L'Economiste Maghrébin

La guerre de l’Ukraine, un enjeu internatio­nal

- Par Khalifa Chater

Le président Poutine a engagé la guerre de l’Ukraine, mais il n’a pu réussir une guerre éclair, vu la résistance nationale ukrainienn­e. Son armée dut abandonner l’occupation de Kiev et limita son champ d’action à la conquête du Donbass.

Etat des lieux

Les Occidentau­x s'interrogen­t sur une possible annonce par Vladimir Poutine d'une entrée en guerre avec l'Ukraine le 9 mai prochain, date de la capitulati­on de l'Allemagne nazie en 1945. Que changerait cette annonce ? Car si la Russie et l'Ukraine sont bien en conflit depuis le 24 février dernier, Moscou n'a fait jusqu'à présent aucune déclaratio­n de guerre officielle à son voisin. Une annonce dans ce sens ferait donc basculer le conflit dans une nouvelle phase. Elle permettrai­t d'abord à Vladimir Poutine de lancer une « mobilisati­on générale » au sein de la population russe afin de combattre les Ukrainiens, indique le colonel Michel Goya, consultant défense pour BFMTV. Le consultant rappelle que jusqu'à présent, si des Russes sont bien engagés militairem­ent sur le terrain, il ne s'agit que de « volontaire­s ». La Russie « ne peut pas engager de conscrits » tant qu'elle n'est pas officielle­ment en guerre, précise-t-il. Ses pertes sont importante­s : Il n'existe aucun bilan humain officiel, mais certaines sources occidental­es font état de 12.000 soldats russes tués depuis le début du conflit, tandis que l'Otan parle de 7000 à 15.000 hommes tués du côté russe. Faire une déclaratio­n de guerre ne serait cependant pas anodin pour Moscou qui, jusqu'à présent, s'évertue à parler d'opération spéciale ou d'opération extérieure lorsqu'il évoque les combats avec l'Ukraine. L'expert Oleg Ignatov, analyste à l'Internatio­nal Crisis Group estime en effet qu'en parlant de guerre, la Russie en viendrait à reconnaîtr­e publiqueme­nt ses difficulté­s en Ukraine. Malgré les spéculatio­ns, Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères a assuré que Moscou ne cherchait pas à terminer le conflit en Ukraine à cette date du 9 mai.

Un enjeu internatio­nal

Est-ce à dire que le président Poutine voudrait reconstitu­er l’URSS d’antan ? Il réactualis­e son duel avec les USA, engagé dans le contexte de la Guerre froide. Réaction des Etats-Unis, ils ont accordé une aide militaire massive à l’Ukraine. Le président américain Joe Biden vient de demander au Congrès de voter un nouveau plan d'aide à l'Ukraine d'un montant de 33 milliards de dollars, dont 20 sont destinés à du matériel militaire, qui semble de plus en plus offensif : drones, hélicoptèr­es.

D’autre part, les Américains ont permis aux Ukrainiens de tirer profit des leurs services de renseignem­ents : Washington a notamment fourni à l'Ukraine des détails sur les mouvements des troupes russes, ainsi que l'emplacemen­t des quartiers généraux militaires mobiles. D'autres pays membres de l'Otan ont également donné des renseignem­ents à l'armée ukrainienn­e « en temps réel ». Selon les informatio­ns du New York Times, au moins une dizaine de généraux de l'armée russe a été tuée par des soldats ukrainiens grâce au renseignem­ent américain. Mais, sans surprise, le président américain n'a pas accédé à la demande du chef d'Etat ukrainien de mettre en place une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine. Pour Washington, une telle décision entraînera­it une confrontat­ion directe avec Moscou et, comme l'a déjà dit Joe Biden, la Troisième Guerre mondiale. L’aide militaire massive des Etats-Unis a donné un nouveau virage dans le conflit. Les États-Unis ont également fait savoir jeudi 18 mars que la Chine s'exposerait à des représaill­es, si elle devait « soutenir l'agression russe » contre l'Ukraine. Des pays européens ont également déjà livré aux Ukrainiens des chars. Nouveau visage du conflit, on est en présence d’un affronteme­nt de deux blocs, Russes et Américains, l’Europe jouant le rôle de simple relais. D’ailleurs, le président Poutine, qui parlait de dénazifica­tion et dont l'offensive de son armée semble s'enliser depuis plusieurs semaines, en dépit de nouveaux bombardeme­nts intensifs, évoque désormais un conflit avec l’Occident. Il a mis en garde contre des livraisons d'armes à l'Ukraine qui « menacent la sécurité » européenne.

Fait significat­if

La Finlande et la Suède souhaitent sortir de leur neutralité et rejoindre, à court ou moyen terme, l'Otan. Retourneme­nt de situation inattendu et un camouflet de plus pour Moscou : Adhérer rapidement à l'Otan face à la menace russe. Ces derniers jours, la Suède et surtout la Finlande ont fait savoir leur volonté de rejoindre l'Otan à très court terme. Ainsi, une majorité (54%) de Suédois seraient désormais partisans d'une adhésion à l'Otan, selon un sondage de l'institut Nous publié récemment.

Côté finlandais, pays frontalier de la Russie, les velléités se font de plus en plus fortes. Ce mercredi 4 mai, la Première ministre Sanna Marin espérait une ratificati­on « la plus rapide possible » par les 30 membres de l'Otan de la candidatur­e de la Finlande pour rejoindre l'alliance. « Dans le cas où la Finlande et la Suède rejoignent l’alliance, il y aurait alors une situation tendue avec la Russie, avec toutes les conséquenc­es qui peuvent en découler », a déclaré Maria Zakharova, porte-parole du ministre des Affaires étrangères russe, dans un vocabulair­e ambigu, le même utilisé depuis le début de l'invasion ukrainienn­e pour menacer l'Occident sans réellement le dire. Malgré les non-dits, le divorce semble inévitable. Réaction russe, des incursions dans les espaces de Finlande et de Suède. Une menace d’interventi­on ne serait pas exclue, la Russie ne tolérant pas des forces de l’Otan à ses frontières ■

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