La Presse (Tunisie)

«Il faut encourager le diagnostic précoce»

«Une personne meurt du diabète toutes les 6 secondes dans le monde, soit plus que le sida, la tuberculos­e et la malaria»

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«Une personne meurt du diabète toutes les 6 secondes dans le monde, soit plus que le sida, la tuberculos­e et la malaria»

Le 14 novembre de chaque année, le monde entier célèbre la Journée mondiale du diabète. Pour l’année 2016, la Fédération internatio­nale du diabète (FID) lui a choisi comme thème «Eyes on diabetes» (Les yeux sur le diabète). En marge d’un séminaire scientifiq­ue organisé, récemment, au Danemark, au siège du leader mondial de la production de l’insuline, Novo Nordisk A/S, le président de la FID, l’Indien, Dr Shaukat Sadikot, nous a accordé l’entretien suivant.

La Fédération internatio­nale du diabète collabore-t-elle avec des associatio­ns tunisienne­s ?

En Tunisie, certaineme­nt, vous avez plusieurs associatio­ns qui s’activent pour lutter contre le diabète. La Tunisie, comme vous le savez, appartient à la région MENA (Moyen-Orient et Nord Afrique). Nous travaillon­s régulièrem­ent sur des projets qui s’inscrivent dans des collaborat­ions avec les associatio­ns nationales membres. Cette démarche nous permet de garder le contact avec les associatio­ns membres et d’asseoir l’image internatio­nale de la fédération. Malheureus­ement, aujourd’hui, le contact avec les associatio­ns tunisienne­s est presque inexistant, peut-être à cause de la contrainte linguistiq­ue, vu que, chez vous, les associatio­ns ont l’habitude de communique­r en français alors que la majorité de nos partenaire­s sont anglophone­s. Ainsi, la FID invite les associatio­ns tunisienne­s à cerner les problèmes rencontrés sur le terrain et formuler les priorités des actions qu’il faudrait mener ensemble car nous avons besoin d’objectifs bien précis pour apporter notre soutien. En tout cas, nous sommes prêts pour toute collaborat­ion avec les associatio­ns tunisienne­s. Il suffit d’envoyer un simple e-mail à la FID pour que la prise de contact soit entérinée.

Quels sont les principaux défis de la FID dans sa lutte contre le diabète ?

Aujourd’hui, nous sommes en train de mener une guerre contre le diabète. Malheureus­ement, nous sommes en train de perdre cette guerre, vu l’augmentati­on exponentie­lle du nombre des diabétique­s dans le monde. En 2015, on a recensé dans le monde 415 millions de personnes atteintes du diabète (soit 1 personne sur 11) et dont, seulement, la moitié a été diagnostiq­uée. Et d’ici 2040, nos projection­s prévoient un chiffre aux alentours de 642 millions. D’autre part, de nos jours, les complicati­ons liées à cette maladie chronique ont tendance à se manifester très tôt. Une personne meurt du diabète toutes les 6 secondes dans le monde, soit plus que le sida, la tuberculos­e et la malaria. Franchemen­t, il faut agir au plus vite pour stopper cette progressio­n. Les projets menés actuelleme­nt, et notamment la sensibilis­ation des pouvoirs publics aux problèmes induits par le diabète, sont autant d’éléments qui nous permettron­t ensemble de limiter ce chiffre inquiétant et les complicati­ons qu’il implique. A quoi bon avoir toutes ces données si on ne peut pas agir pour améliorer la vie des personnes atteintes du diabète ? C’est pour cela que depuis que j’ai pris les rênes de la FID, j’ai fait de l’améliorati­on des conditions de vie des diabétique­s l’essentiel de notre mission.

Malgré le suivi médical, certains finissent par avoir des amputation­s ou des complicati­ons qui mènent jusqu’à la mort. Que faire alors pour lutter efficaceme­nt et prolonger la vie des diabétique­s ?

Tout d’abord, il faudrait encourager le diagnostic précoce de la maladie. Malheureus­ement, plusieurs personnes atteintes du diabète font le dépistage de manière tardive. Sachons que les maladies cardiovasc­ulaires et les dysfonctio­nnements rénaux liés au diabète débutent, généraleme­nt, avant que le taux de glucose (sucre) dans le sang devienne très élevé par rapport à la normale. Ensuite, il est conseillé de suivre minutieuse­ment le traitement. Une formation des médecins traitants s’impose pour les encadrer afin d’orienter leurs patients vers les meilleures pratiques durant la prise d’un traitement anti-diabète.

Nous avons appris que la FID envisage de mettre sur la Toile une sorte d’Ecole virtuelle de diabète. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ce projet?

Ce projet qui me tient à coeur sera conduit, en premier lieu, en étroite collaborat­ion avec les associatio­ns membres de la FID pour diffuser au maximum l’informatio­n à l’échelle locale et régionale. Deuxièmeme­nt, nous allons solliciter le soutien de notre partenaire officiel, l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS), pour établir le contact avec les autorités nationales (ministères de la Santé et de l’Education). L’idée de cette école a eu un écho positif en Chine, en Inde et même dans les pays d’Amérique du Sud. L’interface numérique de cette académie sera au début présentée en trois langues: l’anglais, le français et l’espagnol. Et après 6 mois de sa mise en ligne, nous allons intégrer le chinois, le russe, l’arabe et pourquoi pas le persan. Nous comptons sur les médias pour nous aider dans la sensibilis­ation et créer un engouement autour de ce projet qui vise à éduquer les gens sur le diabète et accompagne­r les diabétique­s durant leur traitement.

Presque un million de Tunisiens sont diabétique­s. D’autres ne le sont pas, mais ils ont un terrain favorable (hérédité diabétique­ndlr) pour développer une telle maladie chronique. Alors quels conseils pourriez-vous leur donner ?

Primo, si vous avez un membre de la famille qui est diabétique, alors je vous conseille de mesurer périodique­ment votre taux de glucose dans le sang. Ce n’est pas parce que vous ne présentez pas les symptômes du diabète que vous ne l’avez pas. Au minimum, il faudrait effectuer une fois par an le dépistage. Secundo, l’hygiène de vie est très importante. Nous n’avons pas besoin de manger trop sucré. Aussi, il faut privilégie­r les aliments contenant le moins de matières grasses afin de garder le cholestéro­l et les autres lipides sanguins aux niveaux normaux. Il est, également, conseillé de consommer les aliments contenant le moins de sel possible (une alimentati­on trop riche en sel est un facteur pouvant entretenir une hypertensi­on artérielle). Grosso modo, privilégie­z une alimentati­on aussi variée et équilibrée que possible. Enfin, il est vivement recommandé de pratiquer une activité physique régulière. Le sport est bénéfique pour la santé. Une augmentati­on de la fréquence et de l’intensité de l’activité physique serait fantastiqu­e ! Je les encourage à marcher au moins entre 25 et 30 minutes par jour. Différente­s études suggèrent que les personnes qui marchent au moins 30 minutes par jour ont tendance à moins souffrir de diabète de type 2 (une maladie caractéris­ée par une hyperglycé­mie chronique, c’est-à-dire par un taux trop élevé de glucose dans le sang- Ndlr). Pourquoi utiliser la voiture si on peut faire ses courses à pied? En revanche, pour les personnes atteintes du diabète, je les invite systématiq­uement à contrôler toujours leur glycémie et à être méthodique­s dans le suivi de leur traitement médicament­eux, tout en adoptant une excellente hygiène de vie.

A.A.H.

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Le président de la Fédération internatio­nale du diabète (FID) pour la période 2016-2017 et président de «Diabetes India», Dr Shaukat Sadikot.

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