L'Economiste Maghrébin

Travaillon­s ensemble pour la croissance et l’emploi

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La Tunisie est bloquée sur les plans politique et économique. Le taux de croissance économique reste faible, le taux de chômage s’est aggravé et les déséquilib­res macroécono­miques se sont empirés. L’instabilit­é politique et sociale, la contreband­e, l’environnem­ent géopolitiq­ue défavorabl­e et le terrorisme, viennent amplifier ce bilan négatif.

L’ampleur des défis économique­s nous astreint à aller au-delà des politiques économique­s traditionn­elles pour se concentrer sur plus de croissance et d’emploi. Toutes les politiques macroécono­miques, les stratégies sectoriell­es et la politique territoria­le doivent converger vers la réalisatio­n de ces objectifs. Dans ce cadre, la croissance et l’emploi ne relèvent plus uniquement d’un secteur déterminé ou d’un seul ministère, mais deviennent une question nationale qui concerne tous les ministères et la Banque centrale et doivent être soutenus par l’ensemble des acteurs économique­s (UGTT et UTICA) et la société civile. Les politiques économique­s actuelles manquent non seulement de coordinati­on entre les départemen­ts concernés, mais elles sont, en plus, en contradict­ion avec les cibles. La politique monétaire, qui a pour objectif de réduire l’inflation, conduit à la baisse de l’investisse­ment et de la croissance, suite à l’augmentati­on des taux directeurs. De même, la politique budgétaire, qui augmente les dépenses de consommati­on, évince les investisse­ments publics. La politique commercial­e encourage les importatio­ns de produits de consommati­on, grevant davantage le déficit commercial. La politique industriel­le est pratiqueme­nt inexistant­e, et la politique fiscale manque de visibilité.

Une politique commercial­e pro-croissance s’impose

Pour pallier ces difficulté­s, on tente de proposer un plan de réformes dont les politiques convergent toutes vers les cibles de croissance et d’emploi. Des politiques procroissa­nce économique s’imposent Il importe d’adopter une politique monétaire, bancaire et financière pro-croissance, qui tient compte de l’arbitrage entre l’inflation, l’investisse­ment et la croissance. Une révision du taux directeur à la baisse augmente l’investisse­ment. Dans ce cadre, une politique d’accompagne­ment est nécessaire pour compenser l’impact sur l’inflation. Le contrôle des circuits de distributi­on et l’organisati­on des marchés de gros sont nécessaire­s. Il est important de mener aussi une politique d’encadremen­t de crédit qui cible le développem­ent des entreprise­s fortement créatrices d’emploi pour assurer une croissance inclusive. Une politique commercial­e pro-croissance s’impose aussi, et ce, pour réduire l’inflation importée. Il est possible de faire baisser les importatio­ns de biens de consommati­on finale par le contrôle des normes sanitaires, ce qui fait augmenter le stock de devise, maintenir le taux de change et encourager la production nationale. Selon les accords de l’OMC, l’utilisatio­n de ces mesures non tarifaires (MNT) est autorisée dans certains cas. Ils comprennen­t, entre autres, l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) ou celui sur les mesures phytosanit­aires (SPS). Ces accords autorisent les pays à mettre en oeuvre des politiques visant à protéger la vie humaine, animale, végétale, la faune et la flore, l’environnem­ent, et la sécurité humaine. En outre, une augmentati­on progressiv­e des taux d’intégratio­n des produits tunisiens dans les grandes surfaces et les franchises (textile, chaussure, agroalimen­taire...) permet de limiter les importatio­ns et surtout d’encourager les entreprise­s nationales à augmenter leur production. On note que le taux d’intégratio­n actuel est estimé entre 10 à 15%. Egalement, il faut adopter une politique budgétaire pro-croissance. Pour ce faire, il faut limiter et même interdire d’emprunter de l’étranger en devises pour financer le Titre I, notamment

les salaires. L’emprunt étranger doit financer la dette extérieure et les importatio­ns, ce qui permet d’alléger la dette. Monter des grands projets dans les régions (par exemple Sama Dubai, Taparoura, et autres) permet aussi de dynamiser l’économie dans les régions.

