A ces « conseillers qui nous gouvernent » : partir des besoins et des projets !?
En politique « il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire. Quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ». (Georges Clémenceau)
Depuis la révolution, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour analyser les budgets annuels et vulgariser leurs fondements. Tour à tour, nous avons appelé à faire un état des lieux pour mieux prévoir et amoindrir le choc des nouvelles mesures à prendre. A la manière des gouvernants précédents, toujours la sourde oreille et le refus de voir la réalité en face. Ils rejettent d’un revers de main les pistes de réflexion et refusent d’en tirer les conclusions nécessaires pour sortir le pays de l’ornière. Pourtant, nos critiques et nos prévisions ont été confirmées par les faits. Préparés loin des regards par des cabinets ministériels inconnus du grand public, pourtant ce sont les hommes de l’ombre appelés « spin doctors », plus prompts à servir leurs intérêts, qui dictent leur loi et leur orientation dans les différents budgets. Leur décalage est énorme entre leur version des faits et la réalité. Même les vieux chevaux sont, de nouveau, des ministres et des conseillers économiques alors qu’ils ont échoué dans leurs précédentes fonctions. On prend les mêmes et on recommence ! A ne pas douter que le contrat de partage du pouvoir s’est fait, au plus haut niveau, même dans les cabinets ministériels. Ceux qui étaient les promoteurs des projets de Nida ou d’Ennahdha, des libéraux fervents supporteurs « des néo-thatchérien » dessinent à nouveau notre avenir. Nul ne se réjouit de la nouvelle impasse dans laquelle se trouve notre pays : une mise sous contrôle des institutions financières à cause d’un chômage qui ne régresse pas, d’une croissance qui ne revient pas, d’un déficit qui se creuse de plus en plus, d’une dette qui continue à flamber, des recettes en devises qui chutent, d’un pouvoir d’achat qui régresse d’année en année, d’un dinar qui dégringole… Certains veulent aggraver nos difficultés en cherchant des binationaux alors que l’échec de ces derniers à gouverner a été sans appel. Nous persistons à demander à nos compatriotes qui sont en responsabilité de se mettre en congé de leur double nationalité. Ils doivent également se démettre de leurs responsabilités politiques. Ce renoncement aide au retour d’une plus grande crédibilité du politique dont l’image a été largement détériorée par les acteurs d’une Assemblée, à l’image du pays, où les analphabètes ne devraient pas figurer. Le choix a été contraire à notre souhait qui était de séparer le politique du religieux, de renoncer au double langage et d’éviter le cumul des mandats. Le pays étouffe et s’engouffre davantage dans la politique politicienne parallèle. Au lieu de reconstruire et décoller, on replonge dans les décombres. Il faut le faire respirer. Parmi les fervents du renouveau avec Béji Caïd Essebsi comme vecteur d’unité, ma déception est à la mesure de mon espérance initiale. En effet, un gouvernement dirigé par des partis politiques ou ce qu’il en reste, un gouvernement non représentatif et une classe politique déchirée par la lutte pour le pouvoir, pire encore un pays sous domination de lobbying où tout se décide en catimini, peut-être à cause du poids de l’âge de certains chefs qui commence à se faire sentir. Ces octogénaires doivent quitter le navire avec les honneurs du devoir accompli. Ils sont déjà dans « le livre des Guinness ».
Au lieu de fusionner les départements, on les multiplie, au lieu de revoir les dispositifs inefficaces et coûteux, on leur destine des budgets hors normes. De quelle relève pour une nouvelle République à édifier, parler à nos enfants ? De quelle transparence raconte-t-on lorsque l’Etat est bafoué et des comités fantoches s’instaurent en juge et parti ? Une constitution, nous dit-on, la meilleure du monde, consensuelle alors qu’on ignore ses vrais auteurs et qu’on découvre avec le temps ses insuffisances ? Peut-être, ceux qui soutiennent la Turquie, en espérant nous transposer son modèle, étaient ses acteurs ? Une grande transparence nous dit-on, alors que même ceux qui préparent les lois et veillent à leur exécution, ne déclarent pas leurs revenus, voire ne soldent pas les dépenses de leur campagne électorale ? On a applaudi à la multiplicité des institutions et on aurait aimé le faire, encore plus, en connaissance de cause de leur gestion ?
