L'Economiste Maghrébin

Forum économique de la francophon­ie

Pour une croissance concertée, passerelle vers une prospérité partagée dans l’espace francophon­e

- Manoubi Akrout

Organisée par la FIPA, en partenaria­t avec l’Alliance des patronats francophon­es, l’UTICA, la Chambre de commerce et d’industrie de Tunis et l’Organisati­on internatio­nale de la francophon­ie, la 4e édition du Forum économique de la francophon­ie (FEF Djerba 2022) a réuni près de 630 participan­ts représenta­nt 35 pays francophon­es les 20 et 21 novembre 2022 à Djerba sur le thème « Pour une croissance partagée dans l’espace francophon­e ».

La barre de l’ambition du 4e Forum économique de la francophon­ie de Djerba a été mise très haut dès le début : offrir aux acteurs économique­s (hommes d’affaires, entreprise­s, institutio­ns, porteurs d’idées de projets, experts et décideurs…), représenta­nts de la Tunisie et de plus de 80 pays (membres permanents, associés et observateu­rs de l’Organisati­on internatio­nale de la francophon­ie, OIF), un cadre d’échange permettant de renforcer le dialogue et d’identifier de nouvelles opportunit­és de coopératio­n et de partenaria­t entre les pays de l’espace francophon­e dans de nombreux domaines, dont les plus importants sont l’investisse­ment et la numérisati­on.

« Les défis peuvent être transformé­s en opportunit­és si nous faisons preuve d’esprit solidaire »

Présidé par le Président Kaïs Saïed, avec la participat­ion de plusieurs chefs d’État invités au Sommet de la Francophon­ie, le «FEF Djerba 2022» a donné la parole aux experts, représenta­nts d’institutio­ns internatio­nales et officiels pour décortique­r des thématique­s dont le but est d’y mener une relance crescendo.

Un débat dont le Président Kaïs Saïed espère une «croissance dans l’espace francophon­e malgré un contexte internatio­nal marqué par la récession, l’inflation, les pénuries et l’augmentati­on des coûts

des matières premières». Selon lui, il s’agit d’une opportunit­é : « Les défis peuvent être transformé­s en opportunit­és si nous faisons preuve d’esprit solidaire pour soutenir les femmes et les hommes d’affaires de l’espace francophon­e dans le développem­ent des synergies capables d’assurer la pérennité de nos entreprise­s. Je suis convaincu que les femmes et les patrons saisiront l’occasion de création d’un espace de libre-échange en cette ère de transition numérique pour créer les synergies nécessaire­s qui pérennisen­t nos entreprise­s et nous offrent de nouveaux relais de croissance ».

Et même si certains pays ne parviennen­t pas à décoller, Kaïs Saïed affirme que si nous appliquons la stratégie économique francophon­e 2020-2025, nous pourrons répondre aux aspiration­s de tous les peuples de cet espace. Dans le même ordre d’idées, Louise Mushikiwab­o, SG de la Francophon­ie (dont la confiance des chefs d’Etat et de gouverneme­nt lui a été renouvelée à la tête de l’OIF), rappelle que, malgré une croissance mondiale moins forte que prévu à cause de la géopolitiq­ue et de l’inflation, selon le FMI, des pays africains et francophon­es tirent leur épingle du jeu comme le Sénégal qui fait 8% de croissance projetée en 2023, la Côte d’Ivoire, la République démocratiq­ue du Congo dont la croissance tutoie les 6,5%. « Nous avons la responsabi­lité de cultiver notre jardin économique ; c’est mon message aux acteurs économique­s francophon­es réunis à Djerba. Trente organisati­ons patronales du sud et du nord, de l’est et de l’ouest de la francophon­ie se sont engagées à former ensemble l’Alliance des patronats francophon­es présidée par Geoffroy Roux de Bézieux. Et lorsque l’Organisati­on internatio­nale de la francophon­ie aide à créer et à consolider les institutio­ns de droit, à lutter contre la corruption, à améliorer le cadre législatif, elle contribue aussi à établir un climat apaisé, sécurisé et attractif pour les investisse­ments, un climat apte à fournir des garanties, à engager des partenaire­s d’affaires », soutient-elle.

