Election présidentielle Nous y voilà déjà !
Des mois nous séparent de la présidentielle de l’automne prochain. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’en parle pas déjà. La date n’est pas bien précisée et les questions sur les possibles candidats ne manquent pas d’être posées. On verra sans doute plus clair dans les prochains jours.
Les élections pour le Conseil national des régions et des districts ne sont pas encore terminées : celui-ci devra être mis en place en mars-avril 2024. Pourtant, on commence déjà à évoquer l’élection présidentielle. « Elle devra avoir lieu en septembreoctobre prochain », a indiqué Mohamed Tlili Mansri, porte-parole de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), le 4 février 2024, à notre confrère Mosaïque Fm. L’article 90 de la Constitution de 2022 stipule que l’élection présidentielle a lieu au cours des trois derniers mois du mandat présidentiel. Quoi qu’il en soit, l’imprécision est bien au rendez-vous.
Une élection présidentielle ne doit-elle pas avoir lieu à une date précise ? La preuve, dans notre environnement proche, en Mauritanie et en Algérie, la présidentielle est fixée, respectivement, pour juin et pour décembre de cette année. Cette élection aurat-elle lieu ? Même s’il ne peut s’agir que d’une crainte injustifiée - on sait que les échéances électorales seront respectées - des opposants ont soufflé l’idée. Le dernier en date, l’avocat Samir Dilou, membre du reste du Comité de défense des détenus dans le cadre de l’affaire de complot contre la sûreté de l’État, durant l’émission « Houna Tounes » de Moez Ben Gharbia sur Diwan Fm, le 7 décembre 2023, a soutenu : «une élection présidentielle n’aura lieu qu’en l’absence de véritable concurrence ». Une déclaration qui fait suite à celle de l’ancien ministre Mohamed Abbou, qui a affirmé, le 28 août 2023, au micro de Wassim Ben Larbi sur Express Fm, que Kaïs Saïed « ne comptait pas organiser d’élection présidentielle en 2024 », évoquant « les déclarations du chef de l’Etat lors de la commémoration du 23ème anniversaire du décès du leader et premier président de la République, Habib Bourguiba ». Des réactions à connotation politique de la part d’opposants déclarés au chef de l’Etat.
Dans un article publié le 6 février 2024 dans les colonnes de notre confrère « Acharaa Al Magharibi », le professeur de droit Amine Mah
foudh fait cette réflexion quant à la déclaration du chef de l’Etat du 6 avril 2023, à Monastir : « il n’a pas indiqué la date de cette présidentielle, mais il a aussi prononcé des mots qui pourraient signifier que celle-ci n’aura pas lieu ».
Déficit de communication
Même s’il ne faut pas évidemment ne pas prendre en considération la réflexion d’un professeur de droit de grande notoriété, on pourrait regretter que l’ISIE ne communique pas sur cet aspect des choses pour dissiper les craintes et faire toute la lumière sur cette élection présidentielle qui commence à intéresser une bonne partie de l’opinion et de la classe politique. Ce qui nous oblige à revenir sur ce déficit de communication qui ne cesse de caractériser le travail de l’ISIE qui serait, du moins pour certains, responsable de la faiblesse des résultats des dernières échéances électorales. L’Instance ne pouvait-elle pas organiser ne seraitce qu’une conférence de presse et accepter le jeu des questions-réponses ? N’est-elle pas soumise, comme toute instance publique, à cette « redevabilité » qui est définie comme « l'obligation pour le responsable d'expliquer ses décisions » ? C’est la pierre angulaire d’une bonne gouvernance. Il faut informer et communiquer et non pas seulement par le biais d’une simple déclaration, comme l’a fait le porte-parole de l’ISIE, le 4 février 2024.