Le risque d’instabilité politique guette notre pays. Ce n’est pas un scénario éloigné. Des illuminés qui
voulaient être « tous présidents » qu’on pourrait désigner par les « fous de la politique », cautionnés par des sondages peu crédibles, accaparent les médias et se servent de Facebook dans leur dessein. Qui ose aujourd’hui affronter les foules et expliquer la vision du futur ? Bourguiba, en son temps, le faisait contre vents et marées. A la menace et à l’arrogance, il répondait par le mépris et l’intelligence. En aucun cas, il n’assurait l’avenir radieux espéré, en jouant la politique du pire. Il était l’instigateur des réformes assumant même les erreurs des choix des autres. Aujourd’hui, un parfum amer se fait sentir après une révolution d’un peuple qui attend depuis des années des changements merveilleux, promis, il est vrai, par des politicards qui se sont avérés peu crédibles et peu soucieux de l’avenir.
La réalité est évidente : le pays s’enfonce dans la nasse et il est incapable de se réformer. Deux autorités s’affrontent sans merci, l’autorité politique d’un côté, le ministre et son armada de chargés de missions et l’Administration et ses pontes de l’autre. Notre politique économique se trouve alors aujourd’hui entre les mains des institutions internationales. A telle enseigne qu’un ancien ministre nahdhaoui propose l’arbitrage du FMI dans le différend qui sépare le gouvernement et l’Ugtt !
En fait, l’économie réelle est prise en charge par la Banque mondiale et le financier par le Fonds monétaire international. Le budget de 2017, sans référence à un plan, en est un signal alarmant. Il accable la classe moyenne et encourage les jeux. Quant à l’économie parallèle, elle est comme ailleurs, commandée par des faussaires, escrocs, maîtres chanteurs et autres malfaiteurs de même acabit. Fait nouveau, à cause d’une gouvernance déficiente, sans même se référer à la diplomatie officielle, des engagements sont pris au nom du peuple, par des partis politiques. L’heure est au réveil, au rassemblement, à la vigilance et aux aguets pour sauver nos acquis et tracer notre avenir. Pour que le pays renaisse de ses cendres, la société civile, avec plus de transparence dans sa diversité et dans son financement, doit exiger de tourner la page de cette obsession illimitée du pouvoir qui a mis le pays à genoux et qui risque de le fissurer davantage ! L’heure n’est plus au rafistolage mais au choix d’un discours de vérité sur un budget sérieux mobilisant des moyens exceptionnels pour créer de l’emploi et développer l’investissement ! Il faut donc partir des besoins et des projets. L’enquête de la consommation de 2014 est un outil suffisant pour nous renseigner sur l’état actuel de chaque gouvernorat. De quoi a-t-on besoin pour rattraper les régions dont l’indicateur de développement régional (IDR), le taux de chômage et le taux de l’analphabétisme sont faibles par rapport à ceux des régions les plus favorisées et même à la moyenne nationale? Quelles sont les infrastructures indispensables à leur attractivité et à l’implantation d’entreprises ? A l’économie numérique quelles seront les infrastructures nécessaires ? De telles questions essentielles sont pourtant absentes du débat public. Seule compte la politique, celle du théâtre et celle des commentaires des pseudos analystes qui parcourent les chaînes de Télévision. Le comportement des flashs qui fusent de toutes parts, la meute de journalistes toujours prête avec des caméras qui se tendent et des caméras qui ratissent tout sur leur passage ! Ils deviennent tous des stars avec des banalités qui jettent l’opprobre et incitent à l’indifférence d’où l’émergence d’une Tunisie dépressive où des politiciens perdent leur temps à régler les comptes avec le passé et à vivre dans la nostalgie de l’histoire ! On a envie de dire à ces derniers « Assez ! Dégagez ! Vous n’êtes pas dignes du pouvoir octroyé par le peuple!».
Par-delà les groupuscules qui foisonnent, partis, associations et autres dont l’avenir est limité dans le temps, la majorité silencieuse milite, elle, pour une Tunisie heureuse et enthousiaste!
Le sursaut de leur pays indispensable réside dans le respect de son passé et de la reconnaissance de ses héros qui ont construit sa puissance autour d’une unité nationale que le poison de la division menace aujourd’hui.