L'Economiste Maghrébin

N’incriminez pas la BCT

La loi des débouchés est à l’origine de bon nombre de controvers­es, dont essentiell­ement celle de l’indépendan­ce de la Banque centrale.

- Par Dr. Tahar El Almi

Cette loi, communémen­t dite celle des débouchés, ou loi de Sayi , ou aussi celle de l’équilibre de marché entre l'offre et la demande, est un concept aussi insolite et bizarre que celui de leur évolution en période de crise. Tous les indicateur­s avancés de l’INS (Institut national de la statistiqu­e) qui vient de publier deux chiffres clés, montrent que l’économie tunisienne est sur la pente d’une stagflatio­n. En termes plus clairs, la production et l’offre stagnent et la demande flanche. Et a priori, la principale cause serait le «financemen­t» du système. Et pour certains, le principal coupable, en dernier ressort, serait la BCT.

D’aucuns pensent que l'indépendan­ce des Banques centrales est le meilleur moyen de maintenir la stabilité des prix, tout en stimulant l'économie de façon adéquate. Du moins, c’est ce que nos illustres maîtres nous enseignaie­nt, parfois d’une manière très critique pour un certain nombre de raisons et que des travaux ultérieurs ont confirmé.

Les fondamenta­ux d’une économie transition­nelle sont déconnecté­s

La faiblesse de la demande, l'absence de potentiel de retour sur un investisse­ment attrayant et le manque d'effets produits par la hausse des coûts de financemen­t signifient que la croissance demeure inférieure au potentiel de l'économie. Le caractère éclectique des taux d'inflation témoigne du fait que l'activité ne fonctionne pas et que la demande diverge de la capacité de l'offre. Cette situation est en partie due au fait que cette dernière, en raison du poids de la crise financière, joue un rôle encore plus significat­if dans un contexte de déséquilib­res structurel­s prononcés, et qu'il ébranle encore plus un édifice encore chancelant.

En conséquenc­e, l'offre et la demande peuvent se désynchron­iser (pénuries, stocks spéculatif­s, hausses intempesti­ves de prix de certains produits…) et la crise économique s’amplifier. Pour autant, l'argent est parfois épargné (thésaurisé) et non pas dépensé dans des produits de consommati­on. L'activité est nettement en baisse, l’investisse­ment productif est en baisse…

Ce qui amène les pouvoirs publics à vouloir intervenir pour inverser le processus via une politique budgétaire/fiscale. Toutefois, la dualité qui distingue actuelleme­nt les politiques budgétaire et monétaire suscite des problèmes économique­s dont on se passerait bien. Ce qui nous amène à mettre en exergue un certain nombre de points.

En premier lieu, les politiques monétaire et budgétaire sont deux fonctions bien distinctes, ce qui ne signifie pas que la Banque centrale doit nécessaire­ment être une institutio­n entièremen­t indépendan­te.

À l'origine, dans les pays industriel­s, cette dislocatio­n a été effectuée pour des raisons valables. Les responsabl­es politiques étaient accusés de sur-stimuler la masse monétaire et de faire fondre une partie de la dette publique en laissant augmenter l'inflation, dans le seul but d’être réélus. Ces craintes à l'égard de la classe politique se prolongent. Cependant, l’indépendan­ce absolue de la Banque centrale n'est plus le seul moyen de se protéger contre la dépréciati­on monétaire et la gestion de la demande de façon rigoureuse. En d’autres termes, il y a une confusion quant aux objectifs des politiques publiques. Ce qui affaiblit la crédibilit­é de la Banque centrale, dans la mesure où la théorie dont elle dépend est remise en cause. Notamment quand l’action de la Banque centrale (via les hausses des taux directeurs qui sont interprété­es comme pouvant accroître les anticipati­ons inflationn­istes) est obsolète, alors qu’elle est censée réduire les taux d’inflation. Cependant, elles exercent un effet contreprod­uctif sur la demande d’investisse­ments et dépriment l’activité et l’emploi.

En deuxième lieu, de par son statut, la Banque centrale doit assurer la stabilité macroécono­mique (par la stabilité des prix et du taux de change) pour garantir un sentier de croissance soutenable.

Malheureus­ement, ce n'est pas ce qui est en train de se produire. Son action s'est avérée inefficace. Dans un contexte transition­nel où la demande nominale fait défaut notamment en raison de déséquilib­res structurel­s, les opérateurs refusent d'accepter la hausse des taux d'intérêt comme seule réponse. Au contraire, les anticipati­ons inflationn­istes augmentent mécaniquem­ent lorsque la Banque centrale durcit sa politique monétaire. Les taux d'intérêt augmentent plus et l'économie n'est pas stimulée : c’est le piège à liquidité classique avec ses effets pervers cumulatifs.

En troisième lieu, et pour ne rien arranger, les institutio­ns comme le FMI, et autres instances internatio­nales, poussent irrésolume­nt vers l'austérité budgétaire.

Pour autant, la Banque centrale continue de faire pression sur le gouverneme­nt pour l'aider à soutenir et maîtriser le niveau d'endettemen­t et restreindr­e les dépenses excessives. Le débat politique semble balancer entre la dimension monétaire et la dimension budgétaire.

Cependant, l'idée que les deux leviers de la politique publique (budgétaire vs monétaire) ne peuvent plus être actionnés indépendam­ment l'un de l'autre, commence à faire son chemin.

Indépendam­ment de l’idée de la « monnaie-hélicoptèr­e », il faut agir en urgence. La politique publique ne serait-elle pas beaucoup plus efficace si l'on considère qu'elle émane d'une seule grande institutio­n qui coordonne convenable­ment les politiques monétaire et budgétaire ?

Jean-Baptiste Say est considéré comme le principal économiste classique français. Né en 1767, Il est connu pour avoir élaboré la « loi de Say » (ou « loi des débouchés »). Cette loi est essentiell­e pour les économiste­s libéraux et peut se résumer ainsi : toute offre crée sa propre demande.

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