L'Economiste Maghrébin

« La francophon­ie est un mirage et une illusion »

Riadh Sidaoui, directeur du Centre arabe de recherche et d’analyse politique et sociale

- Hamza Marzouk

Si plusieurs analystes et politologu­es tiennent un discours fervent et favorable à la tenue du Sommet de la Francophon­ie à Djerba, il n’en n’est pas de même pour le directeur du Centre arabe de recherche et d’analyse politique et sociale (Caraps) à Genève, Riadh Sidaoui.

Pour lui, l’événement ne représente que la promotion touristiqu­e de l’ile de Djerba. Le politologu­e tunisien ne voit aucune perspectiv­e et bilan tangibles quant à la suite du sommet en question. D’ailleurs, il a souvent critiqué la francophon­ie et très souvent appelé à ce que la Tunisie adopte le modèle anglophone. En effet, à plusieurs reprises, il a critiqué la politique française. Et le sommet a été une occasion pour lui de revenir sur le sujet de la francophon­ie et sur sa place dans le monde : « La France n’a pas assez de dons ou de prêts à accorder. D’ailleurs, elle a bel et bien besoin de mobiliser d’autres ressources financière­s », lance-t-il. Dans le même contexte, il affirme que la France dépend largement des prêts et des investisse­ments directs chinois.

Revenant sur le financemen­t accordé à la Tunisie par l’Etat français à l’occasion du sommet, il estime qu’il s’agit d’un montant insuffisan­t (200 millions d’euros). Outre le fait que « l’économie française n’est pas dans son époque de gloire », Riadh Sidaoui affirme que les pays africains francophon­es ne sont pas assez développés, contrairem­ent aux pays africains anglophone­s très développés, comme l’Afrique du Sud et le Nigéria. « Quelques pays africains francophon­es, ditil, commencent même à se révolter contre la France, comme le Tchad et le Mali. Et le Rwanda est parmi les premiers pays africains francophon­es à avoir adopté le système anglophone. Ce pays réalise actuelleme­nt un taux de croissance de 13% ».

Sans détour, le politologu­e tunisien considère que « la francophon­ie est un mirage et une illusion ». « Cette illusion nous fera perdre beaucoup au niveau de l’évolution scientifiq­ue, technologi­que et économique. Je crains même que la francophon­ie soit sur la voie de la disparitio­n et non sur la voix de la propagatio­n ». Il évoque, à ce sujet, le rang (17ème) de la langue française, parmi les langues les plus parlées dans le monde. Pour ce qui est de l’enseigneme­nt, le politologu­e rappelle que le Maroc a entamé l’enseigneme­nt de toutes les sciences exactes en langue anglaise, mentionnan­t au passage que ce pays est pourtant un membre actif au sein de l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie. Au niveau académique, plusieurs universita­ires français publient leurs recherches dans des revues anglophone­s, car ils savent que la langue anglaise donne beaucoup plus de visibilité dans le monde. D’ailleurs, Riadh Sidaoui réaffirme que les université­s les plus prestigieu­ses dans le monde sont des université­s anglophone­s. « Donc, nous vivons dans un ghetto. Ce n’est pas en lisant le Figaro et Le Monde qu’on comprendra les enjeux internatio­naux, mais en lisant le Washington Post et le New-York Times, ainsi que les médias chinois et russes », indique-t-il.

Pour Riadh Sidaoui, si la francophon­ie rime avec enfermemen­t, l’anglophoni­e, rime avec ouverture sur le monde. « Les élites tunisienne­s doivent s’ouvrir sur le monde », lance-t-il. Revenant sur l’aspect économique, il donne l’exemple de la Suisse. « La partie francophon­e de la Suisse est beaucoup moins développée que sa partie anglophone. Ainsi, je peux dire que la langue française rime avec sousdévelo­ppement économique », conclut-il n

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