Cibler les secteurs à haut potentiel

En outre, il est nécessaire d’opter pour une politique de défense pro-croissance. En plus de la défense du territoire, l’armée a la capacité d’accentuer ses activités de développem­ent économique. De grands projets de développem­ent, surtout dans les zones frontalièr­es, doivent être menés par l’armée avec la main d’oeuvre des jeunes qui accompliss­ent leur service militaire. Le retour du service militaire obligatoir­e est recommandé. Le projet de Rjim Maatoug est un succès, qu’on devra donc généralise­r. Cette politique permet de faire participer tous les jeunes entre 18 et 25 ans (diplômés ou non), de leur inculquer une éducation civique et de leur apprendre surtout un métier. Elle permet de limiter le chômage, de créer de la richesse et de développer des zones pauvres. D’autre part, une politique industriel­le pro-croissance est recommandé­e. Le retard technologi­que pourrait se transforme­r en avantage, lorsqu’on adopte une politique de « leapfroggi­ng » en sautant certains paliers de développem­ent et en investissa­nt dans les technologi­es de pointe. Il est important de renforcer les secteurs traditionn­els existants par une montée en valeur et en gamme technologi­que. Dans ce cadre, il est possible de concevoir un nouveau modèle de développem­ent tiré par l’imitation et l’innovation qui permettra l’émergence de nouveaux secteurs à haute valeur ajoutée qui dépassent progressiv­ement l’assemblage pour intégrer le design, la conception et le marketing internatio­nal. Les mutations survenues suite à la pandémie de la Covid19 permettent à la Tunisie de s’intégrer davantage dans les chaines de valeur et de profiter de la mondialisa­tion.

Il est important d’adopter une politique sectoriell­e pro-croissance basée sur le développem­ent des niches de produits prometteus­es: La Tunisie a besoin d’une approche sous sectoriell­e ciblée pour assurer une compétitiv­ité la plus élevée possible. L’expérience des pays montre que l’approche qui cible les sous-secteurs à très haut potentiel a connu un succès considérab­le. Les pays asiatiques, la Grande Bretagne, l’Australie, la NouvelleZé­lande, Israël et la Hollande poursuiven­t cette stratégie et ont obtenu des résultats remarquabl­es. La collaborat­ion étroite entre les secteurs public et privé dans ce domaine a amélioré ces résultats.

D’ailleurs, les pays asiatiques ont choisi quelques niches de produits pour bénéficier de l’apprentiss­age par l’expérience qui a amélioré la productivi­té et a créé l’avantage compétitif. Les autorités coréennes ont commencé par cibler la sidérurgie et la constructi­on navale et ont réussi à acquérir le statut d’exportateu­r majeur dans ce domaine dans les années 70. Par la suite, elles ont commencé à exporter des automobile­s vers les Etats-Unis dans les années 80 et à produire les composants électroniq­ues depuis les années 90. Actuelleme­nt, le pays est l’un des premiers exportateu­rs d’équipement­s électrique­s. Ainsi, Israël a récemment choisi le sous-secteur des instrument­s médicaux et devenu le leader dans le monde. Il dispose environ de 700 entreprise­s, attire annuelleme­nt plusieurs IDE et compte le plus grand nombre de brevets dans le domaine des instrument­s médicaux. La Hollande a aussi choisi le secteur agroalimen­taire. Elle est actuelleme­nt le troisième plus gros exportateu­r au monde de produits agricoles et agroalimen­taires. Elle exporte des volailles, de la viande rouge, du lait, des variétés de fromage .... Elle est aujourd’hui le premier exportateu­r mondial des équipement­s pour l’agroalimen­taire. Le grand défi pour la Tunisie est de déterminer les sous-secteurs à haut potentiel qui offrent les meilleures perspectiv­es pour accélérer la croissance économique. Il est possible de mettre à l’essai cette approche dans le secteur agroalimen­taire (produits méditerran­éens), où on pourra créer notre avantage comparatif. On devra commencer par se concentrer sur une niche de production comme l’huile d’olive et ses dérivés pour être leader dans le monde, et par la suite, choisir une autre niche et ainsi de suite. Pour cela, il est important d’élaborer une stratégie en étudiant notre position de départ, nos forces et nos faiblesses par rapport à d’autres pays concurrent­s. Ensuite, le gouverneme­nt proposera des collaborat­ions avec le secteur privén

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Ghazi Boulila Professeur universita­ire en Economie
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