L’économie à l’épreuve des mutations politiques
La grande perdante de plus d’une décennie de « révolution » est évidemment l’économie tunisienne, qui depuis Feu Hédi Nouira jusqu’à 2011, était considérée comme un exemple de réussite, le pays étant classé parmi les économies émergentes les plus méritantes. Le dynamisme dont elle avait fait preuve, avec une croissance annuelle qui tournait autour de 5% sur plus de vingt ans, permettait d’investir dans le social et a donné naissance à une classe moyenne des plus prometteuses. Sauf que le système politique, devenu obsolète à la fin du règne de Ben Ali, non seulement avait fini par ralentir cette progression, mais a en plus semé les germes de la grande déflagration qu’a connue le pays au début de 2011.
La prise du pouvoir par l’islam politique et ses alliés a ouvert la porte non seulement à une gestion chaotique des deniers de l’Etat, mais aussi à la mise sous sa coupe du secteur privé, l’empêchant de redécoller, d’autant plus que l’effervescence sociale qui a suivi la chute du régime a plombé les secteurs les plus performants, avant que le terrorisme et l’instabilité politique ne viennent leur asséner le coup fatal. Les caisses de l’Etat, désormais vidées par une politique sociale démagogique et des recrutements massifs dans la Fonction publique des partisans des différents partis politiques qui contrôlaient les différents gouvernements, ne pouvaient plus venir au secours des grandes entreprises étatiques, pour la plupart devenues déficitaires, et encore moins des entreprises privées, saignées à blanc par une succession de catastrophes : terrorisme, grèves sauvages (SfaxGafsa), Covid, et surtout par une stagnation économique mondiale qui a frappé particulièrement nos partenaires classiques européens.
Mensonge et démagogie destructeurs
Le plus gros mensonge de l’ère post-révolution propagé par tous les acteurs politiques et notamment par les « nahdhaoui » était qu’ils avaient un modèle de développement qui allait rompre radicalement avec l’ancien qui prévalait en Tunisie depuis l’Indépendance jusqu’à 2011, et qui allait régler les problèmes de la disparité sociale, du déséquilibre régional, de la dette extérieure, de la dépendance de l’économie mondiale, et propulser le pays au rang de pays industrialisé et hyper développé. Tout le monde savait que c’était un mensonge pour diaboliser l’ancien régime et manipuler le petit peuple qui croyait dur comme fer qu’il suffisait de partager avec les citoyens « l’argent des corrompus » pour s’enrichir, sans labeur, sans sueur et sans investissement.
Tous les riches sont devenus des suspects et tous les anciens hauts commis de l’Etat des « corrompus ». Les grèves ont succédé aux grèves et les fausses promesses des différents gouvernements aux fausses promesses de leurs prédécesseurs. Tout cela depuis 2011 jusqu’à aujourd’hui.
Les résultats sont connus. Le pays est au bord de la banqueroute économique, accablé d’un endettement jamais atteint dans son histoire moderne et avant même l’occupation française en 1881. La classe moyenne a carrément disparu et basculé dans la pauvreté, l’économie informelle a étouffé dangereusement l’économie réelle, mais le discours démagogique continuait de plus belle, réduisant à néant les efforts de rationaliser l’approche, certes timide, de sortir le pays de la crise dans laquelle il s’enfonçait de jour en jour.
Les opérateurs économiques, qui ont résisté à la démagogie révolutionnaire, ne pouvaient pas faire face à la déferlante destructrice de l’idéologie nihiliste qui appelait à faire table rase du passé, pourtant assez glorieux, de l’expérience économique, en jetant le bébé avec l’eau du bain et les acquis de plusieurs décennies de
Pour instaurer une démocratie durable, il faut d’abord de la prospérité, plus de prospérité et encore de la prospérité. Les ventres vides ne peuvent générer que le désordre et l’anarchie. La démocratie de la misère et de la faim, si elle profite momentanément à ceux qui contrôlent le pouvoir dit démocratique, ne peut que se retourner contre eux. C’est la leçon première à tirer de ce 25 juillet 2022
labeur et d’effort.
