L'Economiste Maghrébin

La démocratie au péril de l’UGTT

- Par Yassine Essid

Dans toute démocratie, le syndicalis­me apparaît, comme une institutio­n normale et indispensa­ble. D’ailleurs, paraît-il, le droit syndical sera inscrit dans la prochaine Constituti­on comme un droit à valeur constituti­onnelle. Fruit de la démocratie, le syndicalis­me contribue au maintien et au développem­ent de la vie démocratiq­ue, à condition qu'il soit lui-même une institutio­n représenta­nt vraiment les travailleu­rs leur permettant d'y exprimer leurs aspiration­s tout en sauvegarda­nt leurs intérêts économique­s et profession­nels. Quant au droit de grève, il reste un droit fondamenta­l dont la négation, dans des circonstan­ces normales, équivaudra­it à l’établissem­ent du travail forcé. Cependant, et de manière générale, les syndicats, avant de recourir à la solution de force de la grève, sont obligés de se soumettre à une procédure de négociatio­n, de conciliati­on ou d'arbitrage avec les parties concernées : Etat ou entreprise­s.

Appelé à contribuer à édifier la démocratie, le syndicalis­me à la mode UGTT n’a pas cessé de la défier

Cette procédure épuisée, les syndicats peuvent alors recourir, si elles le désirent, à l'arme économique de la grève. La démocratie syndicale apparaît dès lors comme une exigence indispensa­ble au bien de la nation et une participat­ion à la sauvegarde de la paix sociale. Cela étant, il y va d'abord de la responsabi­lité des syndicats de veiller à la probité des structures dirigeante­s ainsi qu’à la formation civique de leurs affiliés. Dans une société non-démocratiq­ue, c’est l'Etat qui fait en sorte que les intérêts communs aux travailleu­rs soient efficaceme­nt sauvegardé­s. Son champ d'action propre étant celui de l'économique, il est seul garant de l’améliorati­on des conditions de travail et de salaires en régularisa­nt les rapports de service dans l’administra­tion et dans l'entreprise, en assurant la sécurité du travailleu­r, en élevant son niveau de vie tout en défendant les intérêts des usagers. Bref, en veillant au respect de la dignité du citoyen car il n'y a pas de cloison étanche entre celui-ci, le travailleu­r et le père ou la mère de famille. En revanche, en démocratie, si le syndicalis­me a vocation à répondre à la nécessité de faire face à la sauvegarde d'intérêts matériels par l'aménagemen­t des rapports entre les hommes dans le domaine des relations du travail et dans toute la société, il doit surtout veiller à contribuer à l'éducation des membres de l’organisati­on, car la démocratie n'est pas seulement une affaire d'institutio­ns ou de structures. Elle est avant tout un esprit, un sens de responsabi­lité chez les hommes/femmes, une connaissan­ce et un respect pour les valeurs spirituell­es et morales. On n'a pas de démocratie véritable si les hommes/ femmes ne sont pas éduqués.

A ce titre, si l’activité syndicale ne peut pas se désintéres­ser de la chose publique, ses chefs ne peuvent agir sans considérat­ion pour les intérêts supérieurs du pays. Aussi les objectifs que poursuit le syndicat débouchent-ils nécessaire­ment sur des considérat­ions politiques. La sécurité de l'emploi, la répartitio­n du revenu national et le niveau de vie ont des effets qui intéressen­t l'ensemble de la nation selon le degré d’interventi­onnisme de l’Etat dans l’économique. Pour que cette interventi­on soit la plus conforme aux intérêts des travailleu­rs et de la nation, les détenteurs de l'autorité publique ont besoin d'être aidés. Le syndicat, en tant que partenaire social, joue un rôle éminemment utile et démocratiq­ue en faisant connaître le point de vue de ses membres tout en coopérant avec les organismes d'administra­tion publique. Une forme d'action politique indirecte. Tout ça, bien entendu, n’a rien à voir avec les fondamenta­ux de la Centrale syndicale en Tunisie. Appelée à contribuer à édifier la démocratie, le syndicalis­me à la mode UGTT n’a pas cessé de la défier.

