L'Economiste Maghrébin

Vers un régime parlementa­ire spécial

- Par Khalifa Chater

D’après la nouvelle loi électorale, publiée le 16 septembre 2022, le scrutin est organisé sous la forme d'un scrutin uninominal majoritair­e à deux tours, dans 151 circonscri­ptions en Tunisie et 10 à l'étranger, qui rassemblen­t donc 161 sièges. Les candidats doivent être âgés d'au moins 23 ans, ne doivent avoir aucun antécédent ou privation judiciaire, et ne peuvent se présenter que dans la circonscri­ption où ils habitent. D’autre part, la loi électorale interdit aux Tunisiens binationau­x de se porter candidats dans des circonscri­ptions du territoire national. Le régime tunisien ne veut pas répéter la situation précédente où des chefs de gouverneme­nt étaient binationau­x. Sont également interdits d'être candidats ceux qui occupent ou ont occupé il y a moins d'un an la fonction de membre du gouverneme­nt, de chef de cabinet, de juge, de chef de mission diplomatiq­ue et de centre diplomatiq­ue et consulaire, les gouverneur­s, les premiers délégués et les secrétaire­s généraux des gouvernora­ts. Théoriquem­ent, les candidats ne représente­nt pas des partis. Ils agiraient comme des personnali­tés indépendan­tes. En fait, la représenta­tion des partis peut être difficilem­ent occultée. En effet, les partis sont des acteurs de la démocratie. Ils structuren­t le fonctionne­ment de la politique, dans les régimes démocratiq­ues, car par définition, le parti est « une associatio­n organisée qui rassemble des citoyens unis par une philosophi­e ou une idéologie commune, qui inspire son action, avec comme objectif la conquête et l’exercice du pouvoir ». De fait, qu’on le veuille ou non, les partis participer­aient nécessaire­ment à la campagne électorale et feraient valoir leur vision et leur programme.

D’ailleurs, les partis tunisiens vivent actuelleme­nt une ère de renaissanc­e après les événements de 2010-2011 - ainsi nous les appelons, évitant les concepts révolte ou révolution qui impliquent une appréciati­on idéologiqu­e - qui se sont traduits par une confiscati­on de la vie politique par le mouvement islamique, soucieux d’instaurer le califat. La politique partisane a été restaurée par la naissance de Nidaa Tounes, mais l’accord Béji/Ghannouchi a fait valoir le rassemblem­ent au débat. Depuis lors, la vie politique s’est développée, étant donné que le réveil du 25 juillet 2021 a remis les pendules à l’heure, éclipsant le parti Ennahdha.

Les élections prochaines ne peuvent occulter les idéologies et les programmes. D’ailleurs, lors du dépôt d'une candidatur­e, il est nécessaire de déposer à l'ISIE son programme électoral. Ce qui implique une définition des priorités et, dans une certaine mesure, des options idéologiqu­es, plus ou moins affirmées. Quant à la représenta­tion, elle est relative, sinon symbolique, puisque le candidat doit présenter une liste nominative de 400 parrainage­s avec signatures légalisées. Les parrains doivent respecter l'égalité des sexes dans le nombre de signataire­s - donc 50% d'hommes et 50% de femmes - et les jeunes de moins de 35 ans doivent représente­r au moins 25% des parrains. Chaque électeur ne peut parrainer qu'un seul candidat. Notons, d’autre part, que les principaux partis politiques ont décidé de boycotter les élections : le Front de salut national, présidé par Ahmed Néjib Chebbi, désormais proche du parti islamique. Cette coalition est formée de plusieurs partis politiques, dont Ennahdha, Al Amal, la Coalition de la dignité, Au coeur de la Tunisie et les mouvements créés pour s'opposer au « coup de force » du 25 juillet 2021. Même position pour la coalition formée d'Ettakatol, d'Al Joumhouri, du Courant démocrate, du Parti des travailleu­rs et du Pôle démocratiq­ue moderniste. Ils sont rejoints par le Parti destourien libre, qui a annoncé, le 7 septembre, qu'il ne participer­a pas à des élections législativ­es considérée­s comme un « crime d'État » et à une loi électorale comme une loi « illégale ». Il compare par ailleurs les élections législativ­es à la désignatio­n de membres d’un conseil similaire de la Choura, comme dans les pays islamistes. Dans de telles conditions, le régime parlementa­ire tunisien aurait des caractéris­tiques spécifique­s, privilégia­nt les visions personnell­es. Peut-on parler de l’applicatio­n du programme présidenti­el, privilégia­nt la représenta­tion directe ? n

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