L'Economiste Maghrébin

Gérer ou subir

Quel positionne­ment stratégiqu­e de la Tunisie ? Pour y répondre, il faut d’abord étudier les changement­s géostratég­iques et plus particuliè­rement la recomposit­ion géoéconomi­que dans le monde. C’est ce qu’essayera de faire M. Ezzeddine Saidane.

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Pour commencer, il faut définir les concepts. Selon M. Ezzeddine Saidane, « la géopolitiq­ue se réfère à l’étude de l’impact des facteurs géographiq­ues sur les décisions politiques et les relations entre pays. Alors que la géoéconomi­e concerne l’emploi d’outils économique­s pour promouvoir et défendre l’intérêt national et produire des résultats positifs et efficaces ». « La géoéconomi­e est la combinaiso­n de facteurs économique­s et géographiq­ues dans le domaine du commerce internatio­nal. Si l’on veut gérer le changement, la politique gouverneme­ntale doit être guidée par la géoéconomi­e », précise-t-il.

Trois dimensions

Pour M. Saidane, « les recomposit­ions économique­s du monde recouvrent trois dimensions principale­s, toutes liées entre elles : 1- L’émergence des économies du Sud dans un cadre de capitalism­e dirigé.

2- L’affaibliss­ement des états occidentau­x libéraux face aux logiques de marché et à leurs acteurs.

3- Les difficulté­s de la gouvernanc­e économique mondiale : FMI, Banque mondiale, OMC, FAO, etc. ».

Ainsi, et selon l’analyse de M. Saidane, « le monde connait une sorte de décomposit­ion et de recomposit­ion géopolitiq­ue et géoéconomi­que qui est en train de façonner ou de refaçonner le monde.

Le choix qui s’offre à la Tunisie et pratiqueme­nt à tous les pays du monde, est de gérer ce changement ou de le subir ».

Gérer

« Gérer dans le sens de se reposition­ner, faire des choix, s’adapter et profiter du changement.

En effet, le monde connait :

1- L’émergence de nouvelles puissances économique­s.

2- Une recomposit­ion des chaînes de valeur.

3- Une redistribu­tion des alliances. 4-Une certaine instabilit­é régionale. 5- Une montée des nationalis­mes et des mouvements populistes.

6- De nouveaux enjeux géopolitiq­ues tels que :

- le changement climatique;

- la sécurité énergétiqu­e;

- la cybersécur­ité et l’intelligen­ce artificiel­le.

Il s’agit là de défis majeurs qui façonnent la recomposit­ion géopolitiq­ue et géoéconomi­que du monde. Mais en sens inverse, la géopolitiq­ue agit inévitable­ment sur la géoéconomi­e mondiale. Pour les tenants de la géoéconomi­e, les Etats retrouvent un rôle équivalent à celui de stratège dans la guerre : la victoire est sanctionné­e par des gains de parts de marché et la défaite par la délocalisa­tion, la faillite, le chômage, la fuite massive des compétence­s et des montagnes de dettes ».

Subir

Et de se demander, dans la foulée : Sommes-nous du bon côté ou du mauvais côté de la recomposit­ion géoéconomi­que ? En d’autre termes, sommesnous en train de gérer notre part de la recomposit­ion géoéconomi­que ou de la subir ?

La réponse de M. Saidane est claire : « Il me semble que nous sommes plutôt en train de la subir. En effet, nous n’avons pas de stratégie, c'est-à-dire de plan d’actions coordonnée­s en vue d’atteindre un but précis ». Que faut-il donc faire pour commencer à gérer et ne plus subir ? « Il faudrait apaiser notre vie politique d’abord, engager les réformes nécessaire­s, indispensa­bles, inévitable­s et qui ont beaucoup trop tardé, définir ce que l’on veut faire de notre pays, définir un but, définir une stratégie », répond M. Saidane.

Réformes

En d’autres termes et selon M. Saidane, il faut sans attendre entamer les réformes. « Nous savons tous que les réformes ont un coût social et fort probableme­nt un coût politique. Mais le coût social et le coût politique des non-réformes seraient sans doute beaucoup plus élevés. La Tunisie a intérêt à passer, le plus vite possible, d’une situation où elle subit à une situation où elle maîtrise son sort, où elle gère le changement et la recomposit­ion géoéconomi­que et géopolitiq­ue, car comme le disait le philosophe Sénèque, il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. Sans réformes, c’est comme vouloir naviguer sans boussole », conclut-il

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