« Médias et démocratie », tandem de la révolution
C’est, aujourd’hui que s’ouvrira à l’Ipsi ( Institut de presse et des sciences de l’information) une formation en « médias et démocratie » à l’intention des étudiants en fin de cursus, futurs journalistes professionnels. L’initiative intervient dans la foulée d’un contexte post-révolutionnaire, particulièrement marqué par une presse de plus en plus libre, allant de pair avec une démocratie naissante en pleine transition. Mais, cette corrélation ne fait toujours pas bon ménage. Et là, une question semble conséquente: comment aider de jeunes journalistes tunisiens à réfléchir aux conditions pouvant favoriser l’établissement d’un lien durable entre médias et démocratie ? C’est bien, du reste, l’objectif recherché de cette formation assez poussée, prévue du 14 au 26 de ce mois. En quelque sorte, une quinzaine de jours bien chargés en contenu théorique et travail pratique. Soit une semaine de préparation qui devait avoir lieu, à partir d’aujourd’hui, à l’Ipsi, à Tunis, et une deuxième d’immersion au sein de la rédaction ( papier et web) de Pyrénées Presse à Pau en France. En bénéficiera, a priori, un groupe de dix jeunes tunisiens, déjà choisis par l’Ipsi. Tout cela et bien d’autres détails ont fait, récemment, l’objet d’une conférence de lancement d’une telle première en matière de formation journalistique. Juste après la révolution, cette idée commença à faire son chemin dans l’esprit d’Olivier Piot, alors correspondant envoyé par Le
Monde et Le Monde Diplomatique, arrivé à Tunis bien avant la chute de l’ancien régime. Les chroniques des jours durement éprouvés l’avaient pris de court, suscitant chez lui l’envie d’écrire. Auteur du livre « La révolution tunisienne : dix jours qui ébranlèrent le monde arabe », ce journaliste-reporter, devenu dès lors un free-lance reconnu, s’est trouvé au coeur d’un débat houleux sur « médias et démocratie» . Il devient formateur dans plusieurs pays d’Afrique.
Pourquoi cette formation ?
Comment les journalistes tunisiens peuvent aborder cette question et être un des moyens susceptibles de permettre à cette transition démocratique d’aboutir ?, s’interroge-t-il. « En fait, cette problématique est, aujourd’hui, constante dans le monde entier et pour tous les pays, y compris pour la France… On pourrait aussi faire un débat en France sur médias et démocratie, tout comme on pourrait le faire, ici, en Tunisie, au Maroc, au Gabon, en Afrique du Sud et en Iran», généralise-t-il. Car, explique cet ancien journaliste au il n’y a pas de démocratie possible sans médias ni liberté de la presse,
et encore moins sans développement économique. Que veut dire l’expression « médias et démocratie » ? Qu’est- ce qu’il y a dedans par rapport à l’exercice de leur métier ? Quels que soient les médias, audiovisuels, électroniques ou presse écrite, les questions sont les mêmes en réalité, d’un point de vue de déontologie, d’éthique et de technique. C’est à quoi s’en tient, essentiellement, la formation théorique, riche en dix modules, allant du plus général de l’éthique et du droit au particulier des techniques journalistiques (histoire de la presse, liberté de la presse, droit et statut du journaliste, gestion des sources et recherche de l’information, journalisme politique, genres journalistiques et émergence des réseaux sociaux). Chacun de ces thèmes lui paraît, au fait, essentiel, afin que le couple « médias et démocratie » fonctionne. Et puis, la deuxième semaine en France sera consacrée à l’application du théorique dans les rédactions des journaux La
République des Pyrénées et l’Eclair, avec une visite d’institutions locales. Ce qui permettra à nos stagiaires de voir comment les journalistes français appliquent toutes ces règles. « On a choisi un journal local, parce que je pense que c’est plus proche de la pratique journalistique, aujourd’hui, en Tunisie que si on avait choisi un grand journal national comme
Le Monde ou Libération. Une immersion dans une rédaction de proximité à petite échelle, où ils peuvent être au plus près de leur public cible, mais aussi entourés d’une galaxie d’institutions locales (pouvoirs publics, justice, police, collectivités territoriales, tissu économique..). Soit presque l’équivalent de ce qui existe en Tunisie, qualifie- t- il. Dans ce sens, Olivier Piot tire en guise de conclusion que cette double articulation est de nature à permettre aux journalistes tunisiens, quel que soit leur niveau d’expérience, de se reposer les questions liées, à la fois, d’éthiques et des techniques journalistiques. Evoquons « Médias et démocratie », faut-il, forcément, penser à la liberté de la presse. « C’est bien d’avoir une presse libre et indépendante, mais il n’est pas facile de la construire. Car, cela ne dépend pas que des journalistes. C’est une question de lois, d’Etat des droits et de protection des journalistes. » , a-t-il encore nuancé.
L’élan de soutien continue
Une fois ce projet de formation a pris corps, il fallait chercher des partenaires pour le mettre en oeuvre, lance Mme Christiane Mariette, membre de l’Association franco- tunisienne des Pyrénées- Atlantiques ( Afraht 64). En fait, l’initiative de cette formation revient à cette association. Aux côtés de l’institut de France à Tunis, l’Ipsi se présente comme collaborateur local, au même titre que le groupe Pyrénées Presse de Pau en France. C’est que la formation devrait se dérouler en deux cycles théorique et pratique, dont l’organisation exige, bien évidemment, une double coordination. Et cette formation continue au profit des jeunes journalistes tunisiens est telle qu’elle mobilisera, autant d’acteurs stratégiques. A son terme, elle sera sanctionnée par la tenue, à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour à l’UFR de Droit, d’un colloque sur les grandes questions d’actualité qui tournent autour du thème « médias et démocratie ». Avec au programme quatre ateliers : « Médias et élus politiques, quelles relations ? » , « médias et sphère économique, quelles règles ? », « médias, justice et police, quelles contraintes » , ainsi que « médias et réseaux sociaux, quelles nouveautés ? ». Outre la formation, il y a, par la même occasion, le volet économique. D’après elle, cela réside dans le fait d’honorer le Quartet du dialogue national auquel a été attribué le Prix Nobel de la paix 2015. Une délégation de l’Utica, conduite par son premier vice- président, Hichem Elloumi, sera invitée pour un débat sur la démocratie, en tant que levier de développement économique. Tunisien de souche, résident permanent en France, le natif du Nord-Ouest Mohamed Ferchichi, président de l’« Afraht 64», est celui qui a donné forme à ce projet de formation, en signe de reconnaissance à un pays, ayant plus que jamais besoin de ses enfants. D’ailleurs, depuis sa création en 2009, l’association n’a pas lésiné sur les moyens pour venir en aide dans des domaines différents. « Au lendemain de la révolution, trois convois humanitaires, composés de 10 tonnes de matériel médical, ont été, ainsi, livrés à plusieurs hôpitaux locaux, à Boussalem, Testour, Jendouba et à Aïn Draham. On a aussi fait don de deux ambulances au Croissant rouge tunisien » , soutient-il, soulignant que son association s’attelle, actuellement, à un projet de partenariat entre l’hôpital de Pau et celui de Gafsa. D’ici peu, cette relation de jumelage pourrait se concrétiser. Egalement, rappelle- t- il, la tenue de cette formation sur « médias et démocratie », en collaboration avec l’Ipsi, s’inscrit dans cet élan d’appui à la Tunisie pour qu’elle puisse réussir sa transition démocratique. De même, un partenariat multipartite est en cours avec les universités de Bizerte et de Gabès, ainsi que l’Inrap (Institut national de recherche et d’analyse physico-chimique).