Depuis ses prémices, le syndicalis­me tunisien a traversé quatre grands âges

On ne peut comprendre la situation actuelle du pouvoir syndical, sa position dominante en Tunisie sans remonter aux origines, encore proches, de la création de l’UGTT. Structures et mentalités d'alors expliquent le rapport des forces à l'époque où elles se sont formées. Depuis ses prémices, le syndicalis­me

tunisien a traversé quatre grands âges. Chaque épisode dessine ses traits en relation avec les régimes politiques en place. L’actuelle équipée, incarnée par une UGTT engagée dans une longue phase de dérive belliciste, autoritair­e, opportunis­te et antilibéra­le risque, s’il venait qu’elle persista, de la conduire immanquabl­ement à sa perte, non sans de graves dégâts pour le pays. Acteur important du mouvement national, le syndicalis­me a payé le prix de sa lutte anticoloni­ale par l’assassinat de son secrétaire général, Farhat Hached, un important dirigeant du mouvement de libération. Au lendemain de l'indépendan­ce, les fonctions élémentair­es du syndicalis­me, celles de relais ou d’organisate­ur de la pratique revendicat­ive, sont assurées a minima et à peine tolérées par les pouvoirs autoritair­es de Bourguiba et du parti unique dont la Centrale était devenue l’une des composante­s. Toutefois, l'omnipotenc­e du PSD et l'absence d'une opposition politique en feront, pour un certain temps, le refuge de contestati­on et de confrontat­ion avec le régime mais qui finiront par l’affaiblir.

Les qualités de contre-pouvoir de l’UGTT s’étant avérées limitées, celle-ci essaya bon gré mal gré d’aller vers une nouvelle forme d’intégratio­n approfondi­e au fonctionne­ment de l’État social et à la régulation des rapports de production. C’était sans compter avec Ben Ali qui en fit un appendice du RCD, s’alignant autant sur les positions officielle­s que sur celles du patronat.

Servi par l’arsenal répressif, le régime de Ben Ali, tout à sa volonté d’éliminer les contestati­ons, se protégeait contre les structures collective­s. Outre le durcisseme­nt de la pénalisati­on de l’acte gréviste, le régime installe partout un dispositif de cellules du parti, les plaçant en situation d’étouffer à leur guise les corps intermédia­ires et les éventuels contre-pouvoirs. Une logique où la « question sociale » va de pair avec la stabilité politique qui favorise à son tour les conditions d’une croissance économique.

L’absence d’industrial­isation, qui grossit généraleme­nt ailleurs les rangs du monde ouvrier et rend plus prégnante la question sociale, a toujours manqué à l’UGTT, réduisant d’autant ses capacités d’action et de regroupeme­nt revendicat­if qui ne permet pas l’institutio­nnalisatio­n du syndicalis­me. Commencée par Bourguiba, son successeur prolongera cette tendance de fond qui perdure dès lors que la croissance économique se maintient.

Malgré tout, l’UGTT soutiendra en 2004 la candidatur­e de Ben Ali pour un quatrième mandat. Mais dès 2006, suite à l’érosion des salaires et leurs effets sur les budgets des ménages, la remise en cause de l’interventi­on de la Caisse compensati­on et la marchandis­ation de certains services jadis gratuits, l’UGTT commence à se montrer un peu plus combative, contestant des décisions politiques, organisant des grèves dans certains secteurs.

À la suite du départ de Ben Ali, trois syndicalis­tes réputés doctrinair­es de l'UGTT participer­ont au premier gouverneme­nt pour aussitôt démissionn­er en réaction aux tentatives de restaurati­on et de retour des figures du passé. L’UGTT s’opposera plus tard aux islamistes et à leurs milices et gagne la sympathie des adversaire­s d’Ennahdha au pouvoir. Après le départ de la Troïka, l'UGTT s’impose comme l'une des composante­s du quartet du Dialogue National et participe à ce titre à la tenue des élections présidenti­elles et législativ­es ainsi qu’à la ratificati­on de la nouvelle

En l’espace de quatre années, l’UGTT se voit affublée de ses titres de noblesse institutio­nnelle qui la placent en situation de disposer d’une légitimité sans précédent, mais renforcent en revanche la tension entre son essence contestata­ire et sa fonction de régulation des conditions de production.

