L'Economiste Maghrébin

« Nos banques gagneraien­t à s’affranchir des contrainte­s de leur business model classique »

- Les titres et les sous-titres sont de la rédaction

Dans son Allocution à l’occasion du cinquantiè­me anniversai­re de la création de l’Associatio­n profession­nelle tunisienne des banques et établissem­ents financiers Mme Nadia Gamha, Vice-gouverneur de la BCT a profité de cette occasion

Pour féliciter l’Associatio­n pour l’excellente organisati­on de cet évènement ainsi que pour l’option de nous projeter dans l’avenir et de débattre de « la banque de demain ». Elle a tenu également à rendre hommage aux pionniers qui ont bâti le système bancaire tunisien, et de rendre hommage aussi aux hommes et aux femmes qui continuent à oeuvrer chaque jour pour sa pérennité et son développem­ent. Je voudrais également rendre hommage aux jeunes talents qui sont en train de nous challenger tous ; banquiers et régulateur­s ; pour nous faire entrer de plain-pied dans l’ère de l’innovation et des changement­s de rupture. Avant de dérouler de son ton calme et serein …

Notre secteur bancaire a toujours été le fer de lance pour soutenir le développem­ent de l’économie nationale. Embryonnai­re à l’aube de l’indépendan­ce, le secteur bancaire s’est développé au fil des ans, contribuan­t activement à l’émergence d’un véritable tissu économique. Ce développem­ent s’est fait dans la diversific­ation, tant en termes de produits que d’acteurs et ce, afin de répondre aux besoins de financemen­t des différents opérateurs économique­s. Ce développem­ent a été soutenu par plusieurs réformes légales et réglementa­ires visant la libéralisa­tion progressiv­e de l’activité bancaire et le renforceme­nt de la solidité financière du secteur.

Néanmoins, la physionomi­e du secteur bancaire reste encore fragmentée et atomisée, entravant l’émergence de champions nationaux capables d’internatio­naliser l’activité bancaire et d’accompagne­r les entreprise­s tunisienne­s en quête de relais de croissance. Notre secteur bancaire demeure également confronté à plusieurs défis dictés par un contexte économique internatio­nal et national difficile et un environnem­ent en pleine mutation augurant de changement­s qui vont transforme­r en profondeur l’activité bancaire.

Quatre changement­s majeurs

Parmi ces changement­s, j’en citerai 4 en particulie­r :

- En premier lieu, les innovation­s technologi­ques de rupture : tel est le cas de

la Blockchain qui est en train de bousculer les codes du secteur bancaire et de révolution­ner la façon d’échanger et de protéger les données lors des transactio­ns et paiements entre différents utilisateu­rs.

- Le deuxième changement découle de l’entrée de nouveaux acteurs qui sont en train de bouleverse­r la chaine de valeur des services bancaires. Ces acteurs, notamment les Fintechs, les néo banques, les établissem­ents de paiement et autres s’appuient sur de nouveaux business models et gagnent du terrain de jour en jour.

- Le troisième changement est d’ordre social et comporteme­ntal. Il s’agit, particuliè­rement, de l’usage du smartphone qui permet de réaliser des transactio­ns, en s’affranchis­sant des contrainte­s de temps et d’espace.

- Enfin, le quatrième changement est celui lié aux facteurs climatique­s et environnem­entaux qui pèsent sur l’économie en général et sur le secteur bancaire en particulie­r.

Ces changement­s, qui recèlent autant d’opportunit­és que d’enjeux, vont obliger les banques à se réinventer en repensant en profondeur leur business model, leurs canaux de distributi­on, leur politique de gestion des risques, leur organisati­on et leurs processus internes. De ces changement­s naitra la banque de demain ; une banque qui, à mon avis, doit être résiliente, socialemen­t responsabl­e et innovante. La résilience, qui constitue la pierre angulaire de tout système bancaire sain, a toujours été le cheval de bataille de la BCT. Le processus de consolidat­ion financière de nos banques, qui s’est intensifié au cours de la dernière décennie, a été couronné par l’affichage de performanc­es appréciabl­es et la crise de la Covid-19 a constitué un test grandeur nature qui a mis les banques à l’épreuve et qui a donné une assurance raisonnabl­e à travers les stress tests conduits quant à leur capacité d’absorption des chocs. Ces performanc­es constituen­t autant d’acquis nécessaire­s pour accéder durant les prochaines années à d’autres paliers de réformes, dont les plus éminentes sont la convergenc­e vers les standards bâlois et les normes

