Ghannouchi ira-t-il en prison ?
La question est sur toutes les lèvres et pour cause ! Un juge d'instruction vient de lui lancer une accusation grave, juste après l'interdiction de voyager qui vient de le frapper avec trentetrois autres accusés dans le dossier brûlant de l'assassinat de Chokri Belaïd et du fameux « appareil secret » d'Ennahdha. C'est la première fois, depuis son retour de Londres, en 2011, que « le cheikh », comme aiment l'appeler ses intimes, se trouve officiellement dans le collimateur de la justice tunisienne. Ce n'est pas que Ghannouchi soit exempt, jusque-là, de soupçons de verser dans une affaire criminelle, mais c'est que depuis les élections de 2011, il était devenu le maître absolu du pays, sans d'ailleurs, jusqu'à 2019, occuper un poste officiel dans l’État, et par conséquent, jouir de facto d'une immunité totale, puisque beaucoup de juges qui, jusqu'à cette semaine, occupaient les postes clés du système judiciaire, étaient ses avoués et obéissaient à ses consignes. « Ennahdha-Connection » n'était donc pas une simple vue de l'esprit et les jours qui viennent pourraient révéler, avec des preuves juridiques à l'appui, l'existence de graves connivences. Le coup de pied dans la fourmilière que vient d'oser faire le Président de la République, avec beaucoup de détermination, va participer efficacement à démanteler ces réseaux parallèles. Le suivi ou non des procédures juridiques, puisque ces mêmes procédures ont été instaurées par Ennahdha pour échapper à toute poursuite juridique, cela importe peu. Pendant des années, aucun nahdhaoui n'a été déféré devant une quelconque chambre criminelle ni essuyé un verdict pénal, en raison de l'implacabilité du système mis en place par Ennahdha, pour protéger non seulement ses dirigeants, mais aussi ses cadres et militants. Alors que les médias et les ONG révélaient, tous les jours que Dieu fait, pendant toute une décennie, des dossiers et des délits criminels impliquant des islamistes ou leurs parents proches. La réponse systématique des nahdhaouis à leurs accusateurs a toujours été la même : Adressezvous à la justice si vous dites vrai, tant ils étaient sûrs de contrôler le système judiciaire en amont et en aval.
Ghannouchi et la descente aux enfers
L'affaire Ghannouchi est d'abord une affaire politique, même s'il s'avère impliqué dans l'affaire Belaïd, comme l'a, à plusieurs reprises, assuré le comité du même nom. La justice, si on la laisse travailler, éclaircira les choses et même si Rached Ghannouchi n'est pas personnellement impliqué, ce qui est sûr, c'est que certains dirigeants d'Ennahdha le sont. Le plus important est que, partant du dossier déjà instruit, il est convoqué comme accusé, et c'est un tournant dans l'histoire récente du mouvement islamiste, car il annonce la descente aux enfers de ce mouvement, et particulièrement de son chef. Ghannouchi a une longue et ténébreuse histoire avec la justice tunisienne ; il a failli, en 1986, être condamné à mort, du moins c’était l'exigence de Bourguiba, n'eût été l'intervention salutaire pour lui et ses compagnons de Zine el Abidine Ben Ali, à l'époque Premier ministre, le même Ben Ali qui va le libérer et le gracier, et tolérer les activités subversives du mouvement de la tendance islamiste, dont il était le chef. Juste après les élections présidentielles et législatives de 1989, on conseilla à Ghannouchi de quitter le territoire national, avant que l'enfer ne s'abatte sur ses lieutenants et ses activistes, parce que la police tunisienne avait, entretemps, découvert l'existence de « l'appareil secret », le même qui avait préparé la tentative d'assassinat de Bourguiba le 8 novembre 1987, où trempaient des militaires recrutés par ce même appareil. La répression fut féroce et étendue même aux sympathisants. Les peines prononcées furent lourdes et l'organisation islamiste fut complètement démantelée et anéantie. Une bonne partie de ses cadres a réussi à échapper au coup de filet et a fui à travers les frontières avec la Libye et l'Algé