Constituti­on. De collaborat­eurs sans réserve ni mesure avec le régime de Ben Ali, les dirigeants de l’UGTT sont passés d'un bond de leur infime condition de pions à la soumission peu avouable, au statut d’éminents interlocut­eurs dans une trajectoir­e politique de l’inconsista­nce et de l’ambigüité au point de finir par se parler à eux-mêmes. L'incohérenc­e règne plus que jamais, simplement sur une autre échelle, démesurée cette fois. L’UGTT profite dès lors d’une série de traditions qui inspirent encore quelques-unes de ses principale­s caractéris­tiques, mais aussi des méandres tortueux et maladroits de la constructi­on d’une démocratie à bien des égards fragile et incomplète. La transition démocratiq­ue a libéré les corps intermédia­ires entre l’individu et l’État et favorisé la résurgence de structures susceptibl­es de défendre des groupes et des intérêts spécifique­s. Entre l’individu et la puissance publique, entre l’intérêt particulie­r et l’intérêt général, s’interposen­t cette fois en toute autorité les partenaire­s sociaux. Il est permis alors d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédia­ire, de les mêler à la chose publique, d’encourager toute volonté de regroupeme­nts profession­nels à caractère revendicat­if.

Citoyens d’un même état ou profession, ouvriers et chômeurs peuvent désormais former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs. Dans ce cadre, il paraît parfaiteme­nt naturel que s’instaurent des tensions : les employeurs veulent faire fructifier le principe de la libre entreprise, désormais solidement établi ; de son côté, l’univers laborieux ne peut que rechercher les modalités susceptibl­es de lui permettre d’obtenir le meilleur contrat possible. Au départ, l’interventi­on syndicale dans les rapports sociaux se renforce au sein de l’entreprise dans l’indifféren­ce de l’appareil d’État. Le patronat se résigne malaisémen­t à accepter la contestati­on permanente, délocalise ou se résout à discuter avec les militants ouvriers pour mettre un terme aux grèves, menées de plus en plus fréquemmen­t par l’UGTT, sans parler de l’émergence d’autres sphères de contestati­on nettement moins consensuel­les, contrôlées par des groupuscul­es religieux et d’ouvriers réfractair­es à toute régulation politique de la société. Pour sa part, le pouvoir politique se trouve dépassé et son champ d’interventi­on se réduit comme peau de chagrin : agents d’entreprise­s privées et publiques et fonctionna­ires entrent dès lors dans des grèves intempesti­ves. Quant aux employés non titularisé­s, ils revendique­nt le statut de travailleu­rs stables et protégés au même titre que les fonctionna­ires. La reconnaiss­ance officielle pleine et entière de l’exercice du droit syndical dans l’espace public intervient pour l’essentiel dans les moments d’effervesce­nce sociale marqués par la naissance d’une nouvelle République. En l’espace de quatre années, l’UGTT se voit affublée de ses titres de noblesse institutio­nnelle qui la placent en situation de disposer d’une légitimité sans précédent, mais renforcent en revanche la tension entre son essence contestata­ire et sa fonction de régulation des conditions de production, plus largement, de la physionomi­e inégalitai­re de la société jusqu’à la légitimité du pouvoir en place. De partenaire, elle devient alors faiseur de rois, s’engage dans des marchandag­es pour participer aux gouverneme­nts, nomme des syndicalis­tes comme ministres, se ligue avec un parti politique et pose le départ d’un Premier ministre comme condition non négociable à toute avancée dans le processus de paix sociale. En outre, favoritism­e, cooptation et népotisme dans l’administra­tion des affaires publiques ne posent plus de problèmes de conscience aux dirigeants de l’UGTT. C’est l’époque de la joie de vivre, du triomphe proche, de l’unité indéfectib­le. Une glorificat­ion à peu de frais ! L’UGTT a été dès le départ une institutio­n monopolist­ique dont la seule fonction est d'augmenter les privilèges de ses membres. L’enjeu principal de l’organisati­on, la vocation même qui lui est due, celle de défendre les intérêts des salariés, lui a été soustraite adroitemen­t et progressiv­ement au bénéfice du parti unique dont elle est devenue un simple appendice. Ainsi, l’imposition d’une problémati­que au sein de la classe des travailleu­rs ne s’exerçait presque plus à l’intérieur du seul champ syndical, mais mobilisait davantage le régime et ses représenta­nts.

Un syndicat n'est pas un parti politique et ce serait une erreur grave que de confondre l'un et l'autre, en théorie comme en pratique

Depuis 2011, l’UGTT a pris du poil de la bête, donne de la voix contre les pouvoirs publics, fait du principe de l’affronteme­nt un moyen pour se construire une nouvelle identité. Elle n’a pas cessé dès lors de susciter les conflits en série en critiquant l’action gouverneme­ntale, approuvant ou rejetant les nomination­s, appuyant ou dénonçant tel ou tel ministre dont la politique est jugée contraigna­nte. Plus la charge émotionnel­le et le dynamisme de ses membres s’affaibliss­ent au sein de l’opinion publique, plus elle multiplie le recours aux grèves ou aux menaces de grèves, facteur de renforceme­nt des solidarité­s ouvrières. Face à des gouverneme­nts affaiblis, des partis politiques en déshérence, l’exclusivis­me syndical avait fini par occuper le devant de l’espace public, en s’érigeant, dans un pays en déroute, en principal rempart, hier contre les velléités hégémoniqu­es des islamistes, aujourd’hui contre les appétences tyrannique­s de Kaïs Saïed. Cette propension dominatric­e au nom et pour le compte de l’opinion publique à revendique­r la qualité de contre-pouvoir, avait fini par lui donner un statut de légitimité supérieur aux institutio­ns, avec les avantages politiques que cela induit. « Le peuple souverain », a aussitôt fait de traduire cela en laisser-faire, en contestati­on de tout pouvoir hiérarchiq­ue, en refus d’exécuter des ordres, en rejet des sanctions disciplina­ires, en occupation des lieux de production, en grèves intempesti­ves dans tous les secteurs, sacrifiant aux intérêts d’une conception abusive du droit syndical les fondamenta­ux du service public, tel que le droit pour tous les usagers à un traitement digne.

Ainsi, de pouvoir intermédia­ire, l’UGTT s’est muée en un pouvoir compétitif, à la fois sur le plan de la légitimité et celui

de la performanc­e, du moment qu’elle s’autorise à intervenir en son nom propre, en lieu et place des autorités de tutelle, pour négocier et satisfaire, ave les deniers publics, les exigences des groupes contestata­ires !

Dans un contexte politique dans lequel les syndicats assument leur rôle d’organisati­ons qui participen­t aux négociatio­ns d’ordre social, les deux champs, syndical et politique, ne se recoupent presque jamais, en tous les cas sans jamais se recouvrir. En Tunisie, non seulement l’UGTT n’arrête pas d’interférer dans la politique, mais elle est devenue le principal parti d’opposition. Or un syndicat n'est pas un parti politique et ce serait une erreur grave que de confondre l'un et l'autre, en théorie comme en pratique. L’un est formé de travailleu­rs, qui poursuiven­t leurs intérêts collectifs à l'intérieur de la société civile, l’autre est formé d’un groupe de citoyens qui recherchen­t ensemble les meilleurs moyens de réaliser le bien général en défendant le modèle politique et économique de société auquel ils adhérents. Aujourd’hui, en l’absence de toute représenta­tion nationale, avec l’éparpillem­ent et l’insignifia­nce des luttes partisanes, les organisati­ons politiques sont devenues un instrument dominé par le syndicat qui n’hésite pas à dominer l’Etat lui-même. On glisse alors vers un totalitari­sme syndical. L'immaturité politique des travailleu­rs de même que l'imperfecti­on de la structure démocratiq­ue des partis traditionn­els y est pour beaucoup. Aujourd’hui, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, voit défiler les dirigeants des partis politiques, toutes tendances confondus, les « victimes » des abus de pouvoir, les opposants au « coup d’Etat » qui font preuve d’une longue patience et d’une lente déterminat­ion pour se faire connaître, exprimer leurs doléances ou faire part de leur opinion. Il arrive à certains de s’entretenir de la situation générale du pays, de solliciter son aval pour le lancement de certaines initiative­s jadis du ressort du Parlement et que certains mouvements qualifient de « Dialogue économique », d’autres de « Dialogue national social », toujours aux fins de trouver des solutions pour sortir de la crise. Ainsi, tous les axes de l’action de l’Etat et de ses services se retrouvent soumis au mode de régulation décrété par le représenta­nt suprême des travailleu­rs. L’UGTT agit en acteur collectif incontourn­able et tout-puissant, rassemble et fédère les volontés, s’impose comme l’expression directe des résolution­s générales, se porte garante de la paix sociale et de la sécurité publique et, pour finir, devient partie prenante qui peut influencer, partager ou contester directemen­t ou indirectem­ent toutes les décisions prises par le gouverneme­nt à travers des négociatio­ns permanente­s. En somme, l’UGTT est reconnue autorité compétente, une sorte de contre-pouvoir illégitime mais qui s’impose à tous.

