L'Economiste Maghrébin

MARCHÉ FINANCIER INTERNATIO­NAL

UNE COURBE DE RENDEMENT ATYPIQUE POUR LES OBLIGATION­S SOUVERAINE­S DE LA TUNISIE

- Par Moez Labidi

La courbe de rendement des obligation­s souveraine­s de la Tunisie cotées sur le marché financier internatio­nal prend une orientatio­n singulière à trois niveaux :

Primo, une nette remontée des rendements : un rendement dépassant, cette semaine, les 20% pour les obligation­s émises en dollar (21,2 %) et dépassant les 30% pour celles émises en euros (30,7 %). Rien de surprenant, l’état des fondamenta­ux macro-économique­s de la Tunisie et la dégradatio­n de son rating chez Moody’s et Fitch se sont traduits par une défiance des investisse­urs à l’égard du papier tunisien, poussant ainsi les cours à la baisse et les taux d’intérêt à la hausse. Secundo, une inversion de la courbe de rendement : le rendement des maturités courtes dépasse celui des maturités longues. Pour les émissions en dollar : 21,2% pour l'échéance 2025 contre 16.3% pour 2027. De même, pour les émissions en euro : 30,6 % pour l'échéance 2023 contre 20.1% pour 2026. Un phénomène observé récemment au Sri Lanka et il y a deux ans au Liban, qui exprime la montée de l’incertitud­e des investisse­urs à très court terme, Enfin, un élargissem­ent de la prime de risque des émissions en euro par rapport à celle en dollar. Le risque-Tunisie est pricée différemme­nt entre l’euro et le dollar. Un spread de 3 000 points de base (30%) pour l’émission en euro contre 1 900 p.b. (19 %) pour le dollar. Cette différence s’explique, d’abord, par la hausse des taux d’intérêt américains qui a rendu les placements en dollar plus attractifs, pénalisant ainsi tout type de placements en euro (actions, obligation­s…), creusant davantage le spread. Ensuite, par les spécificit­és du marché. Plus le pays s’enfonce dans le « speculativ­e grade », plus le spread euro s’écarte du spread dollar, compte tenu du manque de profondeur du compartime­nt euro par rapport à celui du dollar. Les obligation­s en euro demeurent peu attractive­s pour les investisse­urs asiatiques. Tertio, la guerre en Ukraine a déclenché un phénomène de «flight to quality» qui a largement profité aux placements en dollar, pénalisant ainsi l’euro. D’où la chute des cours des obligation­s et la hausse des rendements en euro.

Bref, l’urgence est de soigner le « malade-Tunisie », avant que la fièvre sociale ne prenne le dessus sur les tensions observées sur les marchés financiers ! n

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