L’islam politique
Fait évident, l’slam est d’essence politique. Il est «wdine et dawla » (religion et Etat). L’islamisme, ou islam politique, est avant tout un concept scientifique né dans les années 1970-80 pour caractériser un phénomène de retour du religieux dans la sphère politique. L'islamisme est donc une doctrine prônant l'islam comme une idéologie politique. Il consiste à mobiliser les musulmans autour d’un projet socio-politique fondé sur les normes et les lois religieuses, la charia (Chla Chafiq, Islam politique, sexe et genre, Presses universitaires de France, 2011, 228 p.) Aujourd’hui, l’islamisme est souvent entendu comme un synonyme de radicalisme religieux, voire de violence terroriste.
L’approche choisie par les Frères musulmans, organisation fondée en Egypte en 1928 par Hassan al-Banna (1906-1949) est « mère » des groupes islamistes qui naitront dans la région au cours du XXe siècle. Décrits par Zubaida Sami comme « le courant fondamentaliste le plus proéminent dans l’islam sunnite », les Frères musulmans s’élèvent contre « l’imitation aveugle du modèle européen », auquel ils opposent un contre-modèle fondé exclusivement sur les préceptes du Qur’an. Une posture bien exprimée dans le slogan de l’organisation : « Allah est notre objectif. Le prophète Mohamed est notre chef. Le Qur’an est notre constitution. Le jihad est notre voie » (Allah ghaytna, wa-l-rasul qadwtana, wa-l-quran disturna, wa-l-jihad sabilna- Zubaida Sami, Islam, the People and the State : Essays on Political Ideas and Movements in the Middle East, I.B.Tauris, 1993, p. 47). Youssef Hindi considère, comme origine de cette idéologie, « le réformisme islamique qui est né dans les loges maçonniques orientales au XIXe siècle » (l’islam politique, KA Edition, Tunisie, 2022, p. 16). Son étude aborde le wahhabisme, puis les Frères musulmans et l’abolition du califat ottoman. Est-ce à dire que les Frères musulmans étaient protégés par l’Arabie saoudite et qu’ils étaient au service des Anglo-américains ? (P. 115 et suivantes).
Une étude de la revue Esprit de janvier 1920 rappelle le khomeynisme que les études récentes ont occulté. Etudiant les mouvements islamistes, Jean-François Clément évoque l’apparition prématurée à Tunis de l’une de ses manifestations, à savoir le cas de Hind Chelbi qui prêchait le retour de la femme à l’islam. Début octobre 1975, le président tunisien Habib Bourguiba organise, à l'occasion de la 27e nuit du ramadan, une cérémonie au palais de Carthage où Hind Chelbi est invitée à s'exprimer sur « la place de la femme en islam ». Elle apparaît voilée devant le chef de l’État (connu pour qualifier le hidjab de « linceul noir » et de « misérable chiffon ») à qui elle refuse par ailleurs tout contact physique. Son entrée en scène fait forte impression tant sur le public présent sur place que sur les milliers de personnes qui suivaient la retransmission en direct à la télévision. Lors de son allocution, elle critique ouvertement la politique bourguibienne, la jugeant contraire aux enseignements coraniques et prophétiques. Peut-on affirmer que cet incident annonçait la naissance de l’islam politique ? Jean-François Clément définit ainsi les islamistes : les hommes qui pensent pouvoir utiliser la seule loi musulmane (la charia) comme régulatrice de l’ordre social et politique ».
Nous pensons, quant à nous, que l’islam politique se définit par :
-Une vision globale de l’oumma, la communauté des croyants et non l’Etat-nation.
-Le passéisme et la tradition et non la modernité. Ennahdha s’oppose ainsi à l’idéologie bourguibienne faisant valoir la modernité et l’Etat-nation ■