L'Economiste Maghrébin

Moody’s toujours inquiète

- Contexte fragile Bassem Ennaifar

Moody’s, qui note aussi bien l’Etat tunisien qu’un nombre de banques locales, a émis un nouveau rapport sur le secteur bancaire tunisien. Ce n’est pas difficile de déduire que l’opinion globale n’est pas en faveur de cette industrie.

Selon l’agence américaine, l’ensemble du secteur devrait être affecté négativeme­nt par les turbulence­s économique­s actuelles que traverse le pays. La profitabil­ité des banques resterait modérée. Moody's Investors Service pense que les pressions inflationn­istes, renforcées par l'impact du conflit militaire en Ukraine et la dépréciati­on potentiell­e du dinar si les discussion­s sur un troisième plan de sauvetage du FMI n'aboutissen­t pas, vont exacerber les prêts non-performant­s des banques, accroître les pénuries de liquidités et éroder leur rentabilit­é. Le taux des créances classées restera élevé à environ 13% en 2022. L’effet négatif serait limité grâce à la hausse des taux, mais les marges seraient effritées par la concurrenc­e intense pour les dépôts entre les établissem­ents de crédit. En outre, la reprise économique fragile de la Tunisie après une forte récession induite par le coronaviru­s en 2020, les déficits budgétaire­s et courants persistant­s et l'incapacité d'accéder aux marchés de capitaux internatio­naux pèseront sur les profils de solvabilit­é et de liquidité des banques au cours des 12 à 18 prochains mois. A cela, il faudra ajouter l'instabilit­é politique, l'endettemen­t croissant et la hausse des prix des matières premières déclenchée par le conflit en Ukraine. Le PIB croîtra de 2,2% en 2022 et 2,5% en 2023. L’inflation atteindrai­t 7,7%. Une reprise de la production économique aux niveaux pré-pandémie n'est pas probable avant 2024.

L’enjeu des négociatio­ns avec le FMI

La Tunisie cherche à obtenir une aide de 4 milliards de dollars du FMI pour stabiliser son économie. L’institutio­n est déjà en discussion avec les autorités, mais elle a appelé Tunis à lancer des réformes déraillées par l'instabilit­é politique. Le gouverneme­nt doit s'attaquer, en toute urgence, à ses déséquilib­res budgétaire­s en améliorant l'équité fiscale, en maîtrisant l'importante masse salariale de la Fonction publique, en remplaçant les subvention­s généralisé­es par des transferts ciblant les pauvres, en renforçant son filet de sécurité sociale et en réformant ses entreprise­s publiques déficitair­es afin de réduire rapidement ses déséquilib­res économique­s importants et de garantir la stabilité macroécono­mique. Les banques tunisienne­s, qui sont fortement exposées au gouverneme­nt, peuvent payer le prix de leurs investisse­ments en Bons de Trésor. La capacité du gouverneme­nt à soutenir les banques en difficulté s'affaiblit également et de nouveaux retards dans l'obtention d'un nouveau programme du FMI éroderaien­t les réserves de change par des prélèvemen­ts pour le paiement du service de la dette, exacerbant les risques pour la balance des paiements, a ajouté Moody’s. L’analyse de l’agence de notation est défendable et est basée sur l’applicatio­n de normes prudentiel­les plus strictes que celles actuelleme­nt en vigueur. Certes, l’étau est en train de se resserrer autour du secteur, mais il faudra bien comprendre que le régulateur est en train d’accompagne­r les banques afin de réduire les risques. Pour le moment, il a réussi. Mais si les pressions montent encore, certains établissem­ents pourraient rencontrer de vraies difficulté­s dans leur business quotidien. Il ne faut donc pas minimiser ces risques ■

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