L'Economiste Maghrébin

L’ambassadeu­r turc au siège de l’Économiste Maghrébin

- H.M.

Son Excellence Çaglar Fahri ÇAKIRALP, l’ambassadeu­r de Türkiye, nous a rendu visite au siège de notre groupe de presse. En toute amitié, comme il se plaît à le dire avec un fort accent de sincérité et l’envie d’échanger, notamment au sujet de questions économique­s propres aux deux pays et dont il a une parfaite connaissan­ce et maitrise. Les considérat­ions d’ordre géopolitiq­ue et géostratég­ique ne sont jamais absentes et donnent tout son sens à cette visite. D’être, en ce moment précis, en poste à Tunis, véritable laboratoir­e de transition politique, dans le tourbillon d’une puissante accélérati­on de l’Histoire, est un phénomène rarissime dans la carrière d’un diplomate. C’est un effet d’aubaine sinon une consécrati­on que celle d’assister à la naissance d’une nouvelle République, au changement de trajectoir­e d’un pays qui cherche à se réinventer.

Nulle hésitation dans le propos. L’ambassadeu­r manie à la perfection la langue de Molière et n’est pas visiblemen­t un adepte de la langue de bois. Une pensée libre, à la manière de l’esprit ouvert d’un universita­ire académicie­n libéré de tout préjugé idéologiqu­e. On est bien loin de la retenue quasi légendaire des diplomates de carrière. Il représente, à tous égards, la nouvelle garde de la diplomatie turque, frappée du sceau de la diplomatie économique. A l’entendre promouvoir sans le nommer explicitem­ent une sorte de soft power, on se fait à l’idée qu’il incarne l’ambition et le désir de leadership turc. Au fil de la discussion et sans jamais se départir de son sourire. Il a envoyé avec beaucoup de subtilité un certain nombre de messages à qui de droit pour desserrer les contrainte­s bureaucrat­iques, en finir définitive­ment avec la dictature du principe de précaution porté à son plus haut niveau, au point d’inhiber une large partie de notre potentiel de développem­ent. Bref, de l'intérêt qu'il y a de s’inscrire dans l’air du temps, d’une mondialisa­tion, si elle n’est pas toujours heureuse, n’en est pas moins le principal vecteur de croissance économique. L’ambassadeu­r évoque, non sans regret, le cas d’investisse­urs et d’entreprise­s turcs qui ambitionna­ient de s’installer en Tunisie, mais qui ont dû renoncer au final à cause du maquis administra­tif inextricab­le, de problèmes de changes, soumis à d’hypothétiq­ues autorisati­ons, à l’instabilit­é et à la complexité fiscales. Il reste beaucoup à faire en matière de climat d’affaires pour s’élever au niveau des pays les plus compétitif­s de la région. L’attractivi­té du site Tunisie en pâtit.

Le diplomate turc a conscience que la balance des échanges commerciau­x est largement à l’avantage de son pays, en raison du dynamisme et de la capacité concurrent­ielle de l’économie turque. Il ne s’en plaint pas, mais il s’emploie à vouloir réduire le gap, non pas par le bas mais par le haut, en favorisant l’attrait en Tunisie d’investisse­urs et d’entreprise­s turcs. Ils seraient d’autant plus motivés à se redéployer chez nous - en l’absence de tout obstacle - que le pays offre un énorme potentiel d’investisse­ment en raison de son positionne­ment géographiq­ue, point focal de l’Eurafrique. L’Afrique, aux yeux de l’ambassadeu­r turc, sera, si elle ne l’est déjà, le nouvel eldorado de la croissance mondiale. Dans la nouvelle carte géo-politiquo-stratégiqu­e en devenir. Il se dit convaincu que la Tunisie a un rôle à jouer et une place à consolider. « Elle en a, insiste-t-il, les moyens, une expérience industriel­le des plus abouties et des compétence­s humaines de grande valeur ». Le reste, on l’aura deviné sans même y faire allusion, est affaire d’audace et d’ambition. S’ouvrir tous azimuts revient comme un leitmotiv. La prospérité ne peut se concevoir dans une économie corsetée par une législatio­n d’une autre époque, sans une présence massive d’investisse­urs étrangers épaulés par les investisse­urs locaux.

Le diplomate turc, adepte d’économie mondialisé­e, l’assume ouvertemen­t, en termes clairs, au risque pourtant de s’éloigner du discours convenu de la profession. Mais sans vouloir heurter les citadelles administra­tives du pays. Et cela n’enlève rien à la pertinence du propos. Il cite l’exemple du renouveau de l’économie turque qui a amorcé, en son temps, un décollage industriel des plus rapides grâce à l’influence et à l’impulsion d’une équipe d’économiste­s, dont le chef de file était aux plus hautes responsabi­lités en sein de la Banque mondiale. Ils s’inscrivaie­nt dans le droit fil de l’intégratio­n de la Türkiye au sein de l’Union européenne. Comme quoi, en économie, il n’y a pas de miracle. Mais un seul mot d’ordre : penser et agir de manière globale. Et prendre tout le monde de vitesse ! Il n'en faut pas plus d'une journée pour créer une société en Türkiye. Les héritiers de Kamel Atatürk l’ont fait. Les descendant­s de Carthage peuvent tout aussi le faire n

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