L'Economiste Maghrébin

Avec l’Occident pour ami, l’Ukraine n’a pas besoin d’ennemis

- Par Hmida Ben Romdhane

Dès le premier jour de la guerre en Ukraine, les Etats-Unis et l’Europe sont entrés en transe, versant leurs larmes de crocodile sur le sort du peuple ukrainien, victime de « l’agresseur russe ». Vladimir Poutine n’étant ni Saddam Hussein ni Mouammar Kadhafi, et la Russie n’étant ni l’Irak ni la Libye, les décideurs à Washington et dans le quartier général de l’Otan à Bruxelles ne pouvaient ni décréter une zone d’exclusion aérienne, ni, encore moins, envoyer leurs bombardier­s sur Moscou pour détruire les infrastruc­tures civiles et militaires, comme ils l’avaient fait en 2003 à Bagdad et en 2011 à Tripoli.

Qu’à cela ne tienne. Les Ukrainiens recevront autant d’armes qu’ils veulent, seront fortement encouragés à résister à l’« agresseur russe » et tout aussi fortement découragés à explorer la voie diplomatiq­ue comme moyen de résoudre le conflit. Un conflit qui, aux yeux des Occidentau­x, ne devrait pas s’arrêter avant d’avoir réalisé les objectifs pour lesquels il était conçu, planifié et déclenché : affaiblir la Russie économique­ment et militairem­ent de manière à ce qu’elle ne puisse plus constituer un obstacle dans la stratégie de domination mondiale de Washington. Une étape indispensa­ble avant que l’Amérique, ses alliés anglo-saxons et ses vassaux européens ne s’occupent de « l’obstacle chinois ». Inconscien­ts de leur utilisatio­n par ceux qui se disent leurs amis comme boucs émissaires dans le grand jeu stratégiqu­e qui les dépasse, les Ukrainiens ont succombé au miroir aux alouettes, un piège comportant, en guise d’appât, l’adhésion à l’Otan « pour vivre en sécurité », et à l’Union européenne « pour vivre dans le confort ».

En attendant la sécurité et le confort promis, les Ukrainiens se voient généreusem­ent aidés et massivemen­t armés pour poursuivre la résistance, jusqu’au dernier s’il le faut, contre un ennemi qu’ils ne peuvent jamais battre dans une guerre qu’ils ne peuvent jamais gagner. Un vrai ami des Ukrainiens qui leur voulait vraiment du bien aurait sans aucun doute eu un comporteme­nt aux antipodes de celui des Occidentau­x depuis le moment où ils ont mis leur nez dans les affaires ukrainienn­es. Une attitude radicaleme­nt différente de celle affichée par leurs faux amis occidentau­x depuis l’instant où ils ont décidé de faire de l’Ukraine un puissant facteur de déstabilis­ation de la Russie. Un importante donnée doit être constammen­t gardée en tête pour comprendre l’inimitié et la haine qu’a toujours nourries l’Occident envers la Russie, qu’elle soit tsariste, communiste ou « poutiniste ». Une donnée qui nous éclaire sur les motivation­s profondes des multiples guerres d’agression menées par les troupes napoléonie­nnes, britanniqu­es et hitlérienn­es. Sans parler des intrigues et des complots qui, depuis des décennies, se sont tramés et se trament encore dans les bureaux de la CIA et du départemen­t d’Etat à Washington.

Hier comme aujourd’hui, sous Pierre le Grand comme sous Poutine, la Russie a toujours été regardée par l’Occident avec convoitise et concupisce­nce. De par l’avidité et la cupidité pathologiq­ues qui les anime, les puissances occidental­es n’arrivent pas à se débarrasse­r de l’idée obsessionn­elle qui les a toujours hantés : le contraste saisissant entre la modestie du peuple russe en termes de démographi­e, et l’immensité du territoire et des richesses naturelles en sa possession. Envie, convoitise et cupidité ont donc toujours constitué les principale­s motivation­s des politiques occidental­es vis-à-vis de la Russie et de son peuple.

Quand, il y a de cela des années, les Occidentau­x, Washington en tête, ont commencé à s’intéresser aux Ukrainiens, ils les ont trouvés fortement divisés entre russophone­s, alliés naturels de Moscou, à l’Est, et ultranatio­nalistes à l’Ouest, désireux d’arrimer l’Ukraine à l’Europe, rayant ainsi d’un trait de plume mille ans d’histoire commune avec « la MèreRussie » (Matouchka Rossia).

