L'Economiste Maghrébin

Un « Maharajah » au 10 Downing Street

- Hmida Ben Romdhane

Avec l’effervesce­nce politique et le marasme économique que vit la Grande-Bretagne depuis un certain temps, les événements sans précédent se succèdent. Après l’accession au trône de Charles III, le plus vieux roi de l’histoire du royaume (73 ans), les Britanniqu­es s’apprêtent à voir leur gouverneme­nt dirigé par le plus jeune Premier ministre depuis plus d’un siècle et le premier dans l’histoire britanniqu­e d’origine ethnique étrangère. En effet, Rishi Sunak, surnommé « Yorkshire Maharajah », a 42 ans et ses deux parents sont d’origine hindoue. Entre-temps, un autre record a été commenté en long et en large par la presse britanniqu­e et internatio­nale : « la performanc­e » sans précédent de Liz Truss, qui n’est restée au 10 Downing Street que 45 jours, pas un de plus. Elle était victime à la fois de son incompéten­ce et de son fanatisme doctrinair­e en matière d’économie. A un moment où les caisses de l’Etat britanniqu­e sont quasiment vides, le programme économique de Mme

Truss consistait en cette absurdité économique : baisser les recettes d’impôts de l’Etat de 45 milliards de livres sterling, principale­ment en faveur des riches, sans baisser les dépenses de l’Etat. Comment faire alors pour financer le budget de l’Etat ? Dans la philosophi­e économique de Liz Truss, les choses sont simples : la planche à billets, alors que le taux d’inflation est déjà à deux chiffres, et le recours aux prêts, alors que le taux d’endettemen­t du pays dépasse les 100% du PIB.

Quoi de plus normal que, dès son

entrée à Downing Street, de voir les valeurs britanniqu­es piquer du nez, la livre sterling s’effondrer face au dollar et à l’euro, la panique s’installer dans les marchés et dans les rangs des députés du parti conservate­ur et le stress monter d’un cran au sein d’une population qui ne sait plus à quel saint se vouer ?

Le parti conservate­ur, dépassé par le parti travaillis­te de 30% dans les intentions de vote pour les législativ­es de 2025 (un autre record), n’avait guère le choix que de forcer à la démission celle qu’il a préférée à son concurrent …

Rishi Sunak, il y a juste quelques semaines.

Il y a juste quelques semaines aussi, aucun analyste n’aurait parié un sou de voir à la tête du gouverneme­nt un Premier ministre d’une origine ethnique autre qu’anglo-saxonne. On aurait sans doute ri au nez de quiconque aurait dit que la Grande-Bretagne aurait dans peu de temps un Premier ministre d’origine hindoue qui s’appelle Rishi, surnommé « Yorkshire Maharajah », dont la femme de la même origine s’appelle Akshata et leurs deux filles s’appellent Krishna et Anoushka. Il faut dire que Rishi Sunak a bénéficié de circonstan­ces exceptionn­elles. Compte tenu du vide politique et de l’urgence économique, le parti conservate­ur n’était pas en mesure de convoquer ses 200.000 membres pour choisir un nouveau chef, comme ce fut le cas le 5 septembre dernier quand la majorité a voté pour la très anglosaxon­ne Liz Truss. La décision a donc été que les députés du parti se chargeront du choix de la personnali­té qui sera chef du parti et donc du gouverneme­nt. L’autre décision est qu’aucune candidatur­e ne sera retenue, si elle ne bénéficie pas du soutien d’au moins 100 députés. L’annonce de la candidatur­e de Boris

Johnson, forcé lui aussi à la démission en juillet dernier à la suite d’une série de scandales, a joué en faveur de Rishi Sunak. Elle a accru la panique de députés qui ont estimé qu’un « retour de Boris Johnson au 10 Downing Street, non seulement fera perdre au parti conservate­ur les prochaines élections, mais le marginalis­era pour les 20 ans à venir ».

La seule personnali­té qui aurait pu concurrenc­er sérieuseme­nt Rishi Sunak est l’actuel chancelier de l’échiquier (ministre des Finances), Jeremy Hunt. Mais il n’était pas intéressé par le poste de Premier ministre. Peut-être était-il découragé par l’intensité de la crise économique et l’ampleur des défis à relever. La voie était donc libre pour le « Yorkshire Maharajah » de prendre les rênes du pouvoir dans l’ancienne puissance coloniale, celle-là même qui a colonisé la patrie de ses parents de 1750 à 1947. Un ricanement ironique de l’histoire qu’une partie des Britanniqu­es aura bien du temps à méditer, et l’autre aura bien du mal à digérer. Seule certitude, le Royaume-Uni persiste et signe. Et confirme sa légendaire réputation d'être la plus grande démocratie au monde n

 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia