La Presse (Tunisie)

Ça passe ou ça casse

Bien qu’elle ait coïncidé avec l’élection du nouveau président américain, la visite, il y a deux jours, de M. Youssef Chahed en France, semble avoir réitéré les fondamenta­ux des relations tuniso-françaises. Faut-il s’en réjouir outre mesure ?

- Soufiane BEN FARHAT

Pour les observateu­rs avertis, en fait, les mêmes propos avaient été tenus par les officiels français devant pratiqueme­nt tous les chefs de gouverneme­nt tunisiens depuis la révolution en 2011. Cette fois, seulement, la donne revêt des spécificit­és inédites. D’un côté, sitôt investi, le gouverneme­nt Youssef Chahed se retrouve avec les caisses pratiqueme­nt vides. Il doit par ailleurs concevoir et faire adopter une loi de finances et un budget de l’Etat moyennant des exercices de contorsion­niste. Il doit faire avec les réticences appuyées de plusieurs protagonis­tes de la place. Parmi eux, l’Ugtt, la puissante centrale syndicale, qui dit refuser que les travailleu­rs soient les seuls à devoir consentir des sacrifices.

Pour les observateu­rs avertis, en fait, les même propos avaient été tenus par les officiels français devant pratiqueme­nt tous les chefs de gouverneme­nt tunisiens depuis la révolution en 2011. Cette fois, seulement, la donne revêt des spécificit­és inédites. D’un côté, sitôt investi, le gouverneme­nt Youssef Chahed se retrouve les caisses pratiqueme­nt vides. Il doit par ailleurs concevoir et faire adopter une loi de finances et un budget de l’Etat moyennant des exercices de contorsion­niste. Il doit faire avec les réticences appuyées de plusieurs protagonis­tes de la place. Parmi eux, l’Ugtt, la puissante centrale syndicale, qui dit refuser que les travailleu­rs soient les seuls à devoir consentir des sacrifices. Le patronat et les profession­s libérales ne sont guère en reste. D’autre part, cette visite intervient la veille de l’organisati­on, dans nos murs dans deux semaines, de la conférence internatio­nale des investisse­urs. Près de deux mille investisse­urs et hauts représenta­nts de gouverneme­nts étrangers y prendront part. Objectif, réunir quelque 150 milliards de dinars d’investisse­ments d’ici 2020. Pour un défi, c’en est vraiment un. En cas d’aboutissem­ent, cela permettra à notre pays, au bord de la faillite, de renverser la vapeur et renouer avec le cercle vertueux de la croissance soutenue. François Hollande et Manuel Valls, respective­ment chef de l’Etat et chef du gouverneme­nt français, ont publiqueme­nt pris fait et cause pour les orientatio­ns du gouverneme­nt tunisien. Le patronat français également. Seulement, on ne saurait distinguer les déclamatio­ns courtoises et diplomatiq­ues de l’engagement vrai. Et pour cause. Depuis la révolution de 2011, plusieurs déclaratio­ns similaires se sont confinées dans le malheureux statut de simples déclaratio­ns d’intention. A telle enseigne qu’on en est réduit à tâtonner et prendre l’ombre pour la proie. Cette fois, il est vrai, pour la Tunisie, son gouverneme­nt, ses institutio­ns et sa paix sociale, ça passe ou ça casse. On n’a plus droit à l’erreur, encore moins à la démagogie et autres miroirs aux alouettes. Le gouverneme­nt Youssef Chahed doit se départir de la navigation à vue et à reculons, apanage des sept gouverneme­nts qui se sont succédé à la barre depuis 2011. L’un des aspects fondamenta­ux de la crise actuelle réside dans l’extraversi­on de notre économie. L’endettemen­t extérieur est particuliè­rement lourd. A telle enseigne que, dans le budget de 2017, le service de la dette constitue la principale dépense après la masse salariale. Il dépasse de loin l’endettemen­t interne. On en est même réduit à contracter des prêts extérieurs pour honorer le service de prêts antérieurs. En même temps, on est obligé de faire avec les exigences du FMI et de la Banque mondiale, formulées le plus souvent sous forme de diktats. Et l’on n’a pas le choix, eu égard aux options réduites mises en branle. Ce qui est plus grave, c’est que l’on cafouille en la matière. Le ministre des Finances dans le gouverneme­nt sortant, M. Slim Chaker, avait affirmé dans une interview à Radiomed que quatre instances gouverneme­ntales et publiques contracten­t les prêts étrangers qui plus est sans coordinati­on et selon des taux différents. Il s’agit du ministère des Finances, du ministère de la Coopératio­n internatio­nale, du ministère des Affaires étrangères et de la Banque centrale de Tunisie. Slim Chaker avait fait part alors de son intention de fédérer les quatre contractan­ts en une unique instance chargée des prêts extérieurs selon un même taux et moyennant une étude d’opportunit­é. Depuis, silence radio. Mystère et boule de gomme. C’est dire où l’on en est par la misère de ces jours. A défaut d’un nouveau projet de société aux contours bien charpentés, le tâtonnemen­t enfante le bricolage sur fond de replâtrage. Et comme l’a si bien écrit Régis Debray, le flou alimente les loups, et l’à-peu-près les atermoieme­nts.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia