De Sommet en Sommet, une semaine bien occupée
Cette mi-novembre a été largement accaparée par l’Asie et l’Afrique, où les dirigeants des principales nations du monde s’y sont retrouvés pour une cordillère de Sommets, dont on avait perdu l’habitude. Pendant près de trois ans, la pandémie a réduit les échanges à haut niveau à des exercices en ligne, formels, sans les apartés les yeux dans les yeux, le demi-mot qui en dit long, les photographies suggestives que permettent les rapprochements physiques. Ces Sommets étaient d’autant plus attendus que les zones de tensions géopolitiques, économiques, financières se sont multipliées et que les risques de dérapages sont réels. Malgré l’ambiguïté des positions affichées et la tradition d’irrespect des engagements pris, ces rencontres demeurent irremplaçables.
Une cordillère de Sommets
L’Afrique avec la COP27 où, à Charm el-Sheikh, plus d’une centaine de chefs d’État se sont rendus pour réitérer les engagements pris et annoncer d’autres initiatives. La première semaine fut celle des déclarations, la seconde celle des négociations. Négociations laborieuses, qui ont exigé de retarder la clôture, avec fausses sorties, textes de compromis de dernière minute, claquements de portes pour finalement s’entendre sur un texte salué par les uns, car il introduit l’idée de réparer les dommages climatiques pour les pays les plus vulnérables, et critiqué par les autres, pour son flou et le renvoi à 2023 pour les dispositions opérationnelles.
Au total, une COP sans grand éclat et qui amène certains à se poser la question de la pertinence d’une enceinte présentée comme innovante car associant toutes les parties prenantes, des gouvernements à la société civile en passant par les entreprises, mais qui a du mal à voir ses conclusions devenir réalité tant sont puissants les freins et forte est l’hypocrisie ambiante.
L’Afrique également avec le Sommet de la Francophonie à Djerba, marqué par la participation de nombreux chefs d’État ou de gouvernement. La Francophonie qui entend démontrer que la langue n’est pas seulement un vecteur d’échanges culturels, mais aussi d’échanges économiques, pour peu que l’on trouve les modes opératoires appropriés car, avec 14% de la population mondiale et 18% du PIB, l’aire francophone pèse de tout son poids dans les rapports internationaux. Les changements actuels auxquels le commerce mondial est soumis pourraient conduire à des aménagements plus facilement que naguère.
L’Asie, avec de nombreuses rencontres très attendues et qui montrent bien la place centrale prise par ce continent. Le Sommet de l’ASEAN au Cambodge, où les dix États d’Asie du Sud-est se retrouvaient avec d’autres pays comme la Chine, représentée par le Premier ministre LI Keqiang, la Russie, les États-Unis.
Le Sommet de l’APEC à Bangkok, qui rassemble les pays bordant le Pacifique et qui a fourni une nouvelle occasion de dialogues personnels et montré le caractère stratégique de la zone Asie-Pacifique, avec l’attention accrue de l’Europe, le Président Macron y étant invité personnel.
Ces Sommets ont été dominés par la question de la guerre en Ukraine, même si leur vocation n’est pas de traiter ce type de sujets, mais, plutôt de coopération économique et financière. États-Unis et Europe ont insisté pour que l’occasion de condamner la Russie et de distancier Pékin et Moscou soit saisie.
C’est le G20 à Bali qui a retenu l’attention principale et lui d’ailleurs qui a permis de trouver les mots transactionnels sur l’Ukraine pour éviter l’impasse.
Le Président indonésien aurait bien voulu mettre dans la même pièce les protagonistes du drame ukrainien, mais c’était tâche impossible. Vladimir Poutine n’est pas venu et, s’il était venu, Joe Biden ne l’aurait pas rencontré. L’heure de la négociation n’a pas encore sonné et les contacts discrets entre Américains et Russes visent surtout à contenir l’escalade.
Il a fallu faire preuve d’habilité d’écriture pour parvenir au compromis rendant possible la publication d’un communiqué final. Celui-ci privilégie l’angle économique pour déplorer les dégâts sur l’économie mondiale de la guerre en Ukraine et fait état d’opinions différentes. Chacun s’y retrouve.
Le G20 a permis les entretiens personnels les plus médiatisés. Celui, bien sûr, entre les Présidents XI et Biden. Les spéculations allaient bon train sur ce qui pouvait en sortir. La visite
Avec 14% de la population mondiale et 18% du PIB, l’aire francophone pèse de tout son poids dans les rapports internationaux. Les changements actuels auxquels le commerce mondial est soumis pourraient conduire à des aménagements plus facilement que naguère.