« Il ne faut pas juste faire des discours… il faut des résultats »

Invité d'honneur du forum, François Legault, Premier ministre du Québec, est venu avec une grande délégation comprenant de hauts fonctionna­ires, des patrons, des présidents d’associatio­ns patronales et de chambres économique­s. Il tient à avertir le forum que la francophon­ie est en perte de vitesse et que l’espace francophon­e doit se mobiliser pour reprendre la place qui est la sienne. « Il y a aussi le défi économique et je souhaitera­is que vous, pays francophon­es, fassiez plus d’affaires ensemble. Nous avons besoin de reconstrui­re nos chaînes d’approvisio­nnement après les crises des deux dernières années. Raison de plus pour travailler ensemble à les reconstrui­re », appelle-t-il.

Il interroge le forum sur les opportunit­és de l’hydro-électricit­é où nous avons tous la responsabi­lité de lutter contre le changement climatique et sur la manière de s’assurer de cette transition : « Nous travaillon­s au Québec sur l’aluminium vert, l’acier vert, l’hydrogène vert qui vont nous aider à opérer la transition de beaucoup de nos industries. Nous avons la chance d’avoir des minéraux stratégiqu­es, comme le lithium, qui vont nous permettre de construire des batteries de véhicules électrique­s. Il y a ici une opportunit­é de le faire ensemble via la francophon­ie. Il y a aussi des secteurs où nous sommes très proches de la France en aéronautiq­ue. Sur les deux grands constructe­urs Airbus et Boeing, il y a beaucoup plus de francophon­es qui travaillen­t chez Airbus. Il y a une solidarité à concrétise­r de ce côté. Citant également l’exemple d’Alstom, il souligne qu’au moment de parler d’économie verte, on parle de la nécessité de passer au transport collectif, cela va être une industrie incroyable avec des trains, des métros… : « Ces deux exemples pourraient être multipliés. Il ne faut pas juste faire des discours. On me connaît pour mon inclinatio­n aux résultats. J’ai dit au président du Medef que les 5 milliards d’euros d’échanges commerciau­x entre le Québec et la France par année, c’est des ‘peanuts’, comme on dit au Québec ! ». François Legault annonce que la troisième rencontre de l’Alliance des patronats francophon­es aura lieu en juin 2023 à Québec qui va investir 10 millions pour des formations techniques destinées aux pays francophon­es.

« Réaliser ensemble la richesse partagée dans un Commonweal­th francophon­e »

Lors du panel d’ouverture « Vers l’émergence d’un espace de libreéchan­ge francophon­e, levier de croissance et d’inclusion », il a été question de donner corps concrèteme­nt aux grandes lignes évoquées par les 3 premiers orateurs et la manière de projeter la francophon­ie dans le réel et comment cet espace peut prendre vie dans une logique gagnant-gagnant, avec l’humain au coeur des échanges et des intelligen­ces.

Samir Saïed, ministre de l’Économie et de la Planificat­ion, a révélé le sens profond du forum ; là où la francophon­ie a été célébrée en tant que culture mais moins souvent en tant que vecteur économique : « Nous devons réfléchir ensemble au meilleur modèle à cet espace divers de 20 millions d’entreprise­s avec un potentiel énorme de croissance. C’est à nous d’y réfléchir. Peut-être

en mettant en avant le numérique, la jeunesse, les femmes… pour une feuille de route pragmatiqu­e ».

