Tout le monde attend la naissance de l’enfant
L’humanité est aujourd’hui à un tournant de son histoire. L’écrasante majorité des habitants d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique et du Moyen-Orient sont fatigués, épuisés, esquintés et éreintés par l’ampleur des malheurs, des injustices et des ravages occasionnés par le système unipolaire que dominent les Etats-Unis d’Amérique et leurs vassaux européens depuis un tiers de siècle, et plus précisément depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991.
Depuis cette date, l’Amérique s’est autoproclamée non seulement comme l’unique superpuissance du monde, mais comme « la force du bien » qui combat « les forces du mal », c’est-àdire tous ceux, pays, institutions et personnes morales et physiques, qui rechignent à appliquer les ordres venus de Washington ou contestent l’ordre unipolaire.
Les terrifiants attentats du 11 septembre 2001 se sont avérés une aubaine pour un groupe de politiciens illuminés, les néo¬conseravateurs, qui ont réussi à s’emparer du pouvoir de décision à Washington, écartant de l’Establishment tous ceux qui ne partagent pas leurs vues. Ils ont réussi également à injecter dans la politique étrangère américaine une dose d’agressivité faramineuse, plaçant la plus puissante armée du monde sur la voie d’un aventurisme militaire dévastateur.
Le résultat est connu : plusieurs pays détruits, des millions de morts et de blessés, des dizaines de millions de réfugiés, une déferlante terroriste sans précédent. Et la dizaine de trillions de dollars dépensés n’ont servi qu’à enrichir encore plus les marchands de la mort et semer la misère, la destruction et l’insécurité dans le monde. L’humanité est aujourd’hui à un tournant de son histoire. La guerre d’Ukraine est enceinte d’un monde nouveau. La violence qui mine ce pays et son peuple, le marasme économique, les pénuries et le désordre financier qui empoisonnent la vie de milliards d’êtres humains s’apparentent aux douleurs de l’accouchement. Tout le monde attend l’enfant à naitre.
S’il nait en bonne santé, nous aurons un nouvel ordre mondial multipolaire, où des équilibres entre les grandes puissances se mettront forcément en place. Où la propension à la coopération se substituera à la propension à la domination. Où l’entraide et l’assistance se substitueront à l’avidité et à l’arrogance. Où l’énergie créatrice se substituera à l’énergie destructrice.
Si, par malheur, il est mort-né, le monde entrera dans une nouvelle phase de désordre, de déstabilisation et d’insécurité. En effet, la guerre d’Ukraine est un bras de fer sanglant, par Ukrainiens interposés, entre ceux qui veulent que cette grossesse aboutisse à la naissance d’un enfant en bonne santé qui donnerait un nouveau départ et un nouvel espoir à l’humanité, et ceux qui veulent provoquer un avortement pour maintenir les choses en l’état et perpétuer le pillage et le carnage, la déprédation et la dévastation qu’imposent au monde les va-t-en guerre qui tiennent le haut du pavé à Washington, avec l’aide de leurs alliés européens.
Il y a quelques points lumineux à l’horizon qui nourrissent l’espoir que les choses ne seront pas maintenues en l’état. Il y a des signes qui nous indiquent que les douleurs d’accouchement que vit le monde actuellement ne seront pas de même nature que les « birth pangs of a New Middle East » (les douleurs d’accouchement d’un nouveau Moyen-Orient) que nous annonçait, il y a 20 ans, la Condoleezza Rice et qui ont abouti aux ravages que l’on sait. Cette fois, il y a des indices qui nous font espérer que les « birth pangs » en cours n’aboutiront pas à l’anarchie destructrice, mais à un nouvel ordre constructeur.
Rappelons quelques-uns de ces indices. Quand le président américain Joseph Biden appelle au téléphone les dirigeants d’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis et se fait ignorer, c’est un signal clair que le monde est en train de changer.
Quand le chef du Pentagone, le général Lloyd Austin en personne, appelle l’Arabie Saoudite pour demander un rendezvous avec Mohammed Ben Salmane et se voit répondre que le calendrier du Prince héritier ne lui permet pas de le recevoir, c’est un signal clair aussi que le bâton de l’oncle Sam ne fait plus peur. Quand Biden envoie son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, à Pékin pour dire aux dirigeants chinois que « les Etats-Unis ne permettront à aucun pays, où que ce soit dans le monde, de tendre la main à la Russie pour la sortir des sanctions économiques », et qu’il se fait répondre que « les Etats-Unis doivent s’occuper de leurs propres affaires », c’est la preuve qu’un contre-pouvoir de plus en plus puissant se dresse déjà face l’arrogance dominatrice de Washington. Quand, le 15 mars dernier, l’Arabie Saoudite annonce qu’elle envisage d’accepter de vendre son pétrole à la Chine en Yuan, et que la Russie, deuxième exportateur mondial de pétrole fait de même, c’est un coup de massue déstabilisateur pour l’économie américaine et pour son principal pilier, le dollar. A ce rythme, le pétro-yuan ne tardera pas à supplanter le pétro-dollar.
Si ces signes sont encourageants pour les Etats et les peuples qui appellent de leurs voeux l’émergence d’un monde multipolaire débarrassé du diktat amé
ricain, ils sont désespérants pour ceux qui tiennent les rênes du pouvoir à Washington. Ceux-ci s’accrochent à la guerre d’Ukraine comme à une bouée de sauvetage. Pour eux, elle est l’unique chance de voir le pouvoir de Vladimir Poutine s’affaiblir comme ils le désirent. L’unique opportunité de pouvoir, espèrent-ils, est de réaliser ce qu’ils souhaitent vivement : une économie russe détruite, avant de « s’occuper de la Chine ».
Les choses n’ont pas l’air d’aller comme le souhaitent Biden, ses collaborateurs et ses alliés européens désormais alignés, puisque l’effet boomerang des sanctions est en train d’affecter gravement les économies occidentales des deux côtés de l’Atlantique et de pousser les manifestants dans la rue. Pour eux donc, et en dépit des effets dévastateurs sur leurs économies, il est hors de question que la guerre s’arrête et que Poutine et la Russie en sortent victorieux. Tout est donc mis en oeuvre pour perpétuer cette guerre avec son cortège de malheurs humains : sanctions à outrance, un président instrumentalisé qui ne prend aucune décision sans en référer avant à Washington et à Londres, armement massif de l’armée ukrainienne et des milices nationalistes pronazies violemment antirusses, campagnes de diabolisation du président Poutine et de la Russie par des médias aux ordres, mensonges, désinformation, déformation des faits, manipulation des images, etc. Côté société civile occidentale des deux côtés de l’Atlantique, l’hystérie n’est pas moindre : les étagères des supermarchés sont débarrassées de la vodka et de tout produit qui s’apparente de près ou de loin à la Russie ; l'orchestre philharmonique de Munich licencie son chef d'orchestre russe parce qu'il refuse de condamner Poutine ; Anna Netrebko, la célèbre soprano russe, ne sera plus invitée à se produire au Metropolitan Opera de New York pour la même raison ; l’équipe nationale russe de football écartée de la participation à la coupe du monde par décision administrative de la Fifa ; les responsables du tournoi de Wimbledon s’apprêtent à interdire la participation de tout joueur ou joueuse de tennis russe qui refuse de condamner publiquement son président ; et le sommet de la futilité est atteint par les organisateurs des jeux paralympiques, qui ont rayé de la liste des participants les handicapés russes. Sans parler du délire du locataire de la Maison-Blanche qui, après avoir accusé son homologue russe d’être un « tueur » et un « boucher », le traite de « criminel de guerre ». Et là, on reste pantois, sans voix. Vladimir Poutine est accusé d’être un « criminel de guerre » par quelqu’un qui, en tant que sénateur de 1973 à 2008, puis en tant que vice-président de 2009 à 2016, a donné son accord et sa bénédiction à toutes les guerres d’agression menées par son pays pendant les 50 dernières années et dont le nombre de morts se compte en millions et celui des déplacés, des déracinés et des réfugiés en dizaines de millions. Il est vrai que l’Establishment américain et ses vassaux européens sont dans un état d’hystérie qu’ils ont du mal à contrôler. C’est que l’enjeu est immense et le risque de perdre la domination économique, politique et militaire de la planète est grand. Pourvu que l’enfant attendu par les milliards d’Asiatiques, de Latino-Américains, d’Africains et de Moyen-Orientaux naisse en bonne santé n
Quand le président américain Joseph Biden appelle au téléphone les dirigeants d’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis et se fait ignorer, c’est un signal clair que le monde est en train de changer.