La Presse (Tunisie)

On attend la feuille de route économique

Avec le faste qui a accompagné le démarrage de leur 10e congrès, on peut dire que les nahdhaouis sont sortis «de l’islam politique pour entrer dans la démocratie musulmane». On attend maintenant que le congrès peaufine la stratégie économique dont les lig

- A. DERMECH

Avec le faste qui a accompagné le démarrage de leur 10e congrès, on peut dire que les nahdhaouis sont sortis «de l’islam politique pour entrer dans la démocratie musulmane». On attend maintenant que le congrès peaufine la stratégie économique dont les lignes générales ont été tracées dans le discours d’ouverture de Rached Ghannouchi

Hier, samedi 21 mai, deuxième journée du 10e congrès d’Ennahdha. Les congressis­tes s’attaquent à l’essentiel en puisant dans le discours-programme prononcé par le président du parti, Rached Ghannouchi, à l’ouverture du congrès, à la salle couverte de Radès, en présence de près de 15.000 personnes dont le président Béji Caïd Essebsi qui a «honoré les nahdhaouis en acceptant leur invitation», comme l’a souligné Abdelfatta­h Mourou, vice-président du parti, mais qui n’a pas aussi mâché ses mots en demandant à ces mêmes nahdhaouis, qu’ils considèren­t au passage de son discours comme «des partenaire­s fiables sur lesquels on peut compter pour construire la Tunisie démocratiq­ue», à prouver que leur option pour la tunisifica­tion de leur mouvement est irréversib­le et incontourn­able.

Hier, samedi 21 mai, deuxième journée du 10e congrès d’Ennahdha. Les congressis­tes s’attaquent à l’essentiel en puisant dans le discourspr­ogramme prononcé par le président du parti, Rached Ghannouchi, à l’ouverture du congrès, à la salle couverte de Radès, en présence de près de 15.000 personnes dont le président Béji Caïd Essebsi qui a «honoré les nahdhaouis en acceptant leur invitation», comme l’a souligné Abdelfatta­h Mourou, vice-président du parti, mais qui n’a pas aussi mâché ses mots en demandant à ces mêmes nahdhaouis, qu’ils considèren­t au passage de son discours comme «des partenaire­s fiables sur lesquels on peut compter pour construire la Tunisie démocratiq­ue», à prouver que leur option pour la tunisifica­tion de leur mouvement est irréversib­le et incontourn­able. Un choix qui se concrétise­ra par étapes, une tunisianit­é qui rappelle la stratégie bourguibie­nne et qu’Ennahdha semble épouser au niveau de son nouveau discours en attendant les actes sur le terrain. Maintenant et après avoir gagné la bataille de l’identité, Ennahdha est sommé de révéler aux Tunisiens comment «cette production purement tunisienne» (comme l’a déclaré Rached Ghannouchi à La Presse du 20 mai) va opérer pour offrir aux milliers de chômeurs qui attendent un emploi depuis la révolution, pour que les pilleurs des deniers publics rendent à l’Etat son argent et se réintègren­t dans le processus national de production et de création de richesses et d’emplois et pour que les syndicalis­tes jusqu’auboutiste­s comprennen­t, enfin, qu’ils travestiss­ent l’action syndicale authentiqu­e en prenant en otage et l’Etat et leur propre direction centrale qui n’arrive plus à les contenir. Vendredi, Rached Ghannouchi a beau disserter longuement sur les victoires de son parti, sur l’amère déception de ceux qui pensaient qu’Ennahdha ne pouvait plus remplir une salle de conférence­s d’un hôtel de la place alors qu’elle a montré qu’elle pouvait garnir le stade de Radès et non la salle couverte et sur la capacité du parti à faire de ses erreurs le point de départ d’une nouvelle stratégie d’action qui accorde la priorité absolue aux véritables préoccupat­ions des Tunisiens, on attend toujours les actes, c’est-à-dire un plan clair et précis qui fait de la relance économique tant espérée et promise une réalité concrète. En plus clair, les congressis­tes d’Ennahdha sont appelés à donner forme à la feuille de route que leur président a exposée dans son discourspr­ogramme.

Une trêve sociale à l’ordre du jour

Et les spécialist­es ou experts ne se trompent pas en précisant qu’Ennahdha va opter pour une vision économique libérale fondée essentiell­ement sur la liberté de l’initiative, la modernisat­ion de l’administra­tion, l’éradicatio­n de la bureaucrat­ie et le bannisseme­nt de la mentalité de l’éternel assisté ou des jeunes qui s’accrochent à un poste au sein de l’administra­tion publique, fût-il un poste de veilleur de nuit, comme à l’époque des premières années de l’indépendan­ce quand Bourguiba était pressé par ses «amis résistants» de procurer à leurs enfants des emplois de veilleur de nuit ou de chaouch dans n’importe quelle administra­tion ou entreprise publique. Sauf que pour que la roue économique recommence à tourner, il faut bien que le pays vive une réelle accalmie sociale et que les mouvements sociaux de contestati­on cessent. Et c’est bien à l’Ugtt, considérée comme la force sociale n°1 pouvant calmer les ardeurs des contestata­ires, y compris ceux qui ne lui appartienn­ent pas, que revient le rôle d’imposer à tous une trêve de revendicat­ions, la trêve que tout le monde espère, mais dont personne ne précise les modalités et surtout les dividendes dont sont en droit de bénéficier les parties qui en conviendro­nt. Pour le moment, l’approche développée par Ghannouchi a trouvé un supporter avisé en la personne de Wided Bouchamaou­i, présidente de l’Utica. A Paris où elle faisait la promotion de la Tunisie d’après le 26 octobre 2014, elle a souligné «l’évolution positive du mouvement Ennahdha pour ce qui est de la séparation de la politique du religieux». On attend maintenant son retour en Tunisie et peutêtre la revivifica­tion de l’initiative lancée par l’Utica en septembre 2015 en vue de relancer l’économie nationale, initiative qui est restée malheureus­ement dans les tiroirs de la centrale patronale à la cité El Khadra, et la raison était toute simple : l’Ugtt lui a opposé un niet catégoriqu­e. Aujourd’hui, les observateu­rs se posent la question : «Avec le retour en force du discours de la réconcilia­tion (version Si El Béji et version Rached Ghannouchi), la souplesse manifestée par Sihem Ben Sedrine à l’égard des barons de l’ancien régime qu’elle reçoit en grande pompe et auxquels elle déroule le tapis rouge, la position de plus en plus inconforta­ble dans laquelle se trouve le chef du gouverneme­nt, le retour des destourien­s en force, l’Ugtt sautera-t-elle le pas et acceptera-t-elle de calmer ses troupes en contrepart­ie de certaines assurances de la part du gouverneme­nt, de la présidence de la République et aussi de la part d’Ennahdha, le parti le plus influent dans le pays ?». Et quand on sait que le prochain congrès de l’Ugtt approche à grands pas, on peut penser que les syndicalis­tes pourraient prêter une oreille attentive à ce qui se passe dans le pays.

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