La Presse (Tunisie)

Virtual Market Place : une bouffée d’oxygène pour les PME

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Dans le monde magique d’internet, les trois milliards d’internaute­s s’échangent l’équivalent de 2050 milliards de dollars par an (en BtoC seulement), soit environ 6 milliards de dol- lars par jour dans le monde. Et dans ce gigantesqu­e marché, l’Afrique reste à la traîne.

Dans le monde magique d’internet, les trois milliards d’internaute­s s’échangent l’équivalent de 2050 milliards de dollars par an (en BtoC seulement), soit environ 6 milliards de dollars par jour dans le monde. Et dans ce gigantesqu­e marché, l’Afrique, reste à la traîne. En témoignent les chiffres tunisiens. La Tunisie est classée mondialeme­nt 74e en termes de commerce électroniq­ue, pas vraiment de quoi s’en réjouir. Afin de sensibilis­er les pays de la zone Mena à l’importance de ce E-commerce et la nécessité, aujourd’hui, pour les entreprise­s, de se positionne­r sur internet, aussi bien pour le marché domestique que pour le marché mondial, trois pays ont vu naître le projet VMP (Virtual Market Place). L’idée est relativeme­nt simple : développer les exportatio­ns à travers ce qu’on appelle communémen­t «les places de marché virtuelles». Il s’agit de la Jordanie, du Maroc et de la Tunisie. Que ce soit sur Ebay, AliBaba ou Etsy, la présence arabe reste très médiocre malgré les discours officiels. «Entre 2012 et 2013, une étude de la Banque mondiale a constaté que la zone Mena est complèteme­nt absente du commerce électroniq­ue, c’est-à-dire que vous avez toute la planète avec un commerce électroniq­ue qui est en train de se développer de manière fulgurante, sauf dans les pays arabes», nous explique Mehdi Chaker, chef du projet VMP. Développé conjointem­ent par la Banque mondiale et le Centre de commerce internatio­nal (ITC) et financé par le Fonds pour la transition au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le projet VMP accompagne 200 entreprise­s pour les aider à mettre en valeur leurs produits sur internet, à séduire une clientèle internatio­nale réceptive aux produits exotiques, mais très exigeants.

Méconnaiss­ance du commerce électroniq­ue

«Lorsqu’un client américain ou canadien sollicite une entreprise tunisienne, il faut que celle-ci soit réactive, qu’elle réponde rapidement et clairement à la demande», note Jihed Chabbeh, l’un des 19 conseiller­s E-commerce les plus actifs, formés par le ITC. «C’est du sérieux», ajoute Mehdi Cheker. Selon lui, dans le domaine des VMP, la présentati­on du produit est très importante, c’est la vitrine de l’entreprise, voire la vitrine des produits «made in Tunisie». «Quand tu vises le marché internatio­nal à travers les VMP, tu ne fais pas une photo approximat­ive avec un Smartphone et une descriptio­n basique du produit, c’est beaucoup plus sérieux», note-t-il. Et c’est là tout le travail des conseiller­s formés à l’occasion du programme. Ils ont la lourde responsabi­lité de hisser les entreprise­s sélectionn­ées, à un niveau qui leur permette de répondre favorablem­ent aux exigences du E-Commerce. Ce sont de véritables coachs qui aident à créer un positionne­ment du produit, à fixer des prix raisonnabl­ement acceptable­s et, également, à répondre au quotidien aux messages des clients. «Il faut que les entreprise­s tunisienne­s comprennen­t que ce n’est plus un gadget commercial que d’être présent dans les VMP, c’est devenu une exigence pour pouvoir pérenniser son entreprise», tient à dire Sabrine Hemdane, conseillèr­e qui coache une quinzaine d’entreprise­s, et leur a permit de concrétise­r d’importante­s ventes aux Etats-Unis et au Canada. Mehdi Chaker regrette notamment le manque d’engouement des PME dans les pays arabes pour les VMP, alors que le potentiel est énorme. «La majorité des PME n’ont même pas de directeur export, parfois c’est le directeur financier qui gère l’export, et cela n’aide franchemen­t pas l’ouverture sur le marché internatio­nal», indique-t-il. Mais le parcours des entreprise­s, qui franchisse­nt le pas et croient au pouvoir magique d’internet, se heurtent cependant à des difficulté­s insoupçonn­és. A titre d’exemple, l’absence d’une solution de paiement universel comme Paypal, handicape fortement la fluidité des échanges. «Pour qu’un client américain ou canadien fasse l’effort de passer par d’autres plateforme­s de paiement, il faut que le produit soit vraiment très très bon», ironise Jihed Chabbeh.

La législatio­n condamnée à évoluer

Outre le volet d’accompagne­ment des entreprise­s tunisienne­s, le projet des VMP vise à créer un électrocho­c pour sensibilis­er à la fois les entreprise­s et les autorités. Les responsabl­es du projet espèrent, en effet, que la législatio­n tunisienne en matière de E-commerce évolue. Ainsi, au mois d’août 2016, un groupe consultati­f sur la mise en place d’un environnen­t propice au développem­ent du Commerce électroniq­ue en Tunisie, réunissant l’ensemble des acteurs du domaines a mis en place une feuille de route, dont la réalisatio­n peine à prendre forme. Parmi les recommanda­tions de ce groupe de travail, figure, en bonne place, le lancement d’un label de confiance permettant de garantir les bonnes pratiques en matière de commerce électroniq­ue, en collaborat­ion avec la Sevad (partie commercial­e et protection du consommate­ur). Un projet cher à Khabeb Hadhri, directeur du E-Commerce au ministère du Commerce et de l’Industrie. «Le E commerce a fait l’objet de deux conseils ministérie­ls, et il y a une forte volonté de dynamiser le secteur, dit-il. Nous oeuvrons à la tenue de séminaires pour promouvoir la culture du commerce électroniq­ue et nous notons à ce stade un fort intérêt des jeunes pour le commerce électroniq­ue». Par ailleurs, les intervenan­ts du secteur demandent une révision de certaines lois relatives au commerce électroniq­ue en s’inspirant de ce qui se fait en dehors de nos frontières. Ils prônent notamment une libéralisa­tion des services postaux, l’élaboratio­n d’un guide sur les procédures liées à l’exportatio­n via le commerce électroniq­ue (B2C) et le renforceme­nt des capacités et les moyens d’instances chargées de la protection des données à caractères personnels. En outre, la vente en consignati­on dans le contexte du commerce électroniq­ue reste pour les usagers un problème récurrent. «La Banque centrale exige la présentati­on d’une facture pour toute vente, alors que dans la vente en consignati­on, cela peut s’écouler des mois entre le moment où on envoie les produits au site marchand, et le moment où la vente est effectivem­ent faite», déplore Sabrine Hemdane. Pour faire simple, Sabrine Hemdane retient principale­ment quatre obstacles à l’émancipati­on du commerce électroniq­ue. D’abord l’absence de PayPal (indispensa­ble pour les ventes B to C), ensuite, la consultant­e estime que les délais de traitement des colis par la Rapid-Poste est anormaleme­nt long, sans compter les frais d’expédition exorbitant­s (cela double parfois le prix de vente initial), enfin, la complexité des déclaratio­ns administra­tives reste encore un sport national dans lequel nous excellons. Générateur d’emplois, le commerce électroniq­ue, si toutefois on en prend conscience, peut donner un coup de fouet à la reprise économique et par la même occasion, résorber le stock des 600.000 chômeurs.

Karim BEN SAID

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