Dans cette oeuvre destructrice, les révolutionnaires ont bien réussi, à tel point que les fleurons de nos entreprises, dans l’impuissance totale, ont dû déposer les armes. L’Etat qui les a vu naître, qui les a poussés à grandir et à voler de leurs propres ailes, s’est subitement retourné contre eux, lorsqu’il fut contrôlé par la pire des espèces des démagogues, les islamistes et leurs sous-fifres. Rançonnés, soumis au racket, au chantage et aux pressions de tout genre, beaucoup ont préféré jeter l’éponge, mais pas tous heureusement. Le chantier de la réforme économique est donc immense et l’Etat doit s’y atteler au plus vite en parant au plus urgent, dont la relance des exportations qui permettra de combler le déficit commercial qui se creuse de plus en plus. Le secteur du tourisme, gravement sinistré par des années d’anarchie, de terrorisme, de Covid, et qui emploie des centaines de milliers de personnes, doit passer par une restructuration radicale et surtout par un soutien financier, en dehors des calculs mercantiles de certains banquiers. Ce qui est sûr, c’est que l’Etat reste le principal acteur de l’opération de sauvetage économique, d’où l’impératif d’avoir un gouvernement compétent en la matière et disposant de tous les pouvoirs pour le faire. C’est là où l’articulation entre le politique et l’économique s’opère.
Se retrousser les manches
Un message fort du futur gouvernement doit être adressé aux acteurs économiques et sociaux : Il est temps de se retrousser les manches ! Il ne s’agit pas seulement des travailleurs et des salariés, mais aussi des patrons et des chefs d’entreprises. Le temps du laxisme et du laisser-faire est révolu : le pays ne peut plus supporter la gabegie qui a prévalu pendant plus de dix ans. Cela doit être fait sous la forme d’un nouveau contrat social, comme à l’époque de Feu Hédi Nouira, en concertation avec les syndicats, mais aussi avec les chefs d’entreprises, notamment celles qui sont considérées comme les locomotives de notre économie.
Le droit de grève, tout en étant sacré, doit être assujetti aux capacités financières réelles des entreprises publiques ou privées. Les grèves sauvages doivent être sanctionnées sévèrement. Et la productivité doit être le souci commun et premier des patrons et des salariés. C’est toujours l’Etat qui doit rester l’arbitre de toutes les négociations, qui doit veiller à ce que les accords soient exécutés par toutes les parties. Néanmoins, une trêve sociale doit d’abord être acceptée par les différentes parties, car le pays ne peut se redresser qu’à travers des sacrifices consentis et non imposés. D’où la nécessité d’un vrai dialogue social général et public. Il faut faire confiance au patriotisme des Tunisiens et parier sur leur intelligence. Le défi auquel fait face le pays dépasse les intérêts politiques des uns et des autres. Il s’agit de sauver le bateau Tunisie et non les felouques des partis politiques et des groupuscules idéologiques qui empoisonnent la scène nationale. Et comme la nature a horreur du vide, beaucoup de ces formations, qui ont dominé théâtralement la scène politico-médiatique, vont disparaître. Elles seront remplacées par des formations plus sérieuses et plus responsables. Le système politique qui va être mis en place avec la nouvelle Constitution et le nouveau Code électoral, va favoriser l’émergence d’une nouvelle élite politique dont on ne connaît pas encore les profils, mais qui fera intrusion sur la place lors des prochaines législatives. Du fait même du rôle du nouveau Parlement, les relations entre les acteurs politiques et les opérateurs économiques vont changer. Les futures Chambres ne seront plus l’enjeu d’un lobbying dévastateur, puisque le pouvoir réel appartiendra seulement à l’exécutif. Tout dépendra donc de la composition du nouveau gouvernement, qui peut d’ores et déjà ouvrir les grands chantiers, sans attendre les résultats des élections, surtout que le budget de l’Etat doit être bien ficelé avant décembre prochain et qu’il doit être le fruit d’un compromis entre l’Etat, le FMI et la Banque mondiale. Preuve que le politique ne pèsera désormais que peu sur les grands choix économiques. Et c’est une avancée considérable, vu le délabrement de la classe politique actuelle.
Notre pays traverse une période charnière de son histoire. Il s’agit de renaître ou pas, un dilemme shakespearien ! Comme le phénix, il renaîtra de ses cendres et pourra réoccuper à nouveau son rang parmi les pays émergents, à force de travail, de labeur, de sueur et d’abnégation.
Pour instaurer une démocratie durable, il faut d’abord de la prospérité, plus de prospérité et encore de la prospérité. Les ventres vides ne peuvent générer que le désordre et l’anarchie. La démocratie de la misère et de la faim, si elle profite momentanément à ceux qui contrôlent le pouvoir dit démocratique, ne peut que se retourner contre eux. C’est la leçon première à tirer de ce 25 juillet 2022.