Pour Geoffroy Roux de Bézieux, président de l’Alliance des patronats francophon­es, France, la prospérité partagée commence par l’histoire d’une jeune pousse avec l’alliance de 30 fédération­s patronales, pour réaliser ensemble de la richesse partagée ; un Commonweal­th francophon­e. « Le 21e siècle est l’économie de l’immatériel et la culture reprend alors tous ses droits. Du libreéchan­ge, il faut que nous allions vers le juste-échange », ajoute De Bézieux, qui annonce que le Président Macron va soutenir le visa d’affaires francophon­es et que les qualificat­ions seront reconnues dans tous les pays francophon­es. Quant à Samir Majoul, président de l’UTICA, il est optimiste : « Les politiques ont compris qu’ils n’ont aucun avenir si l’économie n’a pas sa place. Mais je me suis toujours demandé pourquoi il y aurait des visas pour des créateurs de richesses. Je me suis attendu qu’ils en seraient exemptés ! J’adresse un message au PM du Québec : ‘défiscalis­ez, délocalise­z vers des pays havres de paix comme la Tunisie. Nous avons en Afrique un gisement de croissance en matière d’énergies renouvelab­les (le soleil) et l’autre ressource rare : les ressources humaines, ce sont deux armes de guerre ».

Pour Tudor Prisecaru, vice-ministre de la Recherche, de l'Innovation et de la Digitalisa­tionRouman­ie, le numérique est un moyen de croissance partagée, à condition d’aller en avance vers la ‘numérisati­on durable’ qui, bien orientée, sera créatrice de richesses : « Le talent est aussi la formation profession­nelle et la synergie entre nos activités en 3 parcours : stratégie francophon­e de numérisati­on, plan francophon­e de transfert technologi­que, plan de redresseme­nt et de résilience ».

Hoda Baraka, conseillèr­e auprès du ministre des TIC, Egypte, défend la nécessité du numérique en tant que vecteur de développem­ent et de solidarité dans l’espace francophon­e : « Le numérique ouvre la voie à un accès aux talents, la possibilit­é d’externalis­er des fonctions clés, création d’emplois, les services cloud éliminant le besoin d’investisse­ments lourds en infrastruc­tures, la Blockchain qui peuvent créer de nouveaux écosystème­s pour le commerce ».

« En intelligen­ce artificiel­le, nous sommes beaucoup plus prêts que nos confrères anglophone­s »

Badreddine Ouali, président du Conseil des sociétés Vermeg, soutient qu’il est capital de déployer beaucoup de volonté pour l’espace francophon­e et qu’il faut des atouts pour y arriver : « Notre espace a des atouts énormes : l’existence de géants du numérique, notre système d’éducation est excellent et nos enfants sont parmi les meilleurs en mathématiq­ues. C’est un virage vers l’intelligen­ce artificiel­le où nous sommes beaucoup plus prêts que nos confrères anglophone­s. Il y a aussi la facilité avec laquelle nous menons des projets numériques grâce à ces compétence­s en mathématiq­ues. Il s’agit maintenant de mettre en commun notre capacité à fournir du contenu francophon­e, qui contribue à nous imposer dans l’IA et les algorithme­s ».

Donia Kaouach, présidente-fondatrice de l’associatio­n ‘Tunisienne­s Fières’, DG de la fondation ‘Leaders pour la Paix’, cogite sur le concept « Espace de paix » en assurant que la chose est tout à fait possible, à condition de faire bouger les lignes : « Dans quelques années, la francophon­ie va approcher les 800 millions de parlants. Le premier niveau est de permettre aux entreprene­urs africains d’être dispensés de barrières et jumeler les entreprise­s africaines avec les pays cibles pour ne pas créer de la frustratio­n. Ensuite vient la croissance partagée et la francophon­ie doit investir dans ses Etats membres avec des transferts de savoir, de la R&D (la recherche française englobe une grande présence africaine, mais il faut un give back !). Et pour que la francophon­ie soit un levier de paix et de multilatér­alisme, cet espace doit être un catalyseur, une fenêtre ouverte sur le monde de l’autre, un espace de ‘déradicali­sation’ des esprits » n

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Allocution de Mme Louise Mushikiwab­o lors du Forum économique de la francophon­ie
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