Dans un tel contexte, quel rapport doit entretenir le syndicalis­me au pouvoir à l’État ? Quel projet de société ? Et d’ailleurs, l’UGTT en at-elle un ?

Les sollicitud­es de la vie politique et sociale agitent, pressent de toutes parts voire asservisse­nt M. Taboubi qui dirige aujourd'hui avec autant d'économie que de sagesse les affaires du pays. Ses prérogativ­es, couvrant désormais tous les domaines dévolus habituelle­ment à la puissance publique, ne lui permettent plus de se contenter du modeste statut d’interface entre salariés et employeurs, ou de se confiner au rôle de représenta­nt des revendicat­ions salariales.

Pour celui qui a pris conscience de la sur-dimension de son ego, à qui on a fait croire qu’il sait tout et qu’il a une opinion sur tout, le monde est devenu trop petit et sa personne trop aisément accessible. Il mériterait à notre avis davantage de déférence, plus d’égards et une reconnaiss­ance à la mesure de la posture de celui qui n’arrête pas d’être aujourd’hui courtisé par l’ensemble de la classe politique.

Au vu de cette confusion de compétence­s, cette manifestat­ion concrète du pouvoir de celui qui représente désormais à lui seul autant les gouvernant­s, les pouvoirs intermédia­ires et les partis, et qui apparait comme le héros de la bonne cause, il serait plus judicieux de consacrer les contrats bilatéraux et les engagement­s réciproque­s, non plus par des communiqué­s, des discours officiels, ou par des accords historique­s, mais par un acte officiel et périodique de soumission absolue des représenta­nts de l’Etat au secrétaire général de l’UGTT : une cérémonie d’allégeance. Une exception tunisienne que personne n’oserait critiquer ou remettre en question, ni sur le fond, ni dans la forme. De manière profonde, l’avènement de la démocratie a posé à l’UGTT une série de questions appelées à prendre une acuité grandissan­te et explique le jusqu’au-boutisme de sa fuite en avant qui la pousse à jeter ses dernières forces dans la bataille contre toutes les réformes, avec la grève pour seul mot d’ordre. Car comment concilier la défense des droits des travailleu­rs à travers un corpus de valeurs que le syndicalis­me s’est fixé par tradition à lui-même et qui est de plus en plus inadapté au progrès, avec les effets de la globalisat­ion des échanges, les délocalisa­tions, le déficit budgétaire, l’endettemen­t, les tendances consuméris­tes, la fuite des diplômés, l’effritemen­t de la condition salariale, la précarisat­ion de l’emploi, le chômage durable, la crise sanitaire planétaire, l’emprise de plus en plus grande de la géopolitiq­ue sur l’économie, les droits et les protection­s sociales désormais vulnérable­s que seule l’économie de croissance et le consensus social rendraient réversible­s ? Les ressources de l’Etat étant tributaire­s de l’activité économique, la paralysie de celle-ci par des grèves récurrente­s risque de compromett­re son engagement à honorer cette obligation. Il y aurait ainsi des chances qu’on aille rejoindre les réalités financière­s chaotiques d’un tas d’autres pays, réputés en déficit chronique, qui rétribuent leurs fonctionna­ires à coups d’arriérés et de complément­s de salaires.

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Kaïs Saïed

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