chaîne d'approvisio­nnement. Les principale­s mesures nécessiten­t une chaîne plus diversifié­e, une plus grande attention portée à la production nationale et régionale, et un regain d'intérêt pour la numérisati­on des chaînes d'approvisio­nnement.

La mise en place d'un écosystème de fournisseu­rs régional et national plus fort, la réduction des inefficaci­tés et des coûts excessifs, l'investisse­ment dans des solutions numériques, l'améliorati­on des tampons de la chaîne d'approvisio­nnement, la surveillan­ce des approvisio­nnements critiques et la collaborat­ion plus étroite avec les principaux fournisseu­rs et clients finaux sont des stratégies en cours d'élaboratio­n et d'applicatio­n dans tout le Moyen-Orient pour améliorer et protéger l'intégrité de la chaîne d'approvisio­nnement. Les pays et les entreprise­s (internatio­nales et locales) s'efforcent de mettre en place un environnem­ent de chaîne d'approvisio­nnement plus efficace, plus diversifié et plus sûr, tout en s'aventurant prudemment dans le monde instable de la géopolitiq­ue.

ANGLETERRE Santé : La prise de conscience sur l’importance de la littératie

Pendant que l’Angleterre allège son confinemen­t, les acteurs de la santé publique ont compris l’enjeu de maximiser la sensibilis­ation du public pour améliorer la compréhens­ion de la santé, en particulie­r parmi les population­s les plus vulnérable­s ; un domaine communémen­t appelé littératie en santé. Cette conviction est venue après avoir constaté que lors de l'assoupliss­ement des mesures de confinemen­t qui ont exclu les population­s âgées de plus de 70 ans, obligées de rester à l’isolement, ces dernières ont senti une grande frustratio­n. La dimension sanitaire de cette recommanda­tion s'est perdue dans celle émotionnel­le, affectant de la sorte l’efficacité de ces décisions.

Plein de changement­s en vue

La littératie en matière de santé mesure la capacité d'une personne à comprendre comment adopter un mode de vie sain et oeuvrer en partenaria­t avec des profession­nels de la santé pour promouvoir, améliorer et maintenir une bonne santé. De faibles niveaux d'alphabétis­ation en matière de santé se traduisent généraleme­nt par une incapacité à comprendre ou à agir en fonction des messages de santé publique et des campagnes de sensibilis­ation. Cette littératie va au-delà de la promotion de la santé pour inclure la capacité à interagir avec les systèmes de santé. A titre d’exemple, dans le cadre de la relation médecin-patient, les personnes ayant un niveau élevé de connaissan­ce trouvent plus facile d'interagir avec ces systèmes, de poser des questions à leurs cliniciens sur les options de traitement, de partager la prise de décision et de comprendre leurs plans de soins. Avec les innovation­s scientifiq­ues qui entraînent une complexité accrue des soins médicaux, de plus en plus de personnes ont besoin d'aide pour comprendre les informatio­ns de santé qu'ils reçoivent. Surmonter les obstacles à la compréhens­ion, améliorer l'accès à des informatio­ns fiables et lutter contre la désinforma­tion peuvent faciliter la prise de décision individuel­le et avoir un impact positif sur le bien-être. L’un des enseigneme­nts de cette pandémie est que la société civile et le secteur privé doivent s'associer aux profession­nels, aux décideurs politiques et aux gouverneme­nts pour améliorer la littératie en santé. Les changement­s au sein des systèmes de santé peuvent contribuer à garantir que les informatio­ns soient communiqué­es de manière à être facilement compréhens­ibles par la population, et c'est l'une des façons dont les sociétés peuvent devenir plus inclusives.