Et c’est par le même procédé - une déclaration aux médias - que le porte-parole de l’ISIE est venu annoncer, le 6 février 2024, que « les conditions de candidature prévues par la loi organique n°201416 du 26 mai 2014 relative aux élections et aux référendums ne prévoient pas la présentation ou le dépôt du bulletin n°3 (bulletin du casier judiciaire du citoyen). Cela signifie que toute personne faisant l’objet de poursuites judiciaires ou incarcérée peut se porter candidate à l’élection présidentielle ».
Quid de la candidature d’Abir Moussi ?
Une déclaration sans doute nécessaire pour ceux qui se posent des questions au sujet de la candidature d’Abir Moussi, présidente du PDL (Parti destourien libre), qui a des démêlés avec la justice depuis « le 3 octobre 2023, quand elle est arrêtée à l'entrée du Palais présidentiel de Carthage lors d'une tentative pour déposer des recours contre les décrets présidentiels pris concernant les élections locales prévues pour la fin de l’année ». Celle-ci devait, d’ailleurs, comparaître, le 13 février courant, devant le juge d’instruction près le tribunal de première instance de Tunis, dans une nouvelle affaire intentée par l’ISIE. S’exprimant dimanche 28 janvier 2024, lors d’une rencontre organisée à Sfax consacrée à la présentation du « programme du PDL dans le domaine de la jeunesse, la transition numérique et l’intelligence artificielle », Karim Krifa, membre du Bureau politique du PDL et du Comité de défense d’Abir Moussi, a annoncé que la présidente du parti présentera sa candidature à la prochaine élection présidentielle ». C’est ce qu’a écrit, le 6 février 2024, notre confrère Béchir Lakani, dans notre édition électronique. Serait-ce le seul cas ? On parle aussi de Mohamed Lotfi Mraïhi, secrétaire général du parti de l’Union populaire républicaine (UPR), qui a estimé, dans une déclaration en marge d’une visite à Sfax, les 28 et 29 janvier 2023, que « les tensions et l’absurdité marquant la vie politique en Tunisie encouragent à se présenter à l’élection présidentielle et à oeuvrer en vue de changer la scène politique pour le meilleur». On sait par ailleurs qu’il a été condamné en janvier 2024 par la chambre correctionnelle près le Tribunal de première instance de
Tunis, à « six mois de prison avec sursis ». La clarification était sans doute nécessaire pour faire taire peut-être ceux qui disent que le pouvoir utilise la justice pour éliminer des adversaires de l’élection. Gageons cependant que le dossier n’est pas clos.
Suspension du partenariat avec l’ISIE
Pour l’heure, seule la présidente du « Parti de la 3ème République », Olfa Hamdi, a annoncé sa candidature à la prochaine élection présidentielle prévue à l’automne 2024. Ce qui ne veut pas dire que d’autres candidats ne se manifesteront pas au cours des prochains jours. Et il est bon de se rappeler la fameuse petite phrase du Général Charles De Gaulle, en 1962 : « Ce qui est à redouter, à mon sens, ce n'est pas le vide politique, c'est plutôt le trop plein !.. ».
On saura également dans quel esprit se déroulera l’élection présidentielle de l’automne prochain, à l’heure de tensions politiques dans notre pays. Ainsi, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), a annoncé, le vendredi 9 février 2024, « la suspension de son partenariat avec l’ISIE ». A ne pas perdre aussi de vue la tension qui pointe à l’horizon entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), à la faveur de l’arrestation récente du secrétaire général de l’Union régionale du travail de Kasserine. Et toujours au niveau des tensions, il y a lieu d’évoquer le rassemblement du 2 mars 2024 à la Kasbah, à Tunis, de ses adhérents appartenant à la fonction publique et au secteur public pour protester contre ce que l’Union considère comme «une obstruction au dialogue social, l’atermoiement du gouvernement dans la mise en oeuvre des accords signés et une violation du droit syndical ».
On ne sait pas vers où mènera cette tension, mais risque-t-elle de faire de l’ombre à la présidentielle ? n