Inflation, pénuries...
La guerre d’Ukraine aggrave la crise tunisienne
«Vu la dépendance de ses importations de céréales (blé dur, blé tendre, orge, etc.) et la flambée sans précédent des cours de pétrole, la Tunisie est obligée de trouver d'autres formules d'auto-immunité face aux potentielles répercussions néfastes du conflit en Ukraine, l'un des principaux fournisseurs de la Tunisie » (rapport de l'Institut arabe des chefs d'entreprise, 9 mars 2022).
Hausse des prix du carburant et du blé, impact sur le tourisme : Les observateurs et les analystes ont montré que la Tunisie, déjà en crise, subit de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine. « La Tunisie dans l’oeil du cyclone », affirme le journal Le Point, du 10 mars 2022. Même son de cloche du journal Le Monde du 22 mars : « En Tunisie, la guerre en Ukraine nourrit la spirale de la spéculation et de l’inflation ». Conséquences évidentes de la guerre en Ukraine sur la Tunisie : le renchérissement du prix du pétrole et la crise d’approvisionnement en céréales. L’intervention militaire russe en Ukraine, toujours en cours, a alimenté les craintes quant à l’approvisionnement en hydrocarbures, notamment en provenance de Russie, provoquant une flambée des cours de l’or noir. La Russie est le deuxième exportateur de pétrole brut au monde.
Les cours du pétrole sont repartis à la hausse après la décision des pays exportateurs de l’OPEP, sous la conduite de l’Arabie Saoudite et de la Russie, de ne pas augmenter leur production, accentuant ainsi la pression inflationniste dans plusieurs pays. La guerre en Ukraine n’est pas la cause de l’inflation du prix de l’énergie, elle ne fait qu’exacerber ce phénomène. La Tunisie subit la hausse du prix de pétrole en conséquence. Alors que la France vient d’annihiler cette hausse, le 7 septembre, en Tunisie, la hausse est définitive. D’autre part, la charge supplémentaire pour l’État, en raison de la guerre en Ukraine, pourrait s’alourdir de près de 1,5 milliard de dollars, selon le dernier rapport de International Crisis Group pour la Tunisie (ICG, avril 2022), puisque le budget de l’État pour 2022 avait tablé sur un prix moyen du pétrole de 75 dollars, alors qu’il atteignait 120 dollars en mars.
En ce qui concerne les céréales, la situation est plus grave. En effet, la Tunisie importe une grande partie de ses besoins en blé tendre (84%), en blé dur (40%) et en orge (50%). Ces importations proviennent de Russie et d’Ukraine, qui fournissent près de 70% des achats en blé tendre, ainsi que la majeure partie des engrais.
Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, les prix des produits de base resteront élevés jusqu’au mois de juin 2024. Il faut donc s’attendre à deux effets directs de cette situation. D’une part, la Tunisie subirait l’augmentation actuelle des prix domestiques des produits à base de céréales, estimée à près de 20% selon le dernier rapport de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE, mars 2022). Conséquence de cette donne : la part des importations alimentaires dans le commerce du pays a doublé depuis 2010 (22,5%). Elle dépasse désormais l’achat de biens d’investissement (20,3%), ce qui dénote une situation de désindustrialisation grave (Skander Ounaies, Tunisie : l’impact dévastateur de la guerre en Ukraine, Jeune Afrique, 12 mai 2922). L’IACE appelle le gouvernement à mettre en place d’urgence une cellule de crise pour identifier les alternatives en ce qui concerne les sources d’approvisionnement en céréales, suite à la guerre en
Tous les voyants de l’économie sont au rouge, sans que le pouvoir et la population semblent en prendre la mesure. La crise économique, l’inflation galopante et la dette insoutenable se traduisent par une augmentation des prix et une aliénation du pouvoir d’achat.
Ukraine, pays qui était jusquelà un fournisseur privilégié de la Tunisie. Il affirme que le niveau des cours actuels du blé et des autres céréales pourrait conduire à une charge supplémentaire en matière de compensation de l’ordre de 1,3 milliard de dinars, comparée à la charge initialement prévue au budget de l’Etat de 2,2 milliards de dinars pour la compensation des produits de première nécessité. Sans compensation, estime l’IACE, les cours actuels des céréales sur le marché mondial provoqueraient une augmentation du prix des pâtes alimentaires estimée à 160 millimes le kilogramme, soit 20% par rapport au prix actuel. Cette augmentation pourrait atteindre 200 millimes le kilogramme, si les prix continuent à évoluer au même rythme.
Dans un autre temps, la Tunisie du Nord-ouest, l’Ifrikya, était le grenier à blé de la France. Au cours de sa guerre avec la France napoléonienne, la Grande Bretagne avait interrompu ce trafic, en poursuivant les navires français. L’Ukraine devint alors le grenier à blé de la France. Ce qui explique le passage de la Tunisie du cycle du blé au cycle de l’huile, désormais recherchée par les fabricants du savon marseillais. Le Sahel remplaça l’Ifrikya comme terroir utile. La Tunisie pourraitelle développer son hévéaculture pour assurer son autosuffisance, après la pénurie actuelle en blé et en orge ?
La Banque mondiale prend acte de cette situation grave. Son rapport, publié dans l’édition de l’été 2022, est intitulé : « Gérer la crise en période d’incertitude ». Le rapport décrit comment la guerre en Ukraine et la hausse à l’échelle internationale des prix des produits de base ont exacerbé les vulnérabilités existantes de l’économie tunisienne au cours des premiers mois de 2022. L'impact de la guerre a commencé à se faire sentir, puisque que le déficit commercial s’est creusé de 56% au cours des six premiers mois de 2022, atteignant 8,1% du PIB. L’inflation est passée de 6,7% en janvier 2022 à 8,1% en juin 2022, et le déficit budgétaire devrait atteindre 9,1% en 2022, contre 7,4% en 2021.Absence d’accord avec le FMI : A Tunis, tous les voyants de l’économie sont au rouge, sans que le pouvoir et la population semblent en prendre la mesure. La crise économique, l’inflation galopante et la dette insoutenable se traduisent par une augmentation des prix et une aliénation du pouvoir d’achat. Selon les derniers chiffres de l’Institut national de la statistique, l’inflation s’élève à 8,2% en juillet 2022, mais l’augmentation est encore plus marquée pour certains produits alimentaires comme les oeufs (+ 24,2%), la volaille (+ 21,5%), l’huile d’olive (+ 21,7%), les fruits (+ 17,9%) et le poisson (+ 9,2%). Le gouvernement ne parvient pas à bloquer cette hausse de prix. Il laisse faire, affirment volontiers ses adversaires. Dans ces conditions, le panier de la ménagère reste le principal argumentaire d’une opposition formelle, soucieuse de se faire valoir auprès des populations. En l’absence d’opposition idéologique, la question du pouvoir d’achat risque d’alimenter les débats lors de la campagne des élections annoncées n