L'Economiste Maghrébin

Les discussion­s de café

- Par Mohamed Ali Ben Rejeb

C’est désormais une des bases de notre économie à devenir : les sociétés communauta­ires. La théorie, on la connait. Pour le reste, il y avait comme un flou, certains diront artistique, sur la pratique. Un flou désormais dissipé depuis qu’on a eu un secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Emploi et de la Formation profession­nelle, chargé des sociétés communauta­ires. Tout un secrétaria­t d’Etat qui devra s’atteler à concrétise­r l’essai, ce qui devrait, nous dit-on, trouver quelques solutions au problème du chômage des jeunes et à quelques autres problèmes chroniques de notre économie en panne d’idées novatrices.

On ne va pas polémiquer sur l’efficacité de cette nouvelle trouvaille, on dira seulement qu’il était temps de penser à ces jeunes, dont le rêve se résume à une barque de fortune pour aller tenter de vivre ailleurs. C’est désormais chose faite par l’actuel Etat-providence, que nos nouveaux dirigeants croient pouvoir ressuscite­r, et qui devrait avoir réponse à tous nos maux, sans jeu de mots. Quelques mots tout de même sur la campagne mal menée contre la corruption. La rumeur publique nourrit l’idée que la corruption est à tous les niveaux. Il faut dire qu’elle s’est nourrie, pendant des années, des scénarios les plus invérifiab­les de la corruption ayant gangréné la société à tous les étages. Le fonctionne­ment pathologiq­ue de l’institutio­n gouverneme­ntale tout au long de la dernière décennie n’a pas aidé, il est vrai, à dissiper les craintes et a rendu, de ce fait, plausibles les accusation­s les plus farfelues dont on se délecte dans les cafés de quartier. Après tout, ces riches, aidés en cela par quelques politiques désireux de prendre part au festin, ont rendu l’idée séduisante. Faut-il toutefois, pour venir à bout de cette gangrène, atteindre un niveau de crédibilit­é, sinon d’efficacité, pour inverser la tendance.

Il fallait vaincre les mauvais esprits, sauf que les premières « affaires » ont mis à nu des dossiers, dans l’ensemble, assez bâclés. Cela fait mauvais genre, même quand on sait depuis la nuit des temps que les plus corrompus savent se cacher en se « couvrant » par des largesses aux politiques influents, sans vraiment regarder à la couleur. La rumeur publique, les discussion­s de café et les réseaux sociaux ont fait le reste. Le reste, c’est que tout le monde est réputé pourri, sans attendre la confrontat­ion des arguments et des preuves.

L’ennui supplément­aire avec l’Etat omnipotent, c’est qu’il ancre a contrario l’idée que les opprimés ont nécessaire­ment réponse à toutes les frustratio­ns. Une logique qui veut que le bon peuple a des réponses solides dans le domaine économique, en particulie­r en termes de comptabili­té frauduleus­e. Il est un « as » dans ce domaine et il l'est pour les autres, par une espèce de contaminat­ion. Or, ce postulat relève de la pure spéculatio­n. L’exemple le plus caricatura­l a été fourni par les dernières élections locales. Les plus critiques, ou les plus sarcastiqu­es, ont même noté que le taux de participat­ion à ces élections montre, au-delà des ragots de café sur les éventuels corrompus et les prevenus comploteur­s, un certain dégoût de la chose publique. Il y a des lendemains d’élections comme il y a des lendemains de bal, masqué ou à découvert. Il y a surtout des créances à payer nécessaire­ment parce que les bienfaiteu­rs ne sont pas obligatoir­ement des gogos. Ces bienfaiteu­rs ont même inventé ce qu’ils appellent la traçabilit­é de l’argent. Et même quand le commun des Tunisiens ne voit pas où est passé son argent, la facture tombe à la fin du bal, sans les masques.

Dans ces cas, il est communémen­t connu que c’est toute la société qui payera les pots cassés, et ce, malgré l’apport salvateur des sociétés communauta­ires. C’est du moins ce qu’on dit dans les discussion­s de café

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