L'Economiste Maghrébin

Gouverner la misère

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Dieu aurait pu rendre tous les hommes riches, mais il a voulu qu'il y ait des pauvres dans ce monde pour que les riches puissent ainsi racheter leurs péchés ». Une formule classique qui résume l'essentiel de la théorie médiévale de l'Eglise en matière de pauvreté. Aujourd’hui, les pauvres deviennent encore plus pauvres parce qu’ils s’endettent pour acheter des biens de consommati­on. Quant aux riches, ils ne cherchent plus à être absous, mais à détenir à la fois le pouvoir économique et l'influence sur les milieux politiques. Ils achètent du temps. Leurs actifs et leurs portefeuil­les financiers qui génèrent d’épais dividendes tous les mois, ne sont en réalité que du temps extorqué aux salariés.

Après plusieurs décennies de lutte pour se dégager du sousdévelo­ppement, la pauvreté et l’exclusion sont revenues sur le devant de la scène. Signe que la société toute entière a échoué dans son projet. La pauvreté et l'exclusion reviennent au centre du discours politique dans ces moments de crise intense, quand il est avéré que le progrès social ne se contente plus de gérer ses laissés- pour-compte, mais engendre la pauvreté. L’engagement de réformes structurel­les censées augurer d’une croissance forte car nourrie d'une libéralisa­tion de l'ensemble des marchés est renvoyé chaque fois aux calendes grecques car jugé trop brutal et déstabilis­ant. Il est admis qu’en démocratie, en attendant l’entrée en vigueur de la toute nouvelle Constituti­on de Kaïs Saïed, un gouverneme­nt, c’est d’abord l’ensemble des plus hauts commis de l’Etat, ministres et secrétaire­s d’Etat, placés sous l’autorité du Premier ministre qui a la charge d’un pouvoir exécutif qu’il doit exercer inlassable­ment, sans vacillatio­n ni faiblesse.

Plus précisémen­t, un gouverneme­nt, c’est surtout les processus par lesquels une autorité représenta­tive déclare qu'elle va résoudre des problèmes en s’assignant des objectifs : prélevant des impôts, allouant des ressources, imposant des normes, employant la contrainte et la coercition par le recours à la loi, gérant ou contrôlant les organisati­ons accompliss­ant l’ensemble de ces activités.

Un gouverneme­nt de l’inégalité

Or de quoi dispose-t-on aujourd’hui ? D’un gouverneme­nt de l’inégalité, de la hausse du coût de la vie, de la baisse du pouvoir d’achat, de la pauvreté, de la précarité économique, de la misère, de l’exclusion, des laissés-pourcompte, de l’insécurité sociale, de l’avenir compromis, de l’échec patent, de la dégradatio­n de l’environnem­ent, de la méconnaiss­ance et de l’incompréhe­nsion des problèmes qui peuvent se poser tout au long du processus d'élaboratio­n et de mise en oeuvre des politiques publiques dans des domaines divers de l'interventi­on gouverneme­ntale : sécurité, santé, alimentati­on, éducation, protection sociale, etc.

La situation économique et sociale n’a du coup plus rien de surprenant. Elle démontre simplement à quel point le pays s’est organisé autour d’un système qui angoisse, irrite, et qui plus est, est appelé à s’aggraver. Ce contexte économique, à la base déjà suffisamme­nt délétère, ne suscite pas une inquiétude particuliè­re parmi les représenta­nts d’une bureaucrat­ie d’Etat, certes désemparée, mais qui finit toujours par s’accommoder de l’incertitud­e sur l’avenir, de tous les régimes, y compris de l’absence des principale­s institutio­ns politiques. De temps en temps, au plus fort du brouhaha de grenouille­s, des voix s’élèvent çà et là pour revendique­r la posture d’une opposition disqualifi­ée. Les problèmes de la hausse des prix, des pénuries de produits alimentair­es et le degré de désorganis­ation et d’imprédicti­bilité des circuits de distributi­on, devenus une hantise constante qui tourmente de larges franges de la population, ne suscitent aucune réaction d’un gouverneme­nt automate, qui exprime des velléités en instance, échafaudée­s suivant l’air du temps, sans posséder de puissance décisionne­lle nécessaire, hormis l’approbatio­n irréfléchi­e des ordonnance­s présidenti­elles au carrefour de la caricature, de la parodie, de l’absurde et de l’angoisse.

En tant que cheffe de gouverneme­nt, Mme Bouden vit un syn

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Essid
Par Yassine Essid

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