à Taïwan de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, avait amené Pékin à suspendre les contacts bilatéraux de haut niveau entre émissaires américains et chinois sur le climat, les affaires militaires. Seraient-ils rétablis à l’issue de ce dialogue ? Signaux de détente ou poursuite de l’ambiance de guerre froide ? Les chances pouvaient être jugées minces, car la fermeté à l’égard de la Chine est un des rares sujets de consensus au sein de la société américaine. Quelle que soit la couleur politique du Président, Washington ne peut admettre de se voir supplanter de la première place. Le dernier rapport américain sur la sécurité nationale le dit sans ambages. Pour sa part, dans son discours d’ouverture du XXème Congrès, XI Jinping avait évoqué les temps orageux qui s’annoncent et les entraves que l’on veut dresser pour empêcher l’ascension de la Chine. La réunion des deux chefs d’État s’est terminée sur une note positive, car ils ont affiché la même volonté de renouer le fil du dialogue, sans pour autant céder sur les positions fondamentales. Un hiatus, la remontrance du Président chinois à l’égard du Premier ministre canadien qui, rompant avec les usages diplomatiques, s’était empressé de donner le contenu de ses entretiens avec XI à la presse.
Quelle identité pour le G20 ?
A l’issue de cette enfilade de rencontres au plus haut niveau, la question se pose de savoir quels en sont les résultats et quelle est leur utilité.
Le G20 est symbolique de cette architecture plurilatérale, à format restreint où l’on essaye d’être le plus représentatif possible sans tomber dans le piège du nombre excessif de participants, des 200 États dans la salle. L'orientation générale des G20 dépend beaucoup du pays qui en assure la présidence. La diversité au sein du G20 est bien plus grande qu’au G7, qui ne comprend que des pays industrialisés, quatre européens, deux nord-américains et un asiatique. À noter aussi la prééminence de Washington qui, avec la priorité accordée désormais aux questions de sécurité en Europe, s'est renforcée dans ce cénacle.
Le G7 est né en 1975 de la fin du système de taux de changes fixes issue de Bretton Woods, le dollar cessant d’être convertible en or. Le G7 était destiné à être une enceinte informelle des grands décideurs du monde pour réduire les incertitudes, faire face aux chocs, notamment pétroliers.
Le G7 s'est rapidement écarté de cette vocation pour embrasser celle de devenir un lieu d'ajustement des positions et des politiques des pays occidentaux sur les grandes questions internationales, pas seulement économiques, même si celles-ci restent essentielles. Son importance relative a diminué, les 7 pays perdant du terrain face à la Chine et aux grands émergents.
Le G20 a connu la même justification originale de réducteur d'incertitude avec, à partir de la fin des années 90, la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales d'une vingtaine de pays, représentant 80% du PIB mondial.
Le G20 est d’un fonctionnement plus complexe, car des clivages profonds se manifestent. Les émergents ont à coeur de mettre en avant un agenda fondé sur les questions de développement et de son financement, sur les moyens de parvenir à un meilleur équilibre du monde, sur leur représentation dans les organisations multilatérales estimées insuffisante… Joki Wikodo, le Président indonésien, a su manoeuvrer habilement pour parvenir à des compromis acceptables dans une conjoncture très difficile. La rivalité sino- américaine se durcit et gagne tous les domaines, la guerre en Ukraine ébranle l’Europe, les fluctuations économiques font craindre la récession, les frustrations sur les dérèglements climatiques occupent l'actualité et divisent profondément l'humanité. À partir du 1er décembre 2022, l'Inde prendra la présidence du G20 et a déjà annoncé les grandes lignes de son agenda. Elle veut qu’il soit plus conforme à l’ambition originelle du G20, plus concentré sur la bonne marche de l’économie mondiale, la croissance et les questions financières intéressant les pays du Sud.
Marché de l'énergie, approvisionnement alimentaire, transition écologique, transformation numérique seront les priorités de New Delhi, avec en corollaires, l’accès aux financements et aux technologies pour les pays du Sud.
En sera-t-il bien ainsi ?
La volonté indienne sera certainement entière pour faire avancer ces revendications, mais le point d’interrogation inévitable est de savoir ce que sera le monde dans douze mois, l’imprévisibilité n’ayant jamais été aussi grande qu’aujourd’hui n