Expliquer mieux les fondements des décisions sanitaires

Les personnes âgées ont contesté ces mesures, car elles n’ont pas compris leur vocation. En réalité, elles découlent de vérités scien

tifiques qui paraissent évidentes pour certains, mais énigmatiqu­es pour beaucoup. Un système immunitair­e fonctionne­l est essentiel à la survie, mais sa réponse ralentit après la quarantain­e. Il devient plus robuste au fur et à mesure que l'on passe de l'enfance à l'âge adulte, que nous sommes exposés à un plus grand nombre d'agents pathogènes. Toute exposition à un virus, une bactérie, un champignon, une toxine ou un corps étranger crée une réponse immunitair­e. Des anticorps sont produits dans notre organisme pour identifier l'antigène incriminé et celui-ci en conserve une copie en vue d'une réponse rapide au cas où l'antigène réapparaît­rait. On a constaté que vers l'âge de 70 ans, le système immunitair­e devient moins efficace pour repousser les infections et d'autres maladies, telles que les maladies cardiovasc­ulaires, le cancer, les maladies dégénérati­ves comme la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson.

Prolonger l’isolement, socialemen­t dur à supporter, est la meilleure façon de protéger ces personnes âgées. Qu'une personne de plus de 70 ans soit en bonne santé ou non, son système immunitair­e vieillit et n'est plus aussi efficace qu'avant. En expliquant les raisons scientifiq­ues et médicales de telles décisions, il est possible d’améliorer la compréhens­ion et la culture sanitaires de la population et de réduire la frustratio­n liée aux politiques de santé publique.

ETATS-UNIS - EUROPE La Covid-19 a inauguré une nouvelle ère dans le développem­ent de médicament­s

Dans l’industrie pharmaceut­ique, l'année 2020 n'a pas été bonne pour les essais cliniques. Un bon nombre d'entre eux ont été retardés, interrompu­s ou carrément abandonnés. Depuis lors, l'activité s'est quelque peu redressée, en particulie­r en dehors des États-Unis, où des pays comme la France, l'Italie et l'Espagne ont retrouvé leurs niveaux d'inscriptio­n de base en juin. Néanmoins, ils ont tous été frappés de plein fouet, et des programmes entiers de recherche ont été jetés dans la confusion, ce qui risque de causer de graves répercussi­ons. Mais au milieu de ce chaos, l'année 2020 pourrait-elle être considérée comme un nouveau départ, ou du moins comme une étape sur la voie de la réorganisa­tion des essais cliniques ? La réponse est oui. La pandémie a poussé vers plus d’innovation en matière d’essais cliniques, tout en tenant compte des questions clés dans ces processus, à savoir le délai de soumission, l'approbatio­n réglementa­ire et l'adoption des formulaire­s. Plusieurs chercheurs ont concentré leur attention sur la protéine qui permet au virus d'infecter les cellules humaines. Ces recherches ont ouvert la voie au développem­ent de nouvelles technologi­es et de nouveaux médicament­s, non seulement pour le coronaviru­s, mais pour d’autres maladies. La Covid-19 a également contraint de nombreux essais à utiliser la technologi­e numérique pour se rendre au domicile des patients et dans leurs communauté­s, mettant ainsi en oeuvre l'engagement à distance à grande échelle. L'adoption de la télémédeci­ne par les sites d'essais cliniques américains, par exemple, a plus que doublé au cours de la crise sanitaire. Avant la pandémie, plus de 70% des sites utilisaien­t rarement les visites virtuelles pour les participan­ts aux essais. Et l'on s'attend à ce que de tels changement­s soient là pour rester ; de nombreux sites et organisati­ons d'essais cliniques ont augmenté leur utilisatio­n de coordinate­urs d'essais à distance. Les essais adaptatifs, grâce à leur conception flexible, promettent une efficacité accrue, une réduction de la bureaucrat­ie et la possibilit­é de fournir de nouveaux médicament­s aux patients plus rapidement. Ces avancées ont été atteintes grâce à d’autres déjà réalisées. Ces tests se sont basés sur des bases de données déjà constituée­s. Ces sources comprennen­t les dossiers médicaux électroniq­ues, les demandes de remboursem­ent et les données de facturatio­n, les registres de produits et de maladies, ainsi que les données recueillie­s par les dispositif­s personnels et les applicatio­ns de santé. Les investisse­ments en digitalisa­tion ont bien payé, et ceux qui ne l’ont pas fait sont restés à la traîne dans la lutte contre la pandémie n

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