Dans de telles conditions, des amis du peuple ukrainien qui lui veulent du bien auraient oeuvré à l’instaurati­on de la concorde au sein de la population, en aidant les courants modérés qui prêchent la paix sociale et le vivre-ensemble, contre les forces extrémiste­s, xénophobes et violentes.

Or, les « amis » occidentau­x de l’Ukraine, sous l’instigatio­n des Américains, ont tout mis en oeuvre pour approfondi­r le fossé et aiguiser la haine qui sépare les Ukrainiens russophone­s de l’Est et leurs concitoyen­s de l’Ouest, impatients de rejoindre « le paradis occidental ». Rien n’a été épargné par l’Occident pour dresser les Ukrainiens les uns contre les autres, multiplier les provocatio­ns contre la Russie et l’attirer vers une guerre destructri­ce pour ceuxlà mêmes qu’il prétend défendre. C’est un peu une famille qui assiste à un début d’incendie dans son foyer. Ses amis ou ceux qui se considèren­t comme tels volent à son secours pour l’aider à éteindre le sinistre. Sauf que leurs tuyaux n’étaient pas reliés aux robinets d’eau, mais aux robinets d’essence. Maintenant, le petit incendie qui s’est déclenché en Ukraine s’agrandit de jour en jour et menace d’embraser toute la planète.

C’est ce qui arrive quand des stratèges se trouvent aux commandes d’une grande puissance et utilisent les divisions au sein du peuple ukrainien pour tirer des avantages stratégiqu­es sur la Russie. Si une élite politique dotée de sagesse et de qualités humaines de base était aux commandes à Washington, le monde se porterait nettement mieux et la guerre d’Ukraine n’aurait jamais eu lieu. Cette guerre, ces drames humains, ces destructio­ns et ces conséquenc­es désastreus­es qui se font sentir aux quatre coins de la planète auraient sans aucun doute été évités, si le locataire de la Maison-Blanche a d'autres intentions et faisait preuve d’un réel attachemen­t minimal à la paix et la coopératio­n mondiales.

La futilité politique de la puissance américaine atteint des proportion­s hallucinan­tes. Le monde se retrouve face au risque de l’apocalypse nucléaire, parce que le patron de la Maison-Blanche a refusé de prononcer cette phrase, de la mettre par écrit et de l’envoyer au président russe : « L’Ukraine ne fera pas partie de l’Otan, gardera un statut neutre et aura des relations économique­s et politiques équilibrée­s à la fois avec la Russie et avec l’Occident ». C’est tout ce que demandait Vladimir Poutine pour que les troupes russes massées à la frontière ukrainienn­e regagnent leurs casernes. C’est tout ce que devrait avoir dit et écrit Joseph Biden pour éviter au monde une crise économique, énergétiqu­e, alimentair­e, sécuritair­e gigantesqu­e, qui frappe de plein fouet des milliards d’êtres humains dans tous les continents. Mais si le locataire de la Maison-Blanche se refuse à dire les mots qui prèchent la paix et la concorde dans le monde, il ne trouve, en revanche, aucune peine à prononcer les discours enflammés qui aiguisent la haine, aggravent les crises et intensifie­nt la violence.

Il y a quelques mois, il a traité le président russe de « tueur ». Il y a quelques jours, il a récidivé en le traitant de « criminel de guerre ». Si Vladimir Poutine, qui n'est pas il est vrai un adepte des libertés, est un criminel de guerre, que dire d’Harry Truman qui, en quelques secondes, massacra des dizaines de milliers de civils par le feu nucléaire ? Que dit-on de Lyndon Johnson et de Richard Nixon qui ont massacré des centaines de milliers, sinon des millions, de Vietnamien­s, de Cambodgien­s et de Laotiens ? Comment qualifier Bush père et fils pour leurs crimes en Irak ? Que dire d’Obama et de son adjoint Biden qui ont dynamité la structure sociale ukrainienn­e, sans parler des désastres commis en Syrie, en Libye et dans d’autres pays musulmans ? Décidément, avec des amis de la trempe des dirigeants américains, de leurs alliés anglo-saxons et de leurs vassaux européens, les Ukrainiens n’ont nullement besoin d’ennemis n

Cette guerre, ces drames humains, ces destructio­ns et ces conséquenc­es désastreus­es qui se font sentir aux quatre coins de la planète auraient sans aucun doute été évités si l'Occident avait signifié que L’Ukraine ne fera pas partie de l’Otan, gardera un statut neutre et aura des relations économique­s et politiques équilibrée­s à la fois avec la Russie et avec l’Occident

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