Vers une dynamisation de la vie politique
Le président de la République, Kaïs Saïed, élu fin 2019, s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement avant de le dissoudre en mars dernier. Le 22 avril, il a annoncé un référendum sur des réformes constitutionnelles en juillet et un scrutin législatif en décembre. Début mai, il a annoncé l'instauration d'un « dialogue national » attendu depuis des mois, mais dont il a exclu les partis politiques. Depuis lors, la Tunisie connait une vie politique au ralenti, sans exercice parlementaire et sans grand débat. Le processus du 25 juillet, annihilant les dérives de la dizaine d’années de cauchemar, a mis à l’ordre du jour un rêve national, qui se dissipe. Outre l'impasse politique, la Tunisie se débat dans une profonde crise socio-économique et est en pourparlers avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un nouveau prêt. Mais le pays est resté en situation d’attente de mesures salutaires, pour redresser l’économie, traiter le problème du pouvoir d’achat et réanimer la vie politique.
Le pays est désormais divisé en défenseurs et ennemis du président, qui organisent des manifestations et des sit-in. Dimanche 8 mai, des centaines de personnes ont manifesté dans le centre de Tunis en soutien au président Kaïs Saïed et aux mesures qu'il prône pour redresser la Tunisie, alors que les adversaires du chef de l'État dénoncent une dérive autoritaire du pouvoir. Le dimanche suivant, des centaines de manifestants se sont rassemblés sur l'avenue Bourguiba, l'artère principale de la capitale tunisienne, à l'appel du Front de salut national, récemment formé par cinq partis opposés au président Kaïs Saïed, notamment Ennahdha, pour dénoncer les décisions prises par le président de la République depuis l’annonce des mesures exceptionnelles, le 25 juillet 2021. Ils considèrent que ces mesures ont sapé la légitimité et violé la Constitution et menacent de conduire le pays vers un régime autoritaire. Ils scandaient des slogans appelant à son départ.
Une attitude critique vis-à-vis du Président
Le fondateur du Front de salut national, Ahmed Néjib Chebbi, qui s’est rapproché du parti Ennahdha, a indiqué, ce dimanche 15 mai 2022, que l’objectif de la manifestation était la défense des institutions, la séparation des pouvoirs et l’existence d’une véritable instance indépendante pour la gestion des élections, mais aussi le refus de la tyrannie. Les partisans du Président s’accommodent de la dérive autoritaire et font valoir son opposition à l’islam politique. Le soutien du parti Echaâb est cependant nuancé.
Son secrétaire général lance un cri d’alarme, réclamant un programme collectif et une réalisation des attentes du 25 juillet. Quant au parti Ettayar, il fait valoir son soutien au processus du 25 juillet, mais il dénonce les mesures du Président du 22 septembre lui accordant les pleins pouvoirs. D’autre part, il marque son opposition au Président et au parti Ennahdha. En conséquence, ce parti décide de boycotter le référendum et de ne pas reconnaitre ses résultats (interview d’une de ses dirigeantes, Samia Abbou, 16 mai 2022).
Autre source de polémique, une série d’enregistrements le 26 avril attribués à l’ex-cheffe de cabinet de Kaïs Saïed. Nadia Akacha aurait fait des « révélations » sur l’état de santé du Président et ses relations tendues avec les officiels américains. L’ancienne cheffe du cabinet présidentiel nie ces enregistrements et une complicité, en conséquence, avec l’étranger. Mais fait certain, les Etats-Unis, l’Union européenne et la France ont adopté une attitude critique vis-à-vis du Président, lui demandant de restaurer la vie parlementaire, répondant à l’intervention auprès d’eux du parti Ennahdha.
Comment alors débloquer la situation politique pour traiter la crise économique et la question du pouvoir d’achat, enjeux prioritaires de la Tunisie d’aujourd’hui ? n