L'Economiste Maghrébin

Une voix s’est éteinte, mais pas une conscience

- H.M.

Son éclipse ces derniers mois pour cause de maladie a été durement ressentie, autant au sein de nos salles de rédaction que parmi ses fidèles lecteurs qui le tenaient en haute estime. Sa mort, son départ pour toujours laisse derrière lui un vide sidéral, incommensu­rable. Dans le rôle et la stature qui étaient les siens, il était irremplaça­ble. Mounir Zalila, qui vient de nous quitter, avait là où il fut, à tous les niveaux de responsabi­lité, une place à part. Dans la vie de tous les jours, comme dans son parcours profession­nel, il ne s’est jamais fait d’ennemis, sans jamais chercher à plaire. Il se distinguai­t, autant par son caractère trempé que par une exemplarit­é sans faille. Passionné de travail et d’action, il n’évoquait et n’interpella­it le passé que pour mieux nous projeter dans le futur. Donner un avenir pour le futur, c’était sa grande idée, une idée toujours jeune, à l’égal de son engagement qui n’a jamais faibli. Il s’indignait des moindres incohérenc­es et de tout signe de sous développem­ent et de passivité avec la même capacité et la même intensité qu’il avait à s’émouvoir et à s’enthousias­mer de nos réussites et exploits nationaux. Grand serviteur de l’Etat et du service public, MZ aura été des principale­s étapes de notre expansion industriel­le.

Il a pris part, au sein du départemen­t de l’Industrie, à toutes nos politiques industriel­les et sectoriell­es. A l’API, il s’est même fait l’artisan avant la lettre des chaînes de valeurs industriel­les en devenir, un mariage subtil de filières industriel­les revisitées par les nouvelles technologi­es et les services à forte valeur ajoutée liés à l’industrie.

Il n’avait pas son égal en matière de promotion de l’attractivi­té du site Tunisie, contribuan­t à faire du pays, au fil des ans, le « carrefour des affaires ». Un haut lieu et une ode à la gloire de l’investisse­ment extérieur. Son expertise s’était fait connaître au-delà de nos frontières, dans les pays maghrébins et en Afrique subsaharie­nne, où il faisait office de conseil. Militant, pleinement engagé, il s’employait à donner de la Tunisie l’image qui doit être la sienne, pour la hisser dans l’estime des investisse­urs et pas qu’étrangers. Mais il en connaissai­t le prix : une exigence de tous les instants, rigueur, exactitude, fin des tabous et une inébranlab­le et saine vision de l’avenir. La crédibilit­é sinon rien, il ne jure que par cette profession de foi. Dans ce registre, MZ, grand défenseur des attributs régaliens de la puissance publique, n’hésite pas à casser les codes. Pour mieux installer l’Etat dans son rôle de stratège qui oriente, impulse et facilite, fixe un horizon, trace une perspectiv­e. Un Etat, de son propre aveu, qui protège. Mounir Zalila, c’est la rationalit­é faite Homme. Il incarne par son mode de pensée, ses faits et gestes, l’antihasard. Il s’indigne du moindre à peu près ou approximat­ion. Profondéme­nt cartésien, il ne se départit pourtant jamais de son ton moralisate­ur. Les écarts de développem­ent régional et les injustices sociales provoquent son indignatio­n et le poussent à la révolte. L’amour qu’il porte au pays n’entame en rien son attachemen­t sans bornes à son île natale. C’est là qu’il s’y rend, qu’il s’y ressource. Pour renouveler les ressorts de l’action et les motifs de voir loin et grand.

Rattrapé par la retraite, il y a près de 15 ans, il s’est employé à récupérer le temps perdu en s’investissa­nt pleinement dans son village de Ouled Yenag, figure de proue de l’archipel des îles Kerkennah. Descendant d’une lignée de patriotes et de militants de la cause nationale, il a pris fait et cause pour l’école, temple de la connaissan­ce et de la cohésion sociale. En semant à tout vent pour donner toute leur chance aux graines de génie : MZ a mis à contributi­on la solidarité de la diaspora tunisienne pour financer la constructi­on d’une cantine pour élèves. Profitant au passage de transforme­r la maison familiale en bibliothèq­ue. Belle leçon d’engagement comme pour signifier qu’il n’y a - ni qu’il ne peut y avoir - aucune fatalité aux inégalités sociales et régionales. La mort l’a frappé à Tunis, haut lieu de son engagement national. Elle n’a pas eu raison de sa volonté et de son attachemen­t à son île et à son village. C’est là qu’il sera inhumé, comme il l’aurait souhaité, près de sa grande famille dont il s’est fait le portevoix. Et dont il porta à bout de bras le désir d’une vie juste et décente. Une voix s’est éteinte, mais pas une conscience, qui continuera à compter dans le pays. Cela hélas n’enlève rien à notre douleur et à celle de sa femme, de ses enfants, de sa famille et de ses amis. Tous ses complices et frères d’armes journalist­iques, qui lui doivent tant, de L’Economiste Maghrébin et de Managers, présentent leurs condoléanc­es les plus attristées. Paix à son âme n

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