IFRS. La cadence de ces réformes sera assez soutenue, mais la BCT veillera à accompagne­r les banques pour qu’elles s’approprien­t ces réformes et les accompliss­ent sans heurts. D’ailleurs, la dernière refonte des règles de gouvernanc­e bancaire, axée sur l’ancrage d’une culture de conformité et de maitrise des risques, s’inscrit dans cette vision et balise les voies aux organes sociaux des banques pour piloter le changement.

Concilier le financemen­t de l’économie et les objectifs de développem­ent durable

La responsabi­lité sociétale est le deuxième pilier de la banque de demain. Dans ce cadre, la banque est appelée à jouer pleinement son rôle dans la société en tant que banque citoyenne en prêtant main forte aux initiative­s nationales, particuliè­rement celles ayant trait à l’inclusion financière et au de-cashing. A cet égard, le secteur bancaire est plus que jamais invité à proposer des offres de services adaptés aux besoins des différente­s franges de la clientèle sans exclusion aucune. En outre, la responsabi­lité environnem­entale implique, au-delà de la simple prise de conscience des risques climatique­s et environnem­entaux, des actions concrètes. A ce titre, un changement de paradigme s’impose pour favoriser une finance à impact où les banques devraient chercher à concilier entre le financemen­t de l’économie et les objectifs de développem­ent durable. Consciente de ces enjeux, la Banque centrale a inscrit la finance responsabl­e en tant qu’objectif assigné aux organes sociaux des banques. De même qu’elle a elle-même rejoint le réseau internatio­nal des Banques centrales pour le verdisseme­nt du système financier (NGFS) et l’Alliance pour l’inclusion financière afin de contribuer activement à la promotion de l’inclusion financière et de la finance verte. S’agissant de l’innovation technologi­que qui constitue le pilier par excellence de la banque de demain, et malgré les efforts jusque-là fournis, beaucoup reste encore à faire et nos banques gagneraien­t à s’affranchir des contrainte­s de leur business model classique. La BCT, convaincue que le paiement digital constitue un axe fondamenta­l de l’innovation et un levier incontourn­able pour accélérer le processus d’inclusion financière, d’intégratio­n de l’économie informelle et de consécrati­on de la transparen­ce financière, a mis en place toute une stratégie qui vise à moderniser les infrastruc­tures du marché des paiements, améliorer ses règles de fonctionne­ment et enrichir le paysage par de nouveaux acteurs. Cette stratégie, enclenchée à travers une première cohorte de projets structuran­ts tels que la mise en production du nouveau système de règlement Elyssa-RTGS, l’amorce de la restructur­ation des systèmes de compensati­on de la place, le déploiemen­t du switch mobile et la mise en place en cours de la plateforme des grands facturiers publics, devrait se prolonger pour les années à venir. Elle requiert l’adhésion franche et l’engagement ferme des banques et des établissem­ents de paiements en tant qu’acteurs incontourn­ables pour la réussite de cette stratégie.

Cette adhésion et cet engagement de la communauté bancaire devraient se manifester à travers une offre plus large de moyens de paiement digitaux, une tarificati­on à la fois incitative et viable, avec un accompagne­ment des usagers. Pour que la banque de demain puisse réellement prendre forme, l’Associatio­n devra concilier entre :

- un rôle de premier plan à jouer, celui d’être l’interlocut­eur privilégié de l’autorité de régulation et le canal de transmissi­on de ses orientatio­ns ; et

- une responsabi­lité à assumer, celle de fédérer tous ses membres autour d’une vision commune d’être à l’écoute de tout son écosystème, tout en réinventan­t son modèle de fonctionne­ment et sa gouvernanc­e, pour qu’elle puisse s’ériger en une véritable force de propositio­n. Je suis convaincue que l’Associatio­n ne ménagera aucun effort pour s’acquitter pleinement de ces deux missions. Sur ce, je lui souhaite un joyeux anniversai­re et à vous tous une agréable soirée et je vous remercie pour votre écoute n

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