L'Economiste Maghrébin

UNE ENTORSE À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQU­E

- Par Moez Labidi

Nous devons faire attention à ce que la lutte contre le dérèglemen­t climatique ne soit pas une nouvelle victime de la guerre menée par la Russie », alerte Fatih Birol, directeur général de l’Agence internatio­nale de l’énergie (AIE). La guerre en Ukraine risque-t-elle de porter un coup fatal à la marche vers la neutralité carbone d’ici 2050, s’interroge Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.

Rappelons que, théoriquem­ent, la flambée des prix de l’énergie alimente l’attractivi­té pour les énergies propres. Mais à court terme, la situation gagne en complexité.

Premièreme­nt, le coup d’arrêt des importatio­ns de gaz et de pétrole russe a forcé plusieurs pays, essentiell­ement producteur­s, à relancer la production d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole). La Russie est le deuxième grand producteur mondial de gaz (17% de la production mondiale en 2020) après les Etats-Unis, et le troisième grand producteur mondial de pétrole (12% de la production mondiale en 2020) après les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. Deuxièmeme­nt, la montée des prix de l’énergie nourrit la résistance à l’inscriptio­n dans la transition énergétiqu­e. Le coût de la transition vers une économie bas carbone n’est plus justifié dans un contexte où les ménages et les entreprise­s ont du mal à payer leurs factures d’énergie.

Troisièmem­ent, le conflit ukrainien a déstabilis­é le marché des commoditie­s. D’une part, ce conflit a provoqué la chute des matières premières utilisées dans l’industrie du renouvelab­le. Et d’autre part, la flambée des prix de ces métaux, qui en résulte, a affecté la rentabilit­é des investisse­ments dans la transition énergétiqu­e (le nickel dont la Russie détient 7% de la production mondiale a augmenté de 250%). Quatrièmem­ent, la dérive inflationn­iste, observée à l’échelle planétaire, finira par amener les banques centrales à durcir leurs politiques monétaires en augmentant leurs taux directeurs. La transmissi­on de cette hausse au taux d’intérêt de long terme sera pénalisant­e pour le financemen­t des investisse­ments dans l’industrie du renouvelab­le.

Au total, ce sont les retardatai­res de la transition énergétiqu­e qui encaissero­nt de plein fouet les dommages collatérau­x de la guerre en Ukraine et du changement climatique. « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge », nous alertait